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1. Structure syntaxique et prosodique en japonais

1.3 Mélodie du groupe de mots

1.3.2 Modification restrictive et mélodie

Par contre, Koori dans ses travaux (Koori 1997a, 1997b, 2003, 2008) prétend que c’est la modification restrictive du sens entre les constituants de la phrase qui cause les deux phénomènes présentés par P&B, pas la syntaxe ou le branchement.

Il considère que l’accent est défini phonologiquement par le noyau accentuel mais réalisé phonétiquement par une mélodie qui commence par une montée au début, descend doucement vers la fin et chute juste après la more dans le cas où elle porte le noyau accentuel. Il traite donc les deux phénomènes, que P&B et Kubozono distinguent, comme un seul phénomène, à savoir que la modulation de l’accent est diminuée jusqu'à ce que l’accent perde son indépendance, et il appelle ce phénomène unique « l’affaiblissement de l’accent ». Autrement dit, il se fonde sur le fait que chaque accent qui se réalise sans affaiblissement dans la phrase du japonais est non-marqué tandis que l’affaiblissement de l’accent est marqué.

Koori (2008) porte sur la séquence de deux constituants, un modifiant (X) et un modifié (Y). Il définit « la modification restrictive », soit que le X restreint l’étendue référentielle du Y, soit que le X désigne restrictivement un élément parmi un ensemble d’éléments qui peuvent être les modifiants du Y.

Il y a trois sortes de séquences dont le modifiant peut être restrictif : 1) constituant adnominal et nom

2) constituant adverbial et prédicat 3) constituant complémentaire et prédicat

Parmi ces trois, entre la corrélation des 1) et 2), il existe des modifiants qui ne sont pas restrictifs. Il souligne qu’on peut séparer les séquences de constituants dont la structure est le branchement à gauche en deux types selon le trait de restriction et selon que l’affaiblissement de l’accent du modifié est produit uniquement dans le cas où le modifiant est restrictif.

La première séquence des exemples (32a) et (32b)34 est composée du même

constituant adnominal, « Su’isu no » (Suisse), dans une même structure syntaxique, le branchement à gauche, mais les deux noms « bi’iru » dont les sons et les accents sont identiques ont des sens différents respectivement, le nom du (32a) signifie « la bière » et celui du (32b) est le nom d’une ville suisse « Biel/Bienne ». Le constituant adnominal du (32a) est donc restrictif tandis que celui du (32b) n’est pas restrictif.

La figure 15 représente les tracés mélodiques de trois phrases, deux d’entre elles correspondant aux exemples ci-dessus. On peut observer que le sommet du contour F0 du nom « bi’iru » de la phrase (32a) en point noir est plus abaissé (↓) que celui du nom « bi’iru » de la phrase (32b) en point blanc.

(32a) スイスの ビールって↓ どんな味ですか。 Suisu no bi’iru tte do’nna aji desu ka. [adn] [thm] [pdc]

Suisse de bière TH quel goût être Q La bière suisse, quel goût a-t-elle ?

(32b) スイスの ビールって どんなとこですか。 Suisu no bi’iru tte do’nna toko desu ka. [adn] [thm] [pdc]

Suisse de Bienne TH quel endroit être Q Bienne en Suisse, quel endroit est-elle ?

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Les exemples (32a)-(34b) des figures 15 et 16 sont des citations des articles de Koori, mais on ne traite pas ici de la troisième phrase indiquée par le contour en pointillé dans la figure 15.

Figure 15 : Contours F0 des trois phrases : (32a) en point noir et (32b) en point blanc (figure 10, p.43)

Pour la corrélation 2), la séquence du constituant adverbial et du prédicat, il donne les exemples (33a) et (33b). L’accent du prédicat du (33a) dont l’adverbe est restrictif s’affaiblit (↓) tandis que l’accent du prédicat du (33b) dont l’adverbe n’est pas restrictif ne s’affaiblit pas (Koori 1997a).

(33a) じっくり 見たい。↓ (33b) 実は 見たい。

jikku’ri mita’i. jitsu’wa mita’i. [adv] [pdc] [adv] [pdc]

à loisir vouloir regarder à vrai dire vouloir regarder

Je veux regarder à loisir A vrai dire, je veux regarder.

Koori (2008) effectue aussi le test perceptif par les stimula synthétisés pour vérifier la différence de hauteur de la mélodie du constituant modifié dans la séquence composée d’unités accentuées. Les résultats de ce test correspondent aux résultats de l’analyse des énoncés et il constate que le seuil de l’affaiblissement par la modification restrictive se situe entre 40% et 50%, par rapport à la hauteur de la mélodie du constituant modifiant.

En se fondant sur les résultats des analyses ci-dessus, il signale que la différence de mélodie entre les exemples (34a) et (34b) peut être expliquée par la modification restrictive.

Ces exemples sont composés des mêmes constituants sauf le deuxième et ils sont tous accentués. La structure syntaxique ou du branchement est différente, car le deuxième constituant du (34a) « Na’ra no » est l’adnominal qui modifie le nom suivant et celui du (34b) « Na’ra de » est le circonstant. La structure du branchement est représentée par la parenthétisation et le début du branchement à droite est marqué par la flèche (↑).

La figure 16 représente les tracés mélodiques de ces exemples et on peut observer que le sommet de la mélodie du troisième constituant « mo’miji o » de la phrase (34a) en point noir est plus abaissé que celui du constituant « mo’miji o » de la phrase (34b) en point blanc, cela étant indiqué par (a). Les mélodies du prédicat « mi’ta », marqué (b), sont toutes les deux abaissées.

(34a) ( 去年 ( 奈良の もみじを↓) ( 由美と 見た。↓) ) ↑ (a) ↑ (b) kyo’nen Na’ra no mo’miji o Yu’mi to mi’ta. [cct] [adn] [(nom)cpt] [cct] [pdc] année dernière Nara de feuilles rougis d’érable O Yumi avec avoir vu J’ai vu avec Yumi les feuilles rougies d’érable de Nara l’année dernière.

(34b) ( 去年 ( 奈良で ( もみじを ( 由美と 見た。↓) ) ) ) ↑ ↑(a) ↑ (b) kyo’nen Na’ra de mo’miji o Yu’mi to mi’ta. [cct] [cct] [(nom)cpt] [cct] [pdc] année dernière Nara à feuilles rougis d’érable O Yumi avec avoir vu J’ai vu avec Yumi les feuilles rougies d’érable à Nara l’année dernière.

Figure 16 : (34a) en point noir et (34b) en point blanc (figure 1, p.36)

Si l’on se base sur la théorie du branchement, on peut expliquer cette différence de mélodie par le fait que le « downstep » est bloqué par la contrainte du branchement à droite au début du troisième constituant de la phrase (34b). Pourtant, dans les cas des exemples (32a) et (32b), (33a) et (33b), qui ont tous la structure du branchement à gauche, on ne peut expliquer

ce blocage du « downstep » ni par la contrainte de branchement à droite ni par la contrainte de rythme, et il faut donc ajouter une contrainte sémantique.

Koori signale que la séquence de deux constituants où le modifiant est restrictif a toujours la structure du branchement à gauche, comme indiqué par la parenthétisation dans les exemples (34a) et (34b), mais « l’inverse n’est pas vrai », c’est-à-dire que dans une séquence de deux constituants ayant la structure du branchement à gauche, le modifiant n’est pas toujours restrictif.

En conséquence, il prétend que les mélodies du troisième constituant du (34a) et des deux prédicats du (34a) et (34b) sont abaissées parce qu’ils sont tous modifiés restrictivement par les constituants précédents, tandis que les mélodies des autres constituants ne sont pas abaissées parce qu’ils ne sont pas modifiés restrictivement par le constituant précédent.

Cette notion, la modification restrictive de Koori concernant le phénomène mélodique entre l’accent et l’énoncé correspond à la fonction restrictive suggérée par Masuoka pour la structure syntaxique. Ce qui précède nous enseigne que non seulement la structure syntaxique mais aussi la structure prosodique ne sont pas définies seulement par la fonction syntaxique.

Pourtant, les exemples des travaux de Koori sont des phrases simples qui sont fabriquées et enregistrées expérimentalement, et ils ne portent que sur la séquence de deux constituants du modifiant et du modifié dont l’ordre des mots est fixé. Nous considérons que les conditions des travaux de Koori sont trop limitées pour expliciter la corrélation entre la fonction restrictive et la prosodie dans sa totalité.

Par ailleurs, il montre dans son article en 2007 que l’affaiblissement de l’accent par la modification restrictive n’est pas obligatoire dans la conversation spontanée. Les recherches antérieures montrent qu’il y a plusieurs paramètres discursifs ou paralinguistiques que l’on doit prendre en compte pour analyser l’oral spontané. Il nous paraît qu’il faut préciser la fonction de chaque paramètre prosodique dans l’oral et la corrélation entre eux pour examiner le phénomène que Koori observe.