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CHAPITRE 1

CAPACITE DE CHANGEMENT

DE L’ORGANISATION

ET ROLE DES CADRES INTERMEDIAIRES

Il y a vingt ans déjà, Van de Ven et Poole (1995) comptaient un million d’articles relatifs aux sujets du changement et du développement dans leur revue de littérature interdisciplinaire (psychologie, sociologie, gestion, économie, biologie, médecine, géographie). Cette littérature considérable peut donner le sentiment d’un morcellement qui traduit la polysémie du concept, puisque le même mot peut désigner un objectif, une démarche ou un résultat, et son ambivalence, puisqu’il symbolise aussi bien le progrès que le risque d’une régression.

Le changement est régulièrement posé comme enjeu tant pour l’entreprise dans son environnement concurrentiel que pour les organisations évoluant dans le secteur public : il est essentiel pour toute organisation d’identifier où elle doit aller et comment gérer les changements pour s’y rendre (Burnes, 2004). La notion de changement organisationnel peut recouvrir aussi bien « des considérations liées à des modifications structurelles, d’autres liées à des processus d’accoutumance adressés au personnel et d’autres liées à la définition stratégique de trajectoires de changement » (Thiétard, 2008).

Changement organisationnel et stratégie organisationnelle sont indissociables. Le changement stratégique affecte des contenus et/ou des processus au sein de l’organisation « de manière à modifier de façon durable la performance de l’organisation » (Hafsi et Fabi,

1997). Selon Giroux (1991), il se traduit par une modification d’un ou plusieurs éléments de la stratégie – définition de la mission, des objectifs de l’entreprise, choix concernant les domaines d’activités, les moyens à utiliser (structure, technologie…) – et souvent de l’ensemble de ces éléments dans un souci de maintien de la cohérence.

Le changement est un phénomène complexe car « il existe plusieurs types de changement, plusieurs modes de gestion du changement et plusieurs facteurs qui sont touchés par le changement ou qui l’influencent dont on doit tenir compte dans sa réalisation » (Giroux, 1991). Si la conduite du changement est une constante du management, un « invariant » (Thévenet, 1988), l’exercice reste problématique. Les démarches de conduite du changement se sont développées en réponse à la volonté des dirigeants de maitriser ce phénomène et les dispositifs d’accompagnement au changement sont proposés notamment par les grands cabinets de conseil. La recherche en management stratégique a cherché à apporter des réponses aux questions de décalage entre les objectifs visés et les résultats obtenus dans ces démarches, et aux phénomènes de résistance au changement. Les chercheurs se sont ainsi intéressés aux modes de gestion du changement dans un but descriptif ou explicatif, aux processus sous-jacents.

Nous abordons, dans notre première section, cet objet tentaculaire qu’est devenu le changement organisationnel, en nous attachant au renouvellement de ses théories, aux processus qui fondent la capacité de changement et à la gestion de cette capacité organisationnelle.

Dans la seconde section, nous nous intéressons au cadre ou manager intermédiaire, acteur ressource dans les processus de changement. Nous précisons la conception du rôle des cadres intermédiaires dans les organisations et l'évolution de ce rôle, en comparant le secteur privé et le secteur public. Enfin, nous mettons en évidence leurs interventions dans les processus de changement en abordant les aspects stratégiques, et la construction de sens.

SECTION 1. LE RENOUVEAU DES THEORIES DU

CHANGEMENT ORGANISATIONNEL DANS LA

LITTERATURE : LE CONCEPT DE CAPACITE DE

CHANGEMENT

Nous cherchons dans la première section de notre état de l'art, à rendre compte de l’évolution de la conceptualisation du changement. Il nous parait fondamental d’exposer en premier lieu les grands courants de la recherche sur le changement organisationnel et leur renouvellement, en présentant une perspective contextuelle des théories dans l’environnement socio-économique des 50 dernières années amenant au concept de capacité de changement qui s’est développé dans la littérature académique depuis les années 804 (1.1.).

En second lieu, nous examinons les processus participant de la capacité de changement (1.2) : nous notons que ce concept s'appuie sur des théories participant du champ du management stratégique, notamment la formation de la stratégie, ainsi que la capacité organisationnelle basée sur les ressources.

Enfin, nous nous intéressons à la gestion de cette capacité organisationnelle (1.3), garantie de la pérennité organisationnelle, qui s'incarne dans la recherche de l'équilibre entre stabilité et changement, et dans le management du sens dans l'organisation.

4 Une recherche sur Google Scholar (juillet 2014) sur les termes « capacité de changement »,« capacité au changement », « capacité à changer » dans le texte (avec suppression des doublons) renvoie :

- 51 résultats pour la période 1980-1989, - 375 résultats pour la période 2000-2004, - 70 résultats pour la période 1990-1994, - 739 résultats pour la période 2005-2009, - 161 résultats pour la période 1995-1999, - 932 résultats pour la période 2010-2014.

1.1. UNE PERSPECTIVE DES THEORIES DANS LEUR CONTEXTE

SOCIO-ECONOMIQUE

: DE LA GESTION DU CHANGEMENT A LA

CAPACITE DE CHANGER

Nous adoptons la perspective de Demers (1999) pour situer les principales théories du changement dans le temps parallèlement à l’évolution du contexte socio-économique et révéler la dynamique de la recherche amenant au concept de capacité de changement.

Demers(1999) présente l’évolution de la conceptualisation du changement, à partir d’une revue de littérature des principales théories du changement organisationnel depuis 1945, qu’elle décline en trois périodes socio-économiques (que nous présentons dans les tableaux 1 et 2 pages suivantes) : de l’après-guerre à la fin des années 70, se succèdent deux phases de croissance et d'adaptation des organisations à leur environnement socio-économique ; des années 70 aux années 80, s'ouvrent des périodes de récessions économiques, qui vont de pair avec l'intensification de la concurrence au niveau mondial et la libéralisation des marchés ; enfin, à partir des années 80, le contexte est marqué par la perte de confiance, l’imprévisibilité, le démantèlement de l’Etat-providence et la précarisation du travail, ainsi que par l'avènement des nouvelles technologies de la communication.

Deux visions différentes du changement peuvent être identifiées dans le temps, sous l’apparente fragmentation des approches théoriques : « La première met l’accent sur la gestion du changement, tandis que la seconde traite de la gestion de la capacité à changer des organisations» (Demers, 1999). Ces deux visions correspondent à deux paradigmes – gestionnaire et complexe – (Soparnot, 2004, 2009b) qui rejoignent des oppositions thématiques classiques, telles que programmé / construit, délibéré / émergent, correspondant à celle plus fondamentale du monologue / dialogue.

1.1.1. Le paradigme gestionnaire du changement

Le paradigme gestionnaire voit le processus de changement comme un acte volontaire de management dans une logique de pilotage et de maîtrise (Soparnot, 2004). La littérature propose à cet égard des travaux sur l’action de gestion du changement, dans lesquels le changement se pilote (Soparnot, 2009a, 2009b).

1.1.1.1. Le changement comme vecteur de progrès puis d'adaptation de l'organisation

Dans les années 50, le changement est perçu comme un vecteur de développement et de progrès. C’est un processus continu en interne de l’entreprise afin de répondre à un accroissement de la demande de nouveaux biens et services. L’organisation est un ensemble modulaire et malléable qui peut s’adapter progressivement en réaction à un environnement relativement prévisible. Demers (1999) cite les théories de la croissance (notamment Penrose, 1959) et théorie du cycle de vie comme relevant de cette conception positive du changement.

A partir des crises économiques des années 70, les entreprises doivent adapter leurs structures pour faire face à un environnement changeant. La théorie de la contingence (notamment Chandler, 1962) décrit la nécessité d’adaptation de l’organisation (stratégie, structure, systèmes) aux exigences de l’environnement. L’école du Développement Organisationnel fait référence à l’école des relations humaines (Mayo, Lewin, Mc Gregor) dans sa conception de l’évolution organisationnelle basée sur des valeurs de participation et de consensus. Par l’amélioration de la qualité de vie et de la satisfaction des employés, le changement planifié vise à une meilleure performance organisationnelle.

Pendant cette période prédomine la vision rationaliste et volontariste du changement vu comme une réponse intentionnelle des dirigeants aux exigences internes et externes. Dans la

« quoi » - stratégie, structure, systèmes - qu’au « comment » - la dynamique du changement. Elles aident à répondre à la question « que change-t-on pour réussir ? » mais il n’y a que peu d’études décrivant le processus de changement.

1.1.1.2. Le changement radical nécessaire pour la pérennité de l'organisation

Vers la fin des années 70, les pressions au changement viennent davantage de l’externe avec l’ouverture des marchés et l’intensification de la concurrence. Le changement s’impose aux dirigeants pour la pérennité de l’entreprise, en examinant surtout les leviers sur lesquels ils peuvent agir (restructuration, réorientation stratégique). Il n’est plus forcément intentionnel, planifié mais peut être contraint, radical et revêtir une dimension négative.

Le changement est un processus radical de mutation, conçu comme une réponse délibérée à une crise réelle ou anticipée, mené par des dirigeants visionnaires qui agissent simultanément sur la culture, la stratégie et la structure d’une organisation afin de la transformer de façon significative. Cette transformation est vue comme couteuse et difficile à réaliser car elle se heurte à la force de résistance de l’organisation. Demers inscrit dans cette vision l’écologie des populations (notamment Hannan et Freeman, 1984), l’approche configurationnelle (notamment Miller et Friesen, 1984), les théories culturelle (notamment Schein, 1985) et cognitive (Bartunek, 1984) et la théorie de l’équilibre ponctué (Tushman & Romanelli, 1985 ; Gersick, 1991).

Les approches de cette période fournissent une vision plus riche des outils de changement disponibles, aidant à répondre à la question « comment fait-on un changement » : par une gestion rationnelle (actions sur la structure et la stratégie) ou une gestion symbolique (attention sur les dimensions cognitives et culturelles), incitant les dirigeants à s’intéresser à la gestion du sens.

Tableau 1 : Perspective contextualisée des théories du changement organisationnel - 1ère et 2ème périodes

Adapté de C. Demers, (1999), « De la gestion du changement à la capacité de changer. L’évolution de la recherche sur le changement organisationnel de 1945 à aujourd’hui », Gestion, Vol. 24-3, p. 131-139.

Contexte socio-éco. Conception du changement Théories Apports et limites

1 ère pér iode : cr oi ssanc e e t adap ta ti on

Après 2ème guerre mondiale : Forte croissance et stabilité

économique Préoccupations pour les droits de l’homme et la démocratie Contre culture, mai 68

Libéralisation des mœurs

Conception positive du changement organisationnel associé au développement des organisations :

Synonyme de progrès Processus graduel de développement induit par la nature de l’organisation,

ensemble modulaire et malléable. Adaptation progressive en réaction à un environnement relativement prévisible.

Vision rationaliste et volontariste du changement vu comme une réponse intentionnelle des dirigeants aux exigences internes et externes.

Théories de la croissance (notamment Penrose, 1959) : La croissance est une tendance naturelle des organisations, du fait de la recherche de maximisation des profits, et est dépendante de la disponibilité des

ressources. La structure de l’organisation doit évoluer pour tenir compte de l’augmentation de sa taille. Le changement aboutit à une complexification du fonctionnement organisationnel.

Dans la compréhension du changement, les approches se sont plus intéressées au « quoi » - stratégie, structure, systèmes - qu’au « comment » - la dynamique du

changement.

Utilité pour la pratique : aident à répondre à la question « que change-t-on pour réussir ? »

Il n’y a que peu d’études décrivant le processus de changement.

Théorie du cycle de vie : l’organisation est conçue comme un organisme vivant dont la logique interne est la croissance. L’organisation se différencie et se complexifie graduellement. Le changement se fait par étapes, le rôle du dirigeant étant de faciliter la transition.

Théorie de la contingence : l’organisation est conçue comme un système ouvert, dont les caractéristiques doivent s’adapter à celles d’un

environnement donné. Le dirigeant doit continuellement ajuster l’organisation (stratégie, structure, systèmes) aux exigences de l’environnement.

Travaux de Chandler (1962) sur Du Pont, Sears &Roebuck, Standard Oil, General motors : processus de passage de la structure fonctionnelle à la structure multidivisionnelle

Développement organisationnel : conception de l’évolution

organisationnelle propre à l’école des relations humaines basée sur des valeurs de participation et de consensus (Mayo, Lewin, Mc Gregor). Changement planifié vise à améliorer la qualité de vie, la satisfaction des employés pour mener à une meilleure performance organisationnelle

Approche qui propose un modèle d’intervention. Peu d’études des initiatives de changement et de leurs résultats.

L’adaptation est perçue comme le résultat d’un processus

organisationnel émergent ou de négociations qui échappent aux dirigeants

Théorie behaviorale de la firme (Cyert& March, 1963) : l’organisation est une arène politique où les acteurs développent des schémas de

comportements.

Courant alternatif, ayant une influence sur les

développements plus récents. Théorie de l’incrémentalisme disjoint (Braybrooke, Lindblom, 1963) :

l’organisation est un système contraint par sa logique interne (choix

Contexte socio-éco. Conception du changement Théories Apports et limites 2èm e pér iode : m or t ou tr ansf or m a ti on

Milieu des années 70 : fin de la croissance et récession Crises pétrolières de 1973 et 1978 Concurrence économique, notamment asiatique Libéralisation des marchés Ere de l’économique et de la loi du marché Conception dramatique du changement, associé à la crise dans la vie d’une organisation. Processus discontinu et révolutionnaire (Allaire, Firsirotu, 1985 ; Hedberg, Jönsson, 1977-78)

Changement radical : processus radical de mutation conçu comme une réponse délibérée des dirigeants à une crise réelle ou anticipée, mené par des dirigeants visionnaires qui agissent

simultanément sur la culture, la stratégie et la structure d’une organisation afin de la transformer de façon significative. Cette

transformation est vue comme couteuse et difficile à réaliser. L’organisation est conçue comme une gestalt, configuration dotée d’une grande force de résistance.

Théorie de l’écologie des populations (Hannan, Freeman, 1984 ; Singh et al., 1986) : le principal mécanisme de changement est la sélection par

l’environnement ; les organisations ne se renouvellement pas, elles sont remplacées par des organisations mieux adaptées. Le changement radical mènerait plus souvent à la mort de l’organisation qu’à sa transformation.

Ces approches se sont intéressées aux processus planifiés en examinant surtout les leviers sur lesquels peuvent agir les dirigeants (restructuration, réorientation stratégique).

Utilité de ces approches : vision plus riche des outils de changement disponibles, aidant à répondre à la question « comment fait-on un changement »

- gestion rationnelle (actions sur la structure et la stratégie)

- gestion symbolique : attention sur les

dimensions cognitives et culturelles, incitant les dirigeants à s’intéresser à la gestion du sens. Approche configurationnelle (Miller et Friesen, 1984 ; Greenwood, Hinings,

1988) : le changement radical – global et rapide – serait nécessaire pour briser l’inertie, minimiser les risques d’incohérence et réduire les coûts liés au passage d’une configuration à une autre. Un tel changement est initié par les dirigeants uniquement en situation de crise : décisions visibles de niveau stratégique (fusion et acquisition, désinvestissement, diversification) et / ou organisationnel (réorganisation, révision des modes de rémunération…) Théories culturelle (Schein, 1985) et cognitive (Bartunek, 1984) : vision plus large et plus riche du changement organisationnel qui n’est plus uniquement stratégique et structurel, mais aussi culturel et cognitif, qui produit une nouvelle vision du monde et en cela une rupture perçue comme inévitable. En effet, toute transformation significative de nos valeurs et croyances entraine une période de discontinuité insécurisante et douloureuse à vivre pour les individus.

Dimension symbolique dans l’action du dirigeant, leader charismatique qui va donner un sens à la vision stratégique pour qu’elle devienne réalité. Théorie de l’équilibre ponctué : évolution organisationnelle caractérisée par de longues périodes de stabilité pendant lesquelles le changement serait graduel et convergent avec la direction établie, ponctuée par de courtes périodes de crise généralement dues à des changements dans l’environne-ment, changements abrupts et divergents de l’orientation précédente. Le changement stratégique

émerge des initiatives de la base et des négociations entre sous-groupes et avec des sous-groupes de pression externes. Le dirigeant n’a pas de vision stratégique précise ou une vision limitée. Cette vision se précise en cours de route grâce à l’expérimentation.

Théorie de l’incrémentalisme (Quinn, 1978 ; Johnson, 1988) Courant alternatif : s’intéresse au processus émergent dans la transformation stratégique, par opposition au processus planifié.

Approche marginale dans les années 80 qui a amené progressivement à une

nouvelle vision du changement. Théorie de la formation de la stratégie (Mintzberg, Waters, 1985 ; Pascale,

1984)

Théorie néo institutionnelle (DiMaggio, Powell 1983)

1.1.2. Le paradigme complexe du changement

Pour le paradigme complexe, le changement peut avoir une trajectoire aléatoire, du fait que les organisations sont des systèmes non linéaires dynamiques comportant un grand nombre d’entités en interaction et une initiative décentralisée et donc une part d’imprévisibilité et d’incertitude (Soparnot, 2004).

La littérature propose à cet égard des travaux sur la gestion des conditions du changement, dans lesquels le changement se prépare (Soparnot, 2009a, 2009b).

1.1.2.1. Le changement comme processus émergent

Demers (1999) présente deux courants alternatifs lors des deux premières périodes qui s’intéressent au processus émergent dans la transformation stratégique, par opposition au processus planifié, et ont eu une influence sur les développements plus récents : il s’agit pour la période de croissance des années 60, des théories behaviorale de la firme (Cyert& March, 1963) et de l’incrémentalisme disjoint (Lindblom, 1959 ; Braybrooke et Lindblom, 1963), dans lesquelles l’adaptation est perçue comme le résultat d’un processus organisationnel émergent ou de négociations qui échappent aux dirigeants ; pour la période des années 80, des théories de l’incrémentalisme (notamment Quinn, 1978), de la formation de la stratégie (Mintzberg, 1978, Mintzberg et Waters, 1985), néo institutionnelle (Powell & DiMaggio, 1983) et de l’intrapreneurship.

Le changement stratégique vient des initiatives de la base et des négociations entre sous-groupes et avec des sous-groupes de pression externes. Le dirigeant n’a pas de vision stratégique précise ou une vision limitée, qui se précise en cours de route grâce à l’expérimentation. Cette approche marginale dans les années 80 a amené progressivement à une nouvelle vision du

1.1.2.2. Le changement comme processus partagé dans l'organisation

Demers (1999) constate que la préoccupation est aujourd’hui davantage centrée sur les processus, « comment le changement se fait-il ? », en rupture avec une vision déterministe de la gestion du changement.

Pour les entreprises qui doivent désormais s’adapter en permanence en réponse à des pressions économiques et sociales qui s’accentuent, le changement apparait comme un processus dynamique et complexe, comportant une part d’imprévisibilité. L’organisation est vue comme un arrangement renouvelé au gré des projets et des besoins. La conception du changement organisationnel est intégrative : le changement n’est plus un évènement rare et bouleversant mais une réalité quotidienne. Il est conçu à la fois comme délibéré et émergent. C’est un processus continu possédant un caractère proactif ou réactif : il s’agit d’inventer le futur grâce à l’innovation qui permet le renouvellement organisationnel.

Le paradigme complexe suggère de créer les conditions organisationnelles qui vont faciliter le changement, et pour cela « d’encastrer » le changement par la voie de l’apprentissage organisationnel, afin qu’il devienne une routine, une aptitude, un état permanent de l’organisation (Soparnot, 2004).Cette conception va de pair avec une vision contextualisée du changement : le changement est vu de l’intérieur plutôt que de l’extérieur ou d’en haut.

Le changement est l’affaire de tous les membres de l’organisation qui peuvent être des initiateurs du changement ayant un projet qui peut être utile pour l’organisation. Le pouvoir du dirigeant lui sert à faciliter le changement plutôt qu’à le contrôler. Les outils comme l’observation, le dialogue, l’écoute doivent être privilégiés dans un nouveau rôle du dirigeant, celui de « guide, facilitateur, celui qui met en place les conditions pour que les membres de l’organisation fassent le changement ». Ces conditions sont propres à chaque organisation, en

La réalisation du changement se fonde sur un « processus de traduction »(Demers, 1999) de la part des différents acteurs concernés, qui contribuent au changement en se l’appropriant et en le reformulant selon leur propre contexte d’action. Cette dynamique de l’action collective s’adresse à tous dans l’organisation comme agents du changement, et non plus seulement aux dirigeants.

Sont ainsi posées les dimensions constitutives de la capacité de changement : des processus d’évolution de l’organisation construits d’une part en interaction avec l’interne en faisant appel à des rôles renouvelés pour les acteurs du changement, notamment la participation à un processus de traduction, et d’autre part en interaction avec l’environnement.

Tableau 2 : Perspective contextualisée des théories du changement organisationnel - 3ème période

Adapté de C. Demers, (1999), « De la gestion du changement à la capacité de changer. L’évolution de la recherche sur le changement organisationnel de 1945 à aujourd’hui », Gestion, Vol. 24-3, p. 131-139.

Contexte socio-éco. Conception du changement Théories Apports et limites