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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET PROBLÉMATIQUE

II. L‟action de diriger et des dirigeants

1.1 Les paradigmes d‟organisation

D‟abord, avant la mise en débat des paradigmes et les pratiques organisationnelles, il est important de nous poser la question d‟où diriger le regard quand on cherche à comprendre les activités de dirigeant ? « Vers les activités elles-mêmes » serait-on tenté de répondre. Mais dans quel contexte?. Au début on pense à « l‟organisation », où elle présente en effet « un ensemble de dispositifs sociaux, techniques, culturels, juridiques, éthiques, destinés à permettre l‟action collective en vue d‟obtenir des résultats » (Lorino, 2005). Elle engage une double dimension d‟action et de signification « les acteurs s‟efforcent à donner un sens à leurs expériences, au flux d‟événements dont ils sont partie prenante, à leur relation à autrui et à l‟organisation » (Grimand, 2009). C‟est précisément l‟apport de cette double dimension ce qui a permis de montrer l‟organisation selon des paradigmes en accord aux cadres culturels.

Du point de vue de la théorisation d‟origine américaine Stewart, (1991), c‟est le paradigme concurrentiel qui indique que dans les organisations publiques et privées actuelles, toute stratégie mise en œuvre a pour but d‟augmenter la valeur, sur la base de l‟évaluation de l‟action.

Dans le monde de l‟entreprise privée, les actionnaires demandent aux dirigeants des compétences de mise en place de stratégies ayant pour but la maximisation de la valeur boursière pour l‟actionnaire, de la valeur distinctive des concurrents, c‟est-à-dire, faire face à la scène compétitive dynamique où le plus important est la compréhension des forces globales, la réaction immédiate, et l‟innovation dans la définition des stratégies. Il s‟agit du paradigme concurrentiel ayant pour base la légitimité de la stratégie et qui s‟appuie sur la relation de compétitivité, ayant pour mission la maximisation d‟une valeur industrielle.

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS Alors, il est légitime de se demander ce que l‟on comprend par stratégie et quels éléments se distinguent dans ce concept. Selon Prahalad, (2000) « la stratégie n‟est pas un exercice où nous extrapolons une situation actuelle, sinon un exercice où nous imaginons le futur et nous irons l‟incorporer de façon harmonieuse au présent ».

De cette définition, on peut inférer que les stratégies incorporent des cours d‟action distincts que les organisations mettent en place et que leur position compétitive dépendra de leurs compétences distinctives. C‟est-à-dire celles que les compétiteurs ne peuvent pas imiter. Nous regardons l‟organisation par rapport au dynamisme du marché et en envisageant toujours le futur, de telle façon que les dirigeants adoptent une position anticipatrice qui leur permet d‟incorporer l‟innovation en termes des processus et des nouveaux produits.

Dans ce contexte, nous pouvons faire l‟inférence que cette théorie a oublié que l‟élément humain est au centre des relations de travail, ou autrement dit, pour faire face à l‟action, l‟engagement initial et continu des personnes est prioritaire et se voit ultérieurement reflété dans les résultats de la stratégie. Alors, il apparaît que centrer le regard seulement sur le dynamisme du marché n‟est pas suffisant. À côte de cette théorisation d‟origine américaine, il existe une tradition française complémentaire (Pasquet, 2004), qui propose deux grandes interprétations socio- économiques de la réalité en entreprise :

- La première s‟appuie sur le paradigme financier ou transactionnel « […] conçoit qu‟un agent économique adapte logiquement son comportement de manière à optimiser les critères sur lesquels il se sent jugé, […] en privilégiant les indicateurs numériques, « mécanisme de gestion » » (Berry ; Moisdon ; Riveline, 1979), donc la légitimité de la stratégie est basée sur la relation de délégation décisionnelle unissant actionnaires et dirigeant, qui a la mission de maximisation de la valeur boursière.

- La deuxième s‟appuie sur le paradigme organisationnel « rationalité limitée et la complexité pour une analyse en termes de relations de pouvoir, c‟est l‟approche de la sociologie des organisations dite « analyse stratégique » des acteurs » (Crozier, 1962 ; Crozier et Friedberg ; 1977 ; Friedberg,

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS 1993), de ce point de vue la légitimité de la stratégie est relative à la structure formalisant les rapports entre membres et dirigeants, qui ont la mission d‟une valeur interne partagée.

D‟ailleurs, on pourrait réunir l‟ensemble de ces trois paradigmes, ainsi : « […] la stratégie globale de l‟entreprise résulte d‟un compromis entre les attentes du marché, des actionnaires et de l‟organisation. D‟un point de vue conceptuel, cet équilibre correspond à l‟interface des trois paradigmes […] : le paradigme concurrentiel, le paradigme transactionnel et le paradigme organisationnel » (Mathé, et Rivet, 1992).

Sans doute, du point de vue de l‟analyse stratégique des acteurs, le métier de dirigeant devient un objet de recherche de plus en plus investi, et notamment la question de la nature des compétences à mettre en œuvre pour réussir à atteindre les objectifs des organisations, en termes de processus de communication et de négociation avec tous les membres de l‟organisation. D‟un point de vue plus conceptuel, c‟est-à-dire de la théorie managériale, l‟équilibre du dirigeant correspond à l‟interface des deux paradigmes: le paradigme concurrentiel et le paradigme organisationnel (Mathé, et Rivet, 1992).

En même temps, les dirigeants des organisations publiques doivent faire face aux pressions sociales (civiles et politiques) pour l‟amélioration constante de la qualité, des opportunités, de l‟accessibilité et de l‟efficience dans le fonctionnement du service, de même qu‟ils ont le défi de mettre en place des stratégies permettant de répondre à ces pressions. La population civile est consciente de ses droits et exerce une pression pour donner et trouver des solutions à ces problèmes. Il s‟agit, pour les institutions de formation du dirigeant de bien connaître les divers langages en usage sur le terrain de leurs organisations et d‟agir volontairement sur eux-mêmes afin de réaliser les activités de mise en correspondance entre le discours théorique et les pratiques réelles.

Nous pouvons dire que ces paradigmes de référence représentent un regard sur le dirigeant du point de vue de l‟emploi. Ce regard est focalisé sur les qualités humaines et les capacités nécessaires pour remplir le poste. Elles sont tenues sur la base des résultats de la recherche réalisée dans des contextes culturels

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS déterminés et sur la base de la spécialisation des champs d'application : par exemple l'économie, la gestion, l'éducation (Whitehead, 1925; Said, 1983, Wright, 1967). Elles s‟expriment dans ce que nous pourrions nommer la théorie managériale, en trouvant diverses postures à l'égard de l'action de –diriger- le paradigme stratégique, le paradigme concurrentiel, le paradigme organisationnel. Tout ceci a un point en commun: pour accéder au poste de dirigeant, il est nécessaire d'avoir une série de talents exceptionnels qui favorise, dans l'organisation, la compréhension de forces globales, la réaction immédiate, l‟innovation, la vision du futur, l‟interprétation des indicateurs numériques (la comptabilité, le budget, l‟économie), la rationalité limitée, etc. Parallèlement nous constatons qu‟en général l‟efficacité de l'activité du dirigeant est expliquée à partir de ces mêmes talents, en exacerbant l‟individualisme et en oubliant l'aide reçue de ses collaborateurs.

Nous pourrions dire que cette perspective est cohérente avec le développement de la notion de qualification du poste dans les trente dernières années. Cette notion s‟inspiré sur du modèle taylorien et notamment de la différence qui à cette époque- là se fait entre «ouvrier qualifié » et « ouvrier spécialisé », et suivi des innovations et du progrès technique incorporé dans les entreprises qui ont des impacts sur les méthodes de gestion et de production.