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Section 1. LE CHAMP DU MANAGEMENT PUBLIC : CONSTITUTION, DIMENSIONS

1.3. La modernisation de la gestion publique

En France, le secteur public a vu se développer, depuis une quarantaine d’années et la Rationalisation des Choix Budgétaires, de nombreux dispositifs de modernisation de la gestion publique dans un souci de performance.

Cette tendance s’est accélérée, comme en témoignent les réformes impulsées au niveau de l’Etat et dans les collectivités territoriales depuis les années 90. Ces réformes, telles que dernièrement la LOLF –Loi Organique Relative aux Lois de Finance- entrée en vigueur en 2006, ou la RGPP –Révision Générale des Politiques Publiques- lancée en juillet 2007, visent à maîtriser et rationaliser les dépenses publiques tout en améliorant la qualité des politiques publiques. La première vague de la RGPP a consisté en des réformes structurelles (réorganisation de l’administration centrale et des services extérieurs de l’Etat) et une simplification des procédures administratives. La deuxième vague, lancée en 2010, a visé en priorité les fonctions supports de l’Etat ainsi que l’amélioration du service rendu à l’usager13.

Cette dernière réforme concerne les collectivités locales puisque l’Etat déclare vouloir tirer les conséquences de la décentralisation et se réorganiser en conséquence par des services déconcentrés « garants de la cohérence de l’action de l’Etat dans les territoires ». Cependant, certains acteurs locaux craignent que rationalisation ne rime avec désengagement et redoutent de faire indirectement les frais de la réforme.

Le Sénat a mis en place début 2011 une mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour les collectivités territoriales et les services publics locaux, qui a rendu son rapport en juin 201114. A l'issue de

13http://www.vie-publique.fr/focus/quelle-modernisation-action-publique-apres-rgpp.html (28/09/2012)

14 « La RGPP : un défi pour les collectivités territoriales et les territoires », Rapport d'information n° 666 (2010-2011) de M. Dominique De Legge fait au nom de la Mission commune d'information RGPP, déposé le 22 juin

cinq mois de travaux, la mission sénatoriale a formulé 49 propositions en vue de corriger les effets indésirables de la réforme. La Mission a ainsi déploré que la définition et la mise en œuvre de la RGPP se soient opérées selon une procédure centralisée et sans concertation avec les collectivités territoriales. Pourtant, les collectivités sont directement impactées par la RGPP. En effet, alors que la réforme des collectivités territoriales a conforté les missions du département, la réorganisation de l’administration territoriale de l’Etat (RéATE) a consacré l’échelon régional comme le niveau de pilotage des politiques publiques et a conféré au préfet de région un rôle prééminent. Le rapport souligne que cette régionalisation des services déconcentrés a tendance à conforter l’impression d’éloignement de l’Etat et à allonger les démarches administratives pour les élus locaux. Les collectivités territoriales restent attachées au rôle du sous-préfet, comme interlocuteur unique et comme facilitateur des projets.

Autre aspect de la RGPP, la redéfinition des cartes des services publics (carte militaire, restructurations hospitalières, carte judiciaire) a pu avoir de lourdes conséquences dans certains territoires. La mission souhaite notamment un traitement différencié entre les territoires ruraux et les zones urbaines pour éviter que la RGPP n’entraîne une augmentation des écarts de développement et des injustices territoriales. Le rapport traite également de la réforme du contrôle de légalité, désormais centralisé en préfecture, et insiste sur le besoin de sécurité juridique pour les collectivités, notamment les plus petites, qu’il est nécessaire d’accompagner. Sont en outre cités l’ingénierie territoriale, pour laquelle les communes doivent faire face à un désengagement de l’Etat, et le recours croissant aux nouvelles technologies et à la dématérialisation, qui porte le risque d’un service public ne répondant plus au besoin de proximité. Mettant en garde sur les conséquences probables de la diminution du nombre des agents publics de l’Etat (règle du "un sur deux") sur le niveau et la

quantité des services publics, les 49 propositions visent à mieux intégrer les besoins propres aux collectivités territoriales dans la RGPP.15

Le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, a voulu être très vigilant sur les conditions dans lesquelles la RGPP serait poursuivie, afin qu'il soit répondu au besoin de proximité, que les collectivités territoriales ne subissent pas des transferts de charge non compensés et que les exigences de l'aménagement du territoire soient pleinement intégrées. Pour la mission, cette réforme essentielle pour l'efficacité de l'action publique devait être poursuivie dans la concertation. Ses effets concrets pour les collectivités territoriales et les services publics locaux justifiaient que les élus locaux soient étroitement associés à sa conception et à sa mise en œuvre.

Depuis le changement de majorité politique en 2012, la volonté de réformer l’État s’incarne désormais dans la « modernisation de l’action publique » (MAP). Un décret du 30 octobre 2012 a créé le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP). Placé sous l’autorité du Premier ministre, et mis à la disposition du ministre chargé de la réforme de l’État, ce secrétariat général doit tout à la fois favoriser et coordonner, de manière interministérielle, toutes les initiatives conduites dans les différentes administrations favorisant la réforme de l’État. En particulier, le SGMAP doit favoriser le développement du numérique dans l’administration, la transparence de l’action administrative, ou encore la participation tant des usagers que des agents à la qualité des services publics. Fin 2012, un Comité interministériel de modernisation de l’action publique s’est réuni et a fixé trois actions prioritaires : simplification de l’action administrative, accélération de la transition numérique et évaluation des politiques publiques.

Pour nombre d’élus locaux, la vraie question consiste à savoir comment répartir l’action publique, nationale ou locale, sur les territoires16. En effet, les collectivités territoriales doivent répondre à des enjeux fondamentaux, de même nature que ceux auxquels est confronté l’Etat : une nécessaire adaptation de la gestion publique aux évolutions de l’environnement, et aux attentes renouvelées des usagers-citoyens ; une plus grande efficience de cette gestion, compte tenu de la tendance à la baisse des ressources financières.

Par ailleurs, le rapport Silicani (2008) sur les valeurs du service public montre le rôle central joué par les valeurs dans les réformes des services publics et de la fonction publique.

Les expériences étrangères révèlent que le référentiel de valeurs communes à l’ensemble des services publics et de la fonction publique comprend à la fois des valeurs traditionnelles et des valeurs émergentes. Les premières sont profondément ancrées dans l’histoire des pays considérés. Elles ont la plupart du temps été intégrées dans le droit applicable aux services publics et à la fonction publique. Elles incluent notamment le respect de la légalité, la neutralité, l’intégrité ou encore la continuité. Les secondes sont le fruit de la nouvelle conception de la gestion publique qui s’est affirmée dans les pays développés depuis les années 1980 : elles trouvent leur fondement dans l’état actuel de sociétés où les barrières entre secteur public et secteur privé ont tendance à s’estomper et où les activités de services, quel que soit leur opérateur, doivent de plus en plus intégrer les exigences de chaque individu. Elles incluent notamment l’efficacité individuelle de chaque agent, la transparence, ou encore la plus grande attention portée à l’usager.

En France, la source première des valeurs du service public et de la fonction publique est à rechercher dans la trilogie républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité. Viennent ensuite

les trois principes du service public, la continuité, l’égalité et la mutabilité, ou l’adaptabilité, systématisés par le juriste Rolland au début du 20ème siècle, sous l’appellation de « lois du service public ». Profondément ancrés dans la culture administrative française, ces trois principes s’appliquent à de multiples aspects de la vie professionnelle des agents publics et de l’action des services publics.

Le rapport Silicani (2008) prône la réaffirmation des valeurs essentielles de son service public et de sa fonction publique. Ces valeurs sont la traduction des choix relatifs à la manière dont le service public et ses employés doivent œuvrer.

Nous présentons une synthèse des sondages effectués en 2008 et 2013 (cf. en annexe 2). En 2008, "les français continuent de défendre avec ardeur les valeurs de la fonction publique et les fonctionnaires" (sondage effectué par l'institut IPSOS pour la Gazette des communes, magazine hebdomadaire des collectivités locales). La fonction publique bénéficie alors d'une bonne image pour 70 % des personnes interrogées et les français restent attachés à la fonction publique ainsi qu'à ses grands principes.

Toujours en 2008, au regard des fonctionnaires eux-mêmes, la compétence et la laïcité émergent comme les deux valeurs incarnant le mieux à leurs yeux le service public aujourd’hui (sondage réalisé par l'institut IFOP pour le Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique). La compétence, en recueillant 41% de citations, arrive en tête notamment après des agents de catégorie B (46%) et de catégorie C (41%). Avec 38% de citations, la laïcité demeure également l’un des fondements du service public français aux yeux de ses agents. La performance et la transparence, valeurs que l’on associe régulièrement au secteur privé, ne se voient mentionnées qu’à hauteur de 10% par les fonctionnaires. Concernant maintenant les valeurs à promouvoir, les fonctionnaires interrogés se prononcent en faveur du développement de l’efficacité (40%), de la qualité (37%) ou encore de la transparence (35%).

Qu'en est-il de ces opinions de nos jours ? Fin 2013 (deuxième édition du Baromètre du service public municipal - Institut d’Administration des Entreprises (IAE) de Lille, Sratécom et Médias conseil – Action publique), du côté des usagers, parmi les valeurs que doit porter le service public municipal, la valeur de l'efficacité est plébiscitée (53 %). Trois valeurs arrivent ensuite de façon groupée : la gratuité en seconde place (38 %), puis les valeurs d’intérêt général (34 %) et de compétence (33 %). 56 % des Français se prononcent en faveur du maintien du niveau des impôts prélevés par leur ville pour conserver le niveau de service actuel. La compétence est différemment appréciée selon les âges (37 % de citations pour les plus jeunes et 30 % pour les plus âgés) et semble être une valeur que l’on retrouve de manière indifférenciée dans le cas des services publics et des services marchands. En revanche, la continuité du service et l’adaptabilité, valeurs traditionnelles du service public, n’obtiennent qu’une faible adhésion : 17 % et 7 % respectivement.

Fin 2013 également (baromètre « La Gazette – Pragma – emploipublic.fr »), aux yeux des fonctionnaires, rendre un service de qualité est plus que jamais, la principale mission du service public pour 84 % des fonctionnaires répondants. Mais la vision de ce service a changé: un agent sur deux estime que la bonne gestion des deniers publics s’impose, un sur cinq considère qu’il convient de garantir le résultat attendu. D'autres résultats sont révélateurs d’une prise de conscience collective : si 68 % des agents souhaitent toujours que leur collectivité se mobilise d’abord sur la qualité des services publics et s’engage à leurs côtés, deux nouvelles priorités apparaissent: l’approche collective de réduction des dépenses de fonctionnement, pour un tiers, et le développement de la mutualisation, pour plus d’un sur cinq. Enfin, 65 % des territoriaux font de l'intérêt de leurs missions leur premier « moteur », et de loin. Preuve de leur engagement, la satisfaction des usagers se hisse en seconde position pour 45 % d’entre eux, alors que le plaisir de participer à l’exercice d’une mission de service public progresse en troisième position (40 %).