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Section 1. LE RENOUVEAU DES THEORIES DU CHANGEMENT

1.1. Une perspective des théories dans leur contexte socio-économique : De la gestion

1.1.1. Le paradigme gestionnaire du changement

Le paradigme gestionnaire voit le processus de changement comme un acte volontaire de management dans une logique de pilotage et de maîtrise (Soparnot, 2004). La littérature propose à cet égard des travaux sur l’action de gestion du changement, dans lesquels le changement se pilote (Soparnot, 2009a, 2009b).

1.1.1.1. Le changement comme vecteur de progrès puis d'adaptation de l'organisation

Dans les années 50, le changement est perçu comme un vecteur de développement et de progrès. C’est un processus continu en interne de l’entreprise afin de répondre à un accroissement de la demande de nouveaux biens et services. L’organisation est un ensemble modulaire et malléable qui peut s’adapter progressivement en réaction à un environnement relativement prévisible. Demers (1999) cite les théories de la croissance (notamment Penrose, 1959) et théorie du cycle de vie comme relevant de cette conception positive du changement.

A partir des crises économiques des années 70, les entreprises doivent adapter leurs structures pour faire face à un environnement changeant. La théorie de la contingence (notamment Chandler, 1962) décrit la nécessité d’adaptation de l’organisation (stratégie, structure, systèmes) aux exigences de l’environnement. L’école du Développement Organisationnel fait référence à l’école des relations humaines (Mayo, Lewin, Mc Gregor) dans sa conception de l’évolution organisationnelle basée sur des valeurs de participation et de consensus. Par l’amélioration de la qualité de vie et de la satisfaction des employés, le changement planifié vise à une meilleure performance organisationnelle.

Pendant cette période prédomine la vision rationaliste et volontariste du changement vu comme une réponse intentionnelle des dirigeants aux exigences internes et externes. Dans la

« quoi » - stratégie, structure, systèmes - qu’au « comment » - la dynamique du changement. Elles aident à répondre à la question « que change-t-on pour réussir ? » mais il n’y a que peu d’études décrivant le processus de changement.

1.1.1.2. Le changement radical nécessaire pour la pérennité de l'organisation

Vers la fin des années 70, les pressions au changement viennent davantage de l’externe avec l’ouverture des marchés et l’intensification de la concurrence. Le changement s’impose aux dirigeants pour la pérennité de l’entreprise, en examinant surtout les leviers sur lesquels ils peuvent agir (restructuration, réorientation stratégique). Il n’est plus forcément intentionnel, planifié mais peut être contraint, radical et revêtir une dimension négative.

Le changement est un processus radical de mutation, conçu comme une réponse délibérée à une crise réelle ou anticipée, mené par des dirigeants visionnaires qui agissent simultanément sur la culture, la stratégie et la structure d’une organisation afin de la transformer de façon significative. Cette transformation est vue comme couteuse et difficile à réaliser car elle se heurte à la force de résistance de l’organisation. Demers inscrit dans cette vision l’écologie des populations (notamment Hannan et Freeman, 1984), l’approche configurationnelle (notamment Miller et Friesen, 1984), les théories culturelle (notamment Schein, 1985) et cognitive (Bartunek, 1984) et la théorie de l’équilibre ponctué (Tushman & Romanelli, 1985 ; Gersick, 1991).

Les approches de cette période fournissent une vision plus riche des outils de changement disponibles, aidant à répondre à la question « comment fait-on un changement » : par une gestion rationnelle (actions sur la structure et la stratégie) ou une gestion symbolique (attention sur les dimensions cognitives et culturelles), incitant les dirigeants à s’intéresser à la gestion du sens.

Tableau 1 : Perspective contextualisée des théories du changement organisationnel - 1ère et 2ème périodes

Adapté de C. Demers, (1999), « De la gestion du changement à la capacité de changer. L’évolution de la recherche sur le changement organisationnel de 1945 à aujourd’hui », Gestion, Vol. 24-3, p. 131-139.

Contexte socio-éco. Conception du changement Théories Apports et limites

1 ère pér iode : cr oi ssanc e e t adap ta ti on

Après 2ème guerre mondiale : Forte croissance et stabilité

économique Préoccupations pour les droits de l’homme et la démocratie Contre culture, mai 68

Libéralisation des mœurs

Conception positive du changement organisationnel associé au développement des organisations :

Synonyme de progrès Processus graduel de développement induit par la nature de l’organisation,

ensemble modulaire et malléable. Adaptation progressive en réaction à un environnement relativement prévisible.

Vision rationaliste et volontariste du changement vu comme une réponse intentionnelle des dirigeants aux exigences internes et externes.

Théories de la croissance (notamment Penrose, 1959) : La croissance est une tendance naturelle des organisations, du fait de la recherche de maximisation des profits, et est dépendante de la disponibilité des

ressources. La structure de l’organisation doit évoluer pour tenir compte de l’augmentation de sa taille. Le changement aboutit à une complexification du fonctionnement organisationnel.

Dans la compréhension du changement, les approches se sont plus intéressées au « quoi » - stratégie, structure, systèmes - qu’au « comment » - la dynamique du

changement.

Utilité pour la pratique : aident à répondre à la question « que change-t-on pour réussir ? »

Il n’y a que peu d’études décrivant le processus de changement.

Théorie du cycle de vie : l’organisation est conçue comme un organisme vivant dont la logique interne est la croissance. L’organisation se différencie et se complexifie graduellement. Le changement se fait par étapes, le rôle du dirigeant étant de faciliter la transition.

Théorie de la contingence : l’organisation est conçue comme un système ouvert, dont les caractéristiques doivent s’adapter à celles d’un

environnement donné. Le dirigeant doit continuellement ajuster l’organisation (stratégie, structure, systèmes) aux exigences de l’environnement.

Travaux de Chandler (1962) sur Du Pont, Sears &Roebuck, Standard Oil, General motors : processus de passage de la structure fonctionnelle à la structure multidivisionnelle

Développement organisationnel : conception de l’évolution

organisationnelle propre à l’école des relations humaines basée sur des valeurs de participation et de consensus (Mayo, Lewin, Mc Gregor). Changement planifié vise à améliorer la qualité de vie, la satisfaction des employés pour mener à une meilleure performance organisationnelle

Approche qui propose un modèle d’intervention. Peu d’études des initiatives de changement et de leurs résultats.

L’adaptation est perçue comme le résultat d’un processus

organisationnel émergent ou de négociations qui échappent aux dirigeants

Théorie behaviorale de la firme (Cyert& March, 1963) : l’organisation est une arène politique où les acteurs développent des schémas de

comportements.

Courant alternatif, ayant une influence sur les

développements plus récents. Théorie de l’incrémentalisme disjoint (Braybrooke, Lindblom, 1963) :

l’organisation est un système contraint par sa logique interne (choix

Contexte socio-éco. Conception du changement Théories Apports et limites 2èm e pér iode : m or t ou tr ansf or m a ti on

Milieu des années 70 : fin de la croissance et récession Crises pétrolières de 1973 et 1978 Concurrence économique, notamment asiatique Libéralisation des marchés Ere de l’économique et de la loi du marché Conception dramatique du changement, associé à la crise dans la vie d’une organisation. Processus discontinu et révolutionnaire (Allaire, Firsirotu, 1985 ; Hedberg, Jönsson, 1977-78)

Changement radical : processus radical de mutation conçu comme une réponse délibérée des dirigeants à une crise réelle ou anticipée, mené par des dirigeants visionnaires qui agissent

simultanément sur la culture, la stratégie et la structure d’une organisation afin de la transformer de façon significative. Cette

transformation est vue comme couteuse et difficile à réaliser. L’organisation est conçue comme une gestalt, configuration dotée d’une grande force de résistance.

Théorie de l’écologie des populations (Hannan, Freeman, 1984 ; Singh et al., 1986) : le principal mécanisme de changement est la sélection par

l’environnement ; les organisations ne se renouvellement pas, elles sont remplacées par des organisations mieux adaptées. Le changement radical mènerait plus souvent à la mort de l’organisation qu’à sa transformation.

Ces approches se sont intéressées aux processus planifiés en examinant surtout les leviers sur lesquels peuvent agir les dirigeants (restructuration, réorientation stratégique).

Utilité de ces approches : vision plus riche des outils de changement disponibles, aidant à répondre à la question « comment fait-on un changement »

- gestion rationnelle (actions sur la structure et la stratégie)

- gestion symbolique : attention sur les

dimensions cognitives et culturelles, incitant les dirigeants à s’intéresser à la gestion du sens. Approche configurationnelle (Miller et Friesen, 1984 ; Greenwood, Hinings,

1988) : le changement radical – global et rapide – serait nécessaire pour briser l’inertie, minimiser les risques d’incohérence et réduire les coûts liés au passage d’une configuration à une autre. Un tel changement est initié par les dirigeants uniquement en situation de crise : décisions visibles de niveau stratégique (fusion et acquisition, désinvestissement, diversification) et / ou organisationnel (réorganisation, révision des modes de rémunération…) Théories culturelle (Schein, 1985) et cognitive (Bartunek, 1984) : vision plus large et plus riche du changement organisationnel qui n’est plus uniquement stratégique et structurel, mais aussi culturel et cognitif, qui produit une nouvelle vision du monde et en cela une rupture perçue comme inévitable. En effet, toute transformation significative de nos valeurs et croyances entraine une période de discontinuité insécurisante et douloureuse à vivre pour les individus.

Dimension symbolique dans l’action du dirigeant, leader charismatique qui va donner un sens à la vision stratégique pour qu’elle devienne réalité. Théorie de l’équilibre ponctué : évolution organisationnelle caractérisée par de longues périodes de stabilité pendant lesquelles le changement serait graduel et convergent avec la direction établie, ponctuée par de courtes périodes de crise généralement dues à des changements dans l’environne-ment, changements abrupts et divergents de l’orientation précédente. Le changement stratégique

émerge des initiatives de la base et des négociations entre sous-groupes et avec des sous-groupes de pression externes. Le dirigeant n’a pas de vision stratégique précise ou une vision limitée. Cette vision se précise en cours de route grâce à l’expérimentation.

Théorie de l’incrémentalisme (Quinn, 1978 ; Johnson, 1988) Courant alternatif : s’intéresse au processus émergent dans la transformation stratégique, par opposition au processus planifié.

Approche marginale dans les années 80 qui a amené progressivement à une

nouvelle vision du changement. Théorie de la formation de la stratégie (Mintzberg, Waters, 1985 ; Pascale,

1984)

Théorie néo institutionnelle (DiMaggio, Powell 1983)