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Le cas Tesco

5.3 Les Patronnés

5.3.1 Carte de Fidélité, support de l’information

Dans son aspect technique, la ClubCard, carte de fidélité de Tesco (décrite Figure 34 à partir du site www.tescocorporate.com) est un support d’information qui est un simple code barre liant la carte à une entrée de la base de données clients. En cas de perte de la carte, les informations détenues sur le client ne s’y trouvent pas et la confidentialité reste préservée.

Pour que ces informations se transforment en communication puis en connaissance il faut qu’elles circulent à la rencontre d’un destinataire qui pourra y apporter une réponse. Plus cette information circule, plus le lien qui existe entre les deux pôles de la communication s’étoffe. Renforcer la relation entre le distributeur et ses client est le premier principe des cartes de fidélité (Hypothèse H6) qui devient la matérialisation d’un patronage (Cf. §4.6.2) quasi réciproque.

La trame de cette relation privilégiée repose sur trois fils essentiels : l’image de la marque, le type de secteur concerné et le comportement du consommateur.

Par secteur, un taux de renouvellement d’achat de 50% peut être excellent en électroménager ou pour un nouveau produit et médiocre pour du café.

Le comportement des consommateurs est bien sûr le "fil" le plus difficile à obtenir. Si la priorité est de conserver le client, les budgets investis dans ce programme poussent les gestionnaires à exiger plus de résultats. Pour modifier les comportements des clients et les amener à augmenter la fréquence de leurs visites ou le montant de leurs dépenses, les gestionnaires des bases de données et les mercaticiens doivent travailler sur ce qu’ils veulent obtenir de leurs clients et sur le système de récompenses correspondant.

Les habitudes et les comportements n’évoluant pas facilement, ces actions peuvent prendre du temps avant de devenir rentables. Les équipes doivent aussi veiller à agir à l’intérieur de l’Organisation pour que des exigences de résultat à court terme ne viennent perturber le processus, par exemple en reprenant dans un mailing direct vers les Patronnés des supports promotionnels généralisés. Le résultat à très court terme pourrait être positif mais détruirait l’image de la carte qui ne serait plus perçue comme une récompense de la fidélité mais comme un support promotionnel anonyme supplémentaire.

5.3.2 Lancement de la ClubCard de Tesco

En septembre 1994, lorsque les équipes de Dunnhumby et Tesco pensèrent avoir acquis assez de connaissance-client (Hypothèse H5), il fut décidé de procéder au premier test de marketing direct (Hypothèse H6).

L’agence EHS Brann fut chargée de concevoir une campagne de 100 000 envois par voie postale. Le message à délivrer était simple, de même que la segmentation de la base. Les petits clients recevaient à leur nom un bon d’achat de £1 pour des achats d’au moins £10 et les gros clients recevaient un bon de £3 pour des achats d’au moins £30. Ce mailing direct fut une première dans la distribution et obtint un excellent taux de retour sur les bons d’achats ainsi qu’une hausse de 4 % du chiffre d’affaires des porteurs de cartes démontrant non seulement la justesse de l’Hypothèse H5, mais aussi la rentabilité de ces flux d’échange.

5.3.3 Lancement de la Carte de Fidélité Carrefour

Recueillis le 24 juin 2004 lors de la présentation par l’agence de communication de son plan d’action pour le lancement de la carte, les détails de cette campagne éclairent la mise en place et la représentation sous-jacente du flux échangé entre le Système d’Information et les Patronnés (Hypothèse H5).

En juin 2004, l’objectif est de convaincre trois millions de consommateurs en huit semaines de prendre une nouvelle carte de fidélité. Intéresser les français à cette carte paraît alors difficile.

ƒ Une carte de fidélité n'est ni un évènement ni une nouveauté. Carrefour est le dernier distributeur français à lancer "sa" carte et les consommateurs sont déjà pourvus par les concurrents. Il y a 70 millions de cartes en France dont la moitié issue de la grande distribution.

ƒ Les consommateurs sont perplexes face à la multiplication et à la complexité des mécaniques promotionnelles. Le risque pour la carte, qui associe au départ trois mécaniques de réduction avec le choix des produits à réduction permanente, le bon d’achat mensuel de récompense et les promotions ciblées, est de rebuter le consommateur avec des explications rébarbatives.

ƒ Il y a aussi un risque de confusion avec la carte de paiement PASS, d'autant plus grand que cette carte a naguère fait profiter ses porteurs de mécaniques de fidélisation proches de celles que la nouvelle Carte Carrefour va proposer.

Pour atteindre son objectif, la campagne de promotion de la carte doit : ƒ différencier la carte Carrefour de toutes les autres cartes.

ƒ créer vite une forte notoriété et une curiosité à l'égard de la carte.

ƒ amener trois millions de français (en plus des deux millions de porteurs PASS) à prendre la carte dans les deux mois qui suivront le lancement.

ƒ intégrer la carte à la réorientation en cours de l'image du distributeur qui aide à "Mieux Consommer".

Mise en œuvre de la campagne :

La stratégie de positionnement de la carte, décrite comme un outil de baisse des prix plutôt que comme un outil de fidélité, est inattendue. L’agence de communication justifie cette stratégie par trois arguments :

ƒ Se différencier de toutes les autres cartes qui se présentent comme des outils de fidélité et véhiculent de fait toutes les contraintes associées à l'idée de fidélité.

A une clientèle de plus en plus volatile, il est plus motivant de présenter la fidélité comme un résultat, pas comme une promesse. Ce présupposé vient de la “cognition” du marché des cartes et valide l’Hypothèse H7 en utilisant les “compétences” acquises avec les autres programmes de fidélité. Il s’agit d’une campagne classique de lancement d’un produit nouveau.

ƒ Proposer un bénéfice tangible à un client cherchant à signaler sa capacité à débusquer les bonnes affaires [Badot, 1998, pp.148-151] et qui est très préoccupé en 2004 par des

besoins de consommation qui explosent (culture, multimédia, 35 heures) face à des ressources stables voire en baisse.

ƒ S'inscrire dans une stratégie de baisse des prix par l'enseigne initiée avec le programme « Mieux consommer ».

La création de la campagne

Le visuel de la campagne met en scène une consommatrice idéalisée (Figure 35) qui exprime symboliquement avec l’étiqueteuse le pouvoir de baisser les prix. On rompt ainsi avec le code de la grande distribution produit/promotion/prix, avec les imageries familiales des programmes de fidélisation, tout en valorisant la cliente sur l'idéal de maîtrise des dépenses. Monsieur T.L. du service Etudes de Carrefour remarque, à propos de la sélection des produits que les clients peuvent être tentés de sélectionner une liste différente de promotions dans plusieurs enseignes car certains concurrents ont adopté un processus similaire de sélection des produits. Il s’interroge aussi sur la pertinence du choix du visuel, à son sens trop décalé par rapport à l’image traditionnelle de la Grande Distribution. Dans les vagues suivantes de la campagne de promotion de la carte, la "super héroïne" ne paraît plus (Cf. Figure 40).

Le texte de la campagne radio est reproduit Figure 36. Il reste dans la stratégie de communication qui insiste plus sur la baisse des prix que sur le mécanisme assez compliqué de fidélisation avec le choix de 25 produits en promotion permanente.

Figure 36 Texte de la campagne radio du lancement de la carte Carrefour

Le Plan Média associe l’affichage qui crée l'évènement, la presse qui explique les réductions, la radio et les catalogues pour exposer les bénéfices, les magasins qui créent l'urgence et les brochures pour rassurer sur la simplicité. Ceci permet d’accompagner le client jusqu’à la décision de prendre la carte.

Comparée à la campagne de lancement de la ClubCard de Tesco (Cf.§5.3.2), celle de Carrefour utilise des moyens classiques beaucoup plus lourds, donnant l’impression que les magasins ne peuvent pas “vendre” la carte directement au client.

Alors que le produit s’adresse aux clients existants, la campagne cible des prospects.

Par rapport aux objectifs fixés, les résultats mesurés par post test Sofres avec la méthode Adeffect en mai 2004 ont montré une campagne très impactante, car mémorisée, reconnue, appréciée, et attribuée à Carrefour.

CARREFOUR Fidélité Récapitulons - 40''

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La campagne a été bien comprise et a créé un intérêt pour le bénéfice de baisse des prix que plus d'une personne sur deux restitue spontanément. Il faut rappeler que le contexte social au moment de la campagne était très orienté vers “les gains de pouvoir d’achat par la baisse des prix”, idée développée par Leclerc, le concurrent direct de Carrefour, pour essayer d’obtenir une modification législative des mécanismes de marges commerciales.

5.3.4 Résultat de la campagne pour la Carte de