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2. Structure discursive et fonction de détermination

2.3 Compréhension et unité discursive

Dans cette section, nous précisons d’abord la différence entre la compréhension et la facilité de compréhension de la langue. Ensuite, nous examinerons la relation entre la compréhension et la fonction de détermination.

2.3.1 Compréhension et facilité de compréhension

Abe et al. (1994) constate que la production et la compréhension de la langue dépendent des connaissances en partant du point de vue que la compétence linguistique est « déployée à la suite d’études suffisantes » et qu’elle « est fondée sur les connaissances apprises ».

Ils considèrent que l’on profite de trois sources de connaissances, « les expressions linguistiques données », « le contexte et les circonstances de ces expressions56 », et « les connaissances intérieures (connaissances de la langue et connaissances du monde) », pour comprendre la langue, mais en même temps la compréhension suppose la sensibilité, la capacité de perception (pour la compréhension de l’oral ou la compréhension à la lecture), et la fonction cognitive (les compétences de raisonnement, de mémoire, d’apprentissage, etc.).

Ils prétendent ensuite que la compréhension linguistique consiste à traiter des expressions linguistiques données et leur contexte en utilisant les connaissances intérieures pour former à l’intérieur de l’esprit une représentation des circonstances ou un modèle du monde du locuteur concernant les expressions linguistiques, et une représentation sémantique des expressions linguistiques ou un modèle du monde du sujet.

56 Abe et al. (1994) définissent le contexte et les circonstances comme suit : dans une phrase qui est trop longue pour être comprise entièrement et immédiatement, une partie des expressions linguistiques de cette phrase constituent « l’objet à traiter » sur le moment, ou « target » (littéralement, cible). Ensuite, ils définissent le contexte comme « les expressions linguistiques autour de la « target ». Les circonstances sont définies comme l’ensemble du « speaker’s world » (du monde du locuteur), qui comporte toutes les informations temporelles, spatiales, sociales, psychologiques, etc., derrière les expressions linguistiques.

Autrement dit, la compréhension est une formulation à l’intérieur de l’écouteur par le traitement des expressions linguistiques du parleur et dans ce processus on ne peut pas savoir si cette formulation correspond à l’original des expressions linguistiques du parleur ou non, c’est-à-dire, si les informations ou les intentions du parleur sont transmises correctement, sans méprise.

Sur la base de ce processus de compréhension, nous considérons que la facilité de compréhension est un jugement subjectif de l’écouteur selon lequel il lui est facile de traiter les expressions linguistiques du parleur pour se former une représentation sémantique. Cela nous permet de signaler que la facilité de compréhension concerne non seulement la compétence de traitement de l’écouteur mais aussi la pertinence des expressions linguistiques du parleur.

En conséquence, nous pouvons définir que la facilité de compréhension réside dans le fait que l’écouteur juge qu’il est facile de comprendre ou d’exécuter des traitements linguistiques dans son intérieur ; elle constitue une évaluation subjective de l’écouteur concernant les expressions linguistiques du parleur.

2.3.2 Compréhension et fonction de détermination

Si l’on se base sur la définition de la compréhension par Abe et al. (1994) dans la section précédente, la compréhension de l’unité discursive, dont on exclut les informations paralinguistiques de l’oral, est centrée sur la formulation d’une représentation sémantique qui ne comporte pas d’informations psychologiques parmi les circonstances.

Les expressions linguistiques sont l’ensemble des unités de lettres, de mots, de phrases et de discours, et les informations qu’elles représentent sont multiples et variées. Par conséquent, les différents modèles de traitement du processus de compréhension de chaque unité sont suggérés successivement.

Pour la compréhension de la phrase, les modèles de traitement de l’information suggérés reposent sur des théories différentes de l’analyse syntaxique. Nous ne présentons pas ici tous les modèles pour la compréhension de la phrase, mais nous considérons que le modèle d’Abe (1995) correspond à la théorie du Lexico-Syntaxe de Nitta (1980, 1997)57 que nous suivons sur le plan syntaxique dans cette thèse.

57

Signalons que Nitta (1980) affirme que sa théorie est inspirée par la théorie de la grammaire de cas de Fillmore (1975).

La compréhension d’une phrase, une unité des expressions linguistiques, est le fait que l’on forme une représentation sémantique de celle-ci. Abe (1995) considère que cette représentation est « une représentation sémantique que l’auditeur garde dans sa mémoire en écoutant une phrase » et elle est fondée sur la relation casuelle dans la phrase que Fillmore (1975) suggère dans sa théorie, la grammaire de cas. Autrement dit, la compréhension de la phrase dépend de la relation casuelle de la structure profonde, pas des formes linguistiques de la structure de surface, telles que l’ordre des mots et la voix.

De ce point de vue, la compréhension est liée avec la structure syntaxique ou avec la structure profonde des constituants de l’unité discursive.

Si la compréhension dépend de la structure profonde, on peut considérer que la structure de surface de l’unité discursive qui est définie par la fonction de détermination sert à la facilité de compréhension.

En conséquence, sur le plan de la compréhension, l’unité discursive, où non seulement les marqueurs à la fin du constituant mais aussi l’ordre des constituants correspondent à la fonction de détermination entre les constituants, est facile à comprendre pour lire. En outre, si l’on oralise cette unité avec la prosodie qui correspond aussi à la fonction de détermination de leurs constituants, le sens de l’unité doit pouvoir être transmis correctement et par conséquent l’écouteur doit pouvoir comprendre facilement ce qui est oralisé.

Réciproquement, si un énoncé ou une unité discursive oralisée est facile à comprendre, il ou elle est réalisée en mettant en correspondance les trois éléments que sont le marqueur, l’ordre et la prosodie, qui concernent tous la fonction de détermination.

2.3.3 Compréhension et prosodie

Comme mentionné dans la section précédente, plusieurs modèles fondés sur les théories de la structure syntaxique sont suggérés pour la compréhension de la phrase. Il y a aussi des modèles pour la compréhension des mots ou des séries des mots sur le plan phonologique (McNeill 1987).

Pourtant, à notre connaissance, il n’existe pas de recherches concernant la compréhension de la phrase par les indices prosodiques ou suprasegmentaux bien que l’on trouve des travaux pour distinguer le sens de phrases à ambiguïtés syntaxiques (cf. section 1.4.2 et chapitre 5 de McNeill 1987).

2.4 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté la théorie GI sur laquelle se base cette thèse pour analyser l’unité discursive, une unité entre le mot et l’énoncé. Bien qu’il y ait des différences entre le français et le japonais, nous considérons que la théorie GI peut être appliquée à l’analyse du japonais grâce à une approche pluridisciplinaire et grâce à la notion de co-énonciation qui est un principe commun de ces deux langues pour la formulation des structures discursive et prosodique.

Ensuite nous avons suggéré la notion de fonction de détermination que l’on observe également dans les deux langues sur le plan sémantique, et qui peut être corrélative avec les trois structures, la syntaxe, le discours et la prosodie. Cette fonction est cependant représentée différemment dans les deux langues : en japonais l’indice principal de cette fonction est le marqueur syntaxique/discursif pour les modifiants adverbiaux, et l’affaiblissement d’accent pour les modifiants adnominaux, tandis qu’en français la position du constituant et l’intonation constituent les indices principaux.

Dans la dernière section, nous avons examiné la compréhension linguistique et conclu que la compréhension dépend de la structure profonde ou de la syntaxe tandis que la facilité de compréhension est liée avec la structure de surface ou avec la structure discursive et avec la prosodie. Cela nous conduit à supposer qu’une unité discursive oralisée en japonais qui est facile à comprendre est réalisée en correspondance avec les trois éléments, le marqueur, l’ordre et la prosodie, qui concernent chacun la fonction de détermination.