• Aucun résultat trouvé

Paragraphe type binaire et unité discursive

2. Structure discursive et fonction de détermination

2.1 Structure discursive

2.1.4. Paragraphe type binaire et unité discursive

Il existe deux différences entre le français et le japonais, la structure prosodique et la contrainte de l’ordre du modifiant et du modifié.

Pourtant, sur le plan structurel des constituants et leurs fonctions discursives, il y a des ressemblances entre le paragraphe de type binaire en français41 et l’ordre fondamental des mots présenté dans la section 1.1.1 que nous reprenons ci-dessous.

41 Nous considérons que le paragraphe de type ternaire ne correspond pas à l’ordre fondamental des mots parce que le postrhème est un constituant postposé au prédicat du rhème. Pour la même raison, nous excluons deux phénomènes, l’incise et la focalisation syntactisée, pour analyser l’unité discursive.

1) phrase verbale

[adverbial de modalité][thème][circonstant]—A

[sujet][complément] [adverbial]—B[prédicat] 2) phrase qualificative

[adverbial de modalité][thème][circonstant]—A[adverbial]—B[prédicat]

3) phrase nominale

[adverbial de modalité][thème][circonstant]—A[adnominal]—B[prédicat]

Ces phrases peuvent être divisées en deux constituants, le préambule qui comporte l’adverbial de modalité, le thème, et le circonstant42 et le rhème qui comporte le sujet, le complément, l’adverbial, l’adnominal et le prédicat.

L’adverbial de modalité correspond aux adverbes du modus dissocié, tels que « certainement », « effectivement », « peut-être ».

La fonction du circonstant est identique à celle du cadre.

La fonction du thème est équivalente à celle du support lexical disjoint et elle correspond aussi à la fonction du point de vue s’il s’agit de la personne. Les différences entre le thème et le support lexical disjoint résident dans leurs formes et dans leurs structures syntaxiques. Le thème du japonais est suffixé par la particule « wa »43 et il n’est pas repris par le pronom dans le rhème, tandis que le support lexical disjoint n’a pas de marqueur spécifique et il est obligatoirement repris par le pronom44. Cette différence permet au thème de s’éloigner du rhème ce qui fait que les constituants du préambule peuvent être permutés (comme indiqué par les signes, ). Nous signalons aussi qu’en japonais les sujets de l’unité qualificative et de l’unité nominale sont obligatoirement thématisés45, et le sujet de l’unité verbale est plus souvent thématisé que les autres constituants. Ce phénomène de thématisation cause l’absence du sujet dans le rhème.

En ce qui concerne la structure du rhème, un rhème « c’est + X » du type 1) en français est équivalent à celui des phrases qualificative et nominale en japonais ; de même, les

42

Le ligateur correspond aux interjections et aux conjonctions en japonais, mais nous examinons ce constituant pour analyser l’oral spontané dans le chapitre 7.

43 Il y a aussi d’autres marqueurs du thème que la particule « wa », tels que « nara », « tte », « toiu no wa ». En outre, dans l’oral on trouve des expressions thématiques qui peuvent correspondre au support lexical disjoint type ii) mais on ne les traite pas ici.

44 Du plus notons que la particule « wa » peut porter la même fonction contrastive que le support lexical disjoint comme Morel et Danon-Boileau l’affirment au chapitre 5 de leur ouvrage. (cf. p. 181, Koori 1997b)

45

Si le qualificatif ou le nom sont le prédicat d’une proposition adverbiale ou d’une proposition adnominale, leur sujet n’est pas thématisé.

rhèmes « il y a + X » ou « proV + X » du type 1) ou du type 2) sont équivalents à celui de la phrase verbale en japonais.

Dans le rhème de la phrase verbale, le sujet, le complément et l’adverbial sous forme de syntagme nominal sont marqués par une particule, telle que « ga », « o », « ni », « de », et

ces marqueurs permettent aux constituants d’être permutés ().

Si l’on enlève le constituant d’un préambule, l’adverbial de modalité, afin de faire la

différence avec l’énoncé qui comporte l’information paralinguistique comme l’oral spontané46,

ces trois phrases, dont l’ordre des mots est considéré fondamental, peuvent être les trois types de structures de base de l’unité discursive.

1) unité verbale

[thème][circonstant]—A

[sujet][complément] [adverbial]—B[prédicat] 2) unité qualificative

[thème][circonstant]—A[adverbial]—B[prédicat]

3) unité nominale

[thème][circonstant]—A[adnominal]—B[prédicat]

Ce classement de l’unité discursive nous indique que la notion de co-énonciation fonctionne pour la thématisation et pour la distinction entre le circonstant et l’adverbial.

L’unité discursive se définit comme une unité de l’information linguistique qui est transmise par la prosodique fondamentale. Nous considérons que pour transmettre l’information linguistique, le parleur dans l’oral, non seulement dans le style dialogal mais aussi dans le style monologal, doit anticiper des réactions possibles de l’écouteur. Autrement dit, la structure discursive est définie en se basant sur la co-énonciation du parleur tandis que la structure syntaxique est définie par le sens du prédicat47.

L’exemple (40), repris de l’exemple (1) sauf l’adverbial de modalité, est donc une unité discursive. Dans ce cas, le parleur anticipe un consensus coénonciatif ou une discordance à partir de laquelle il pense que peut s’établir un accord concernant le temps « kinou » (hier) tandis qu’il exprime une position qu’il juge différente de celle qu’il prête au coénonciateur, car il anticipe son ignorance concernant le fait que « Tanaka-san ga Suzuki-san

46 Les constituants concernant la modalité, l’incise et la focalisation seront examinés dans le chapitre 7.

47

Cette différence se rapporte aussi à la différence entre les notions de «compréhension » et de « facilité de compréhension », que nous précisons dans la section 2.3.

no shorui o mottekita » (M. Tanaka a apporté le dossier de M. Suzuki). Par exemple, le parleur anticipe, soit que le coénonciateur ne sait pas ce qui s’est passé, soit que le coénonciateur croit qu’une autre chose s’est passée.

(40) きのう 田中さんが 鈴木さんの 書類を 持って来た。 kinou Tanaka-san ga Suzuki-san no shorui o motteki’ta. [cct] [sjt] [adn] [cpt] [pdc] [préambule] [ rhème ] hier Tanaka-M. S Suzuki-M. de dossier O avoir apporté Hier, M. Tanaka a apporté le dossier de M. Suzuki.

L’exemple (41) est une variation de l’exemple (40) dont le sujet est thématisé. Dans ce cas, le parleur anticipe un consensus coénonciatif ou une discordance à partir de laquelle il pense que peut s’établir un accord concernant le temps « kinou » (hier) et le sujet « Tanaka-san ga » (M. Tanaka a fait quelques choses). Par exemple, le parleur anticipe que le coénonciateur sait que M. Tanaka est venu hier mais qu’il ne sait pas ce que M. Tanaka est venu faire, ou bien qu’il croit que M. Tanaka est venu faire autre chose (pour la réunion, etc.)

(41) きのう 田中さんは 鈴木さんの 書類を 持って来た。 kinou Tanaka-san wa Suzuki-san no shorui o motteki’ta. [cct] [thm] [adn] [cpt] [pdc] [ préambule ] [ rhème ] hier Tanaka-M. TH Suzuki-M. de dossier O avoir apporté Hier, M. Tanaka, il a apporté le dossier de M. Suzuki.

En outre, les différences entre le français et le japonais, en matière de structure prosodique et de contrainte de l’ordre du modifiant et du modifié, peuvent être expliquées par une notion corrélative, la fonction de détermination et ses indices.