• Aucun résultat trouvé

Il est généralement admis [Martinet, 2001, p.46] par les philosophes des sciences qu’un paradigme est la combinaison de l’ontologie, de la méthodologie et de l’épistémologie (Cf. Figure 2).

Ayant replacé en perspective chacun de ces éléments au paragraphe 2.2, il reste à préciser comment ils vont s’articuler pour déterminer le plus précisément possible le paradigme dans lequel cette recherche doit se situer.

Dans le secteur de la distribution, la méthodologie d’enquête et la rigueur scientifique du traitement des résultats ont peu évolué depuis environ cinquante ans. Les progrès dans le traitement de l’information et de minimes adaptations à l’environnement sont les évolutions visibles des outils utilisés. Les profondes transformations technologiques et sociétales post-industrielles n’ont pas modifié la façon dont les acteurs de ce secteur perçoivent leur métier. Dans les travaux de mesure de résultats des campagnes de marketing réalisés à la demande des gestionnaires, la conception des enquêtes obéit aux mêmes croyances depuis qu’elles sont apparues à la fin des années soixante. Les sondages par enquête avec des entretiens en face à face à domicile, en magasin ou à distance par téléphone restent l’outil privilégié des mesures d’efficacité. Les mémoires de stockage de données de capacité quasi illimitée, les vitesses des processeurs des ordinateurs et leur mise en réseau ont modifié la présentation et la vitesse d’analyse c’est-à-dire la forme des enquêtes, mais pas la méthode de celles-ci.

L’arrivée de nouveaux entrants sur le marché de la distribution et les achats alimentaires désormais possible par correspondance sur internet, sans contrainte de distance, commencent à modifier la part de marché des hypermarchés. Avec la numérisation de toute la chaîne de gestion, l’arrivée des réseaux de communication accessibles aux particuliers et d’autres innovations touchant les moyens de télécommunication, les enseignes de la distribution constatent que le modèle qui a fait leur succès depuis quarante ans ne leur assure plus la croissance à laquelle ils étaient accoutumés.

Le paradigme de la distribution de masse des produits industrialisés soutenue par une communication non ciblée a déjà été remis en cause en marketing industriel depuis les années quatre-vingt dix. La limite de ce modèle parait désormais également atteinte pour les grandes surfaces alimentaires.

2.3.4.1 Fonctions et variables

La base empirique constituée par la grande distribution et son environnement est un champ d’étude très vaste dont le poids économique est tel qu’une multitude d’acteurs venant de domaines souvent éloignés s’y intéressent. La couverture géographique par les propres enseignes du distributeur ou ses filiales de format plus petit, atteint la totalité du territoire en France. Tous les consommateurs sont donc des clients ou des prospects de ce secteur.

‰ Les sciences sociales (sociologie, ethnologie, psychologie, anthropologie, histoire, philosophie) ont trouvé, avec l’apparition de cette forme de commerce dans les années soixante, un terrain de recherche très vaste. Certains de leurs outils comme les enquêtes de mesure d’audience, mesure d’image, de notoriété, sont réalisées auprès des consommateurs. D’autres mesurent de très nombreuses variables en rapport avec le choix et l’achat d’espaces de vente, d’espaces publicitaires, les résultats et réactions des concurrents.

‰ Les sciences de l’information (informatique, systèmes, documentation, savoir, etc.) trouvent ici des volumes de données à l'échelle du milliard pour les transactions effectuées par les clients qui se comptent en millions. Les techniques d’extraction de données (data mining) apportent depuis peu des capacités d’analyses qui étaient impossibles il y a quelques années.

‰ Les mathématiques (statistiques, probabilités, économétrie) et, pour leurs techniques de modélisation, les sciences physiques, peuvent exploiter les bases de données. L’apport de ces sciences exactes est exploité par tous les éditeurs de

logiciels. Ils vendent aujourd’hui des interfaces d’utilisation simplifiées des outils mathématiques appliqués aux bases de données stockant des milliers de variables.

‰ L’économie et les Sciences de Gestion (comptabilité, contrôle de gestion, ressources humaines, marketing, stratégie, prospective, approvisionnements, achats) sont des disciplines sans lesquelles la grande distribution n’existerait pas. Les analyses macroéconomiques des tendances lourdes des marchés, ou microéconomiques du pouvoir d’achats par segment géographique sont réalisées auprès de spécialistes de chaque domaine afin d’alimenter la réflexion des décideurs.

La vingtaine de disciplines qui participent au domaine sont toutes concernées par les nouvelles capacités des Systèmes d’Information. Utiliser les bases de données assemblées par les grands distributeurs afin d' améliorer leurs résultats est une question à base empirique qui, pour être productrice de connaissance nouvelle, nécessite d’utiliser les techniques et/ou de déterminer et de mesurer les variables maîtrisées par ces disciplines. On perçoit dès lors que l’exhaustivité parait difficile et que la question épistémologique tient la première place dans ce type de recherches où ces très nombreux systèmes et sous-systèmes sont en connexion, entretiennent des interrelations, s’influencent mutuellement et produisent des rétroactions sur eux-mêmes. Les enquêtes traditionnelles que les grandes enseignes délèguent à des sociétés spécialisées ne pourront pas mesurer toutes les variables, ni évaluer le degré d’influence qu’elles ont les unes sur les autres.

Si on prend comme exemple une campagne de marketing, on peut essayer de poser la question de manière rigoureuse en langage mathématique de la façon suivante:

- pour une campagne C, voulant mesurer son efficacité auprès de Madame X, quelle est la part respective d’un message promotionnel à la radio RC et dans la presse quotidienne régionale PQRC (exemple avec deux médias seulement), dans la décision des dépenses D effectuées par Mme X ?

Sachant que les messages de C intègrent de la communication institutionnelle CoI associée à une promotion pour un produit P, que C a démarré le 15 du mois (plus on se rapproche de la fin du mois, moins les achats sont faciles), que Mme X a une sensibilité au produit SP , que le choix de l’enseigne dépend aussi de la distance d par rapport au magasin [Volle, 1996], que

Mme X a un taux de lecture des catalogues distribués dans les campagnes précédentes de TL,