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CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET PROBLÉMATIQUE

I. Action et activité

1. Les courants théoriques

1.3 La pragmatique linguistique

1.3.5 La pragmatique du discours

L‟analyse du discours est un domaine de recherche qui a évolué selon des courants très divers. Nous distinguerons, de façon générale et à partir d‟une vue scientifique, deux démarches parallèles de la notion du discours : la première, conçoit le discours en tant qu‟objet de recherche et la seconde, en tant que méthode d‟analyse des données. (Figure 2)

Figure 2. Comparaison des différentes perspectives du discours

Le discours comme objet de recherche Le discours comme méthode de recherche Nature de la réalité sociale Réaliste Construite socialement dans l‟interaction

Subjectiviste Subjectiviste Réaliste Centre d‟attention Fonction Processus collectif L‟acteur et

représentation Plusieurs voix : polyphonique. Unique voix : monologue. Conception du discours Une technologie du changement. Un outil de co- construction de l‟identité organisationnelle. Un moyen de construction de légitimité. Des connecteurs pragmatiques, des temps verbaux et de la référence. Le présupposé, le posé et le sous-entendu Le discours se réduit aux énoncés qui le composent et le contexte Conception de l‟organisation Réalité objective Médium et produit des interactions Univers subjectif Conception de la communication Transmission

d‟information Co-construction de la realité

Création de représentations- signification Objectif des chercheurs Expliquer et prédire Décrire le processus de construction et de négociation Comprendre Le sens, comprendre. Expliquer Auteurs de référence Benveniste E. Berry M. Crozier M. Friedberg E. Kerbrat- Orecchioni C. Austin J.L., Abric J.C, Boje D. Borzeik A. Chiapello E. Weick K. Van Dijk T.A.

Austin J.L. Searle J. Ducrot O. Charaudeau P. Chercheurs utilisant le discours Alvarez F. Touchelay B. Delfour J.-J Rivière A. Chekkar R., Onnée S. Vignaux G. Damiani L.

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS Le discours en tant qu‟objet de recherche, notamment les chercheurs en sciences de gestion qui se sont intéressés aux discours : managérial, des dirigeants, de l‟entreprise et dans l‟entreprise. Également, nous pouvons présenter l‟analyse du discours comme une méthode d‟analyses des données. « Ce qui provoque parfois une certaine confusion et une certaine difficulté à faire le lien entre les données empiriques et le cadre théorique élaboré par les chercheurs » (Alvesson ; Karreman, 2000).

1. Le discours comme objet de recherche - Le discours comme un outil :

Dans cette perspective, la réalité sociale a conçu l‟organisation comme une réalité objective. La réalité sociale est construite socialement dans l‟interaction.

L‟objet de recherche est centré en la fonction du discours, c‟est-à-dire, le discours est compris comme un instrument de gestion. Par exemple : Alvarez (2006) le discours se présente comme une sorte particulière de « mécanisme social de la conduite, comme un moyen puissant de la régulation par signe de l‟activité humaine »

(Ricœur et Sebestik, 2004). Alvarez (2006) analyse les conditions de production d‟un discours managérial dans un contexte de changement organisationnel. Elle observe que le processus de changement aboutit à une modification des rapports de pouvoir où le discours devient lui-même une technologie du changement.

- Le discours comme un outil de co-construction de l’identité

organisationnelle

La réalité sociale de l‟organisation est conçue comme un « processus organisant » (Weik, 1979), l‟organisation peut-être vue « comme un ensemble de pratiques matérielles des textes et des discussions placés dans des courants d‟économie politique et socio-historiques dans le temps et dans l‟espace » (Boje, Oswick, Ford ; 2004).

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS Dans cette perspective le discours est un mécanisme de construction «une sorte d‟instrument, de moyen, donc suffisamment distinct de soi et de son identité ; il est un outil » (Delfour, dans Cailluet, Déjean et Saboly 2006).

L‟organisation est un moyen qui produit des interactions où la communication permet la co-construction de la réalité. Chekkar ; Onnée (2006) ont montré lors de leurs recherches que d‟une part, « les discours managériaux ne peuvent se comprendre qu‟au regard des différents contextes dans lesquels ils s‟inscrivent, confirmant ainsi « l‟articulation du texte et du lieu social dans lequel il est produit ». D‟autre part, « la personnalité du dirigeant occupe une place importante dans le processus de communication,.., un rôle de symbole, de porte-parole, de diffuseur et d‟homme de réseau à la frontière entre l‟entreprise et son environnement »

L‟objectif du chercheur est de décrire le processus de construction et de négociation, « Une grande partie des études […] ont donné à voir l‟importance du langage dans la construction de l‟apprentissage comme pratique sociale » (Gold et Watson, 2001). Le chercheur met l‟accent sur l‟interaction et la co-construction de la réalité sociale.

- Le discours comme un moyen de construction de légitimité :

Pour faire face à la crise de légitimité, les entreprises cherchent la stratégie de communication pour s‟approcher de leurs parties prenantes et ainsi réussir leur approbation.

La réalité sociale subjective et l‟objet de recherche sont basés sur les acteurs de l‟organisation et leurs représentations.

Dans cette perspective, nous concevons le discours comme un reflet de la culture de l‟organisation, « Il n‟existe aucun discours qui ne soit argumentatif en regard d‟un certain contexte. Ce qu‟on entend par là, c‟est que tout discours relèverait d‟intentions persuasives traduisibles en modalités d‟influence, en processus visant à la conviction » (Vignaux, 1995, dans Cailluet, Déjean et Saboly 2006).

L‟organisation se conçoit comme une réalité subjective, c‟est-à-dire, elle s‟intéresse aux représentations des acteurs. La communication est définie comme une offre de signification en permettant la création des représentations.

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS L‟objectif des chercheurs est de comprendre les représentations et le sens construits par les acteurs de l‟organisation dans le discours. Damiani, (1995), dans Cailluet, Déjean et Saboly (2006) montre notamment , « que l‟écriture constitue une étape importante pour les avocats, il observe surtout que la prononciation du discours devient primordiale pour la profession et nécessite de ce fait la maitrise de techniques oratoires appropriées ».

2. Le discours comme méthode de recherche, d’analyse des donnés : - Une démarche polyphonique :

Le langage exprime des différentes types de significations : propositionnel, sociale, affective entre autres. Or, c‟est Austin (1962) le premier auteur qui a dit que les sujets parlants peuvent faire différentes choses avec la parole, « il attache une importance particulière au langage, pour lui la meilleur façon d‟aborder les faits, le réel, était de se laisser guider par le langage ordinaire ». Austin (1962) « entendait plutôt que le réel ne se laisse pas atteindre directement, mais justement par l‟intermédiaire du

langage ». Son idée fondamentale est que quelques énonces ne sont pas des

affirmations ou des questions mais ils sont des actions, de là le titre de son ouvrage « quand dire, c‟est faire ». Cependant, l‟auteur arrive à une confusion au moment où il propose une classification performative des verbes en anglais. L‟auteur Searle (1976), continue le travail d‟Austin, mais à différence de lui, il propose une classification des verbes avec de forces illocutoires.

Pour Ducrot (1984) le discours a plusieurs voix est polyphonique, c‟est-à-dire, « plusieurs voix parlent simultanément, sans que l‟une d‟entre elles soit prépondérante et jouge les autres ». Il se centre comme une méthode dans l‟interprétation des

connecteurs pragmatiques, des temps verbaux et de la référence.

Également Ducrot (1984) parle de l‟analyse des actes de langage qui ont deux composants :

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS - la première, la description sémantique linguistique ou composant linguistique

« l‟ensemble de connaissance qui permettent de prévoir, si un énoncé A de L a été prononcé dans des circonstances X » et,

- la seconde, le composant rhétorique « aurait pour tâche, étant donnée la signification A est attaché à A, et aux circonstances X dans lesquelles A est prononcé, de prévoir la signification effective de A dans la situation X ».

A partir de ces deux composants Ducrot (1984, 1991) fait l‟hypothèse qu‟il peut y avoir deux types du sens de A et être compris dans le contexte X :

- le présupposé, « est toujours reporté de la signification dans le sens. On pourrait même dire qu‟il est écrit dans la signification »,et

- le sous-entendu, « se caractérise par le fait que, tout en étant observable dans certains énoncés d‟une phrase, il n‟est pas marqué dans la phrase ».

D‟ailleurs, pour Charaudeau (1982), l‟acte de langage comme « une mise en scène », est le résultat de deux activités : l‟activité de production et l‟activité d‟interprétation dans un double circuit externe/interne.

L‟activité de production est le fait d‟un sujet protagoniste « le sujet communiquant », qui a certain statut psycho-social « du fait que parler c‟est s‟engager dans une certaine relation d‟échange vis-à-vis, au moins, d‟un autre

protagoniste » (Charaudeau, 1982).

L‟activité d‟interprétation est le fait d‟un protagoniste, « dès l‟instant qu‟il s‟institue en sujet interprétant, endosse un certain statut social dans la relation d‟échange qui lui est proposée et qu‟il reconnaît » (Charaudeau, 1982).

Selon le même auteur il y a trois composants qui constituent le contrat socio-

langagier.

- Ils se donnent un certain statut psycho-social, chacun de ces statuts étant imaginé par chacun des protagonistes ;

- Ils sont chacun partie prenante dans un contrat d‟échange qui est de l‟ordre du Faire, et non de Dire, et qui dépend du statut psycho-social (rapport de pouvoir/ soumission) ;

- Ils sont dépendants du canal physique de transmission (oral/graphique, direct/différé, etc.)

CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS Le circuit externe « qu‟est le lieu des conditions de production et d‟interprétation du langage sur lequel sont mis en scène un sujet communiquant et un sujet interprétant

comme êtres agissants » (Charaudeau, 1982).

Un circuit interne « qu‟est le lieu du Dire où sont mis en scène un sujet énonciateur et un sujet destinataire comme êtres de parole ». (Charaudeau, 1982).

- Une démarche monologique

Finalement nous concevons une démarche comme quoi le discours a une voix unique. Il est une monologue et se réduit aux énoncés qui le composent, lesquels seulement peuvent être compris et interprétés dans un contexte déterminé.

Les discours analysés apparaissent ici comme des monologues émanant du sujet parlant : seul leur voix (ou leur écrit) est écoutée (ou lu), il n‟y a pas d‟interaction.

1.4 La théorie cognitive de l’apprentissage, dans une perspective