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Section 1. LE CHAMP DU MANAGEMENT PUBLIC : CONSTITUTION, DIMENSIONS

1.2. Les dimensions du management public

Devant la variété des sources d’inspiration du management public, les ambivalences ou les contradictions rencontrées dans les travaux des spécialistes, de nombreux auteurs ont admis la « nécessité de reconnaitre la pluralité des dimensions dans lesquelles les praticiens, académiques ou simples observateurs de la vie publique se situent » (Gibert, 2008) et assument la cohabitation de visions différentes sous un même concept parapluie. Ainsi, le management public ferait référence à « un vaste domaine de pensée et d’activité académique aussi bien que de pensée et d’activité d’application pratique relatifs aux organisations gouvernementales, aux programmes et aux activités de tout niveau d’administration » (Rainey et Chun, 2007).

Pour Lynn (1996), il existe trois visions du management public, art, science ou profession. Hood (2005) donne la primauté à la différence entre management public vu comme un mouvement et management public vu comme une science. Gibert (2008) s’inscrit dans cette lignée en présentant quatre visions du management public, se fondant sur la littérature anglo-saxonne et l’expérience française : science, art, mouvement et mode de légitimation.

Le management public, lorsqu’il étudie les problèmes rencontrés dans le fonctionnement des organisations publiques et dans la mise en œuvre des politiques dont elles ont la charge, développe une approche analytique utilisant les sciences sociales, détaillée dans la littérature académique essentiellement spécialisée (Public Administration Review, Journal of Policy Analysis and Management, Journal of Public Administration Research and Theory, et Politiques et Management Public en France) mais aussi généraliste en management. Ainsi, dans un numéro spécial de la revue Academy of Management Journal, des chercheurs influents (parmi lesquels Pettigrew, Kelman, Feldman, Barney, Hitt ) apportent leurs points de vue sur l’apport potentiel de la recherche en management au champ du management public.

Le management public est également vu comme un art « l’idée d’une pratique dont les meilleurs connaisseurs sont les praticiens eux-mêmes » (Gibert, 2008, p. 9) et ceux qui interviennent dans les organisations publiques pour diffuser les bonnes pratiques et accompagner le changement, les consultants. Ainsi, en France, ce sont les artisans expérimentés de la gestion publique qui sont appelés à former les futurs professionnels (Ecole Nationale d’Administration). Ils sont également à l’origine d’une littérature proposant une évolution du mode de gestion des administrations publiques.

Pour Bozeman (1987, 2007), le principe fondateur du management public est ce qui caractérise les organisations soumises à l’autorité politique plutôt qu’à celle du marché, la publicitude (« publicness »). Feldman (2005) identifie de nombreux défis pour le management public en comparaison du management privé : davantage d’influence politique venant de plus de directions ; davantage de parties prenantes en présence avec des intérêts plus diversifiés, une plus grande perméabilité entre les organisations et leur environnement ; davantage de règles et de contraintes.

Beaucoup de managers publics en sont venus à la conclusion qu’il faut pratiquer du « management inclusif », c'est-à-dire permettant aux élus, aux techniciens et au public de travailler ensemble à la résolution des problèmes et mise en œuvre des solutions (accent sur la coproduction de services publics). Selon Feldman, les pratiques de management inclusif impliquent de nouvelles façons de penser et d’agir pour les managers : le changement permanent, réseau de relations, flexibilité mentale. Ces pratiques supposent de la part des managers publics la construction de relations avec les parties prenantes pour préserver et développer la capacité à agir. Les chercheurs en management peuvent contribuer à la compréhension de ces pratiques et à la conceptualisation de ce qui fonctionne bien.

Pour Feldman (2005), le management des organisations publiques est essentiel pour que celles-ci soient efficaces et que les ressources publiques soient utilisées efficacement. Ainsi, il faut faire du management une priorité dont les politiques se sentent responsables, former les managers publics et orienter les travaux de recherche pour les rendre utiles et accessibles aux praticiens.

De nombreux travaux pionniers en théorie des organisations ont été écrits en référence à des organisations publiques : Kelman (2005) cite ainsi des travaux de Weber, Selznick, Simon et Crozier, devenus des classiques. Pour Kelman (2005), la recherche actuelle en organisation peut contribuer à une meilleure performance du secteur public : ainsi, les résultats de travaux concernant la performance des équipes, les réseaux, le comportement citoyen organisationnel, l’apprentissage organisationnel, peut s’appliquer aussi bien aux organisations privées que publiques. Cependant, il existe des différences entre les organisations publiques et privées et il faut identifier si le caractère public agit ou non comme modérateur dans les relations entre variables étudiées.

Rayney (2014) résume les affirmations communes et les conclusions de la recherche des années 70 et 80 concernant les caractéristiques distinctives du management public et des organisations publiques, sous trois thématiques :

- Les facteurs environnementaux : l’absence de marchés économiques pour les produits et la dépendance financière des fonds d’état (moins d’incitation à la réduction de coûts, une allocation de ressources moins efficiente, moins d’indicateurs de marché disponibles) ; des contraintes réglementaires fortes et une surveillance administrative, législative et judiciaire ; des influences politiques externes de grande intensité ;

- Les transactions entre l’organisation et l’environnement : la production de biens publics par l’organisation, qui ne sont pas facilement transférables au secteur privé au prix du marché ; une signification symbolique plus grande et une portée plus large des

préoccupations, axées sur le critère d’intérêt général ; un examen plus approfondi des dirigeants publics ; des attentes uniques en termes de justice, honnêteté, ouverture, responsabilité et réactivité ;

- Les rôles, structures et processus organisationnels : une ambiguïté, une multiplicité et un conflit de buts plus grands ; des rôles managériaux aux traits distinctifs (un rôle plus politique, d’exposition ; un défi plus grand pour équilibrer les relations politiques extérieures avec les fonctions managériales internes) ; moins d’autonomie dans la prise de décision, et moins d’autorité hiérarchique du fait des contraintes institutionnelles ; le turn-over plus fréquent des dirigeants publics suivant les élections rend la mise en œuvre des projets et innovations plus difficile ; il existe des différences de formes structurelles mais l’affirmation que les formes structurelles publiques sont plus bureaucratiques est partiellement soutenue empiriquement ; des contraintes administratives plus grandes pour l’utilisation d’incitations en matière de rémunération, promotion et discipline ; pas de relation clairement établie entre performance des employés et récompenses ; des valeurs reliées au travail telles que la motivation de service public et une moins grande valorisation des incitations financières.

Ces différences indiquent qu’il y a beaucoup de questions impliquant le comportement organisationnel, plus importantes dans le secteur public que dans le secteur privé.

Il est largement affirmé que les organisations publiques et les employés sont prudents et non innovants mais la preuve n’en est pas totalement apportée. De même, de nombreuses études indiquent que des formes différentes d’organisations publiques tendent à être moins efficientes dans la production de services que leurs homologues privées, quoique les résultats soient plus partagés pour les hôpitaux. Cependant, d’autres auteurs défendent fortement l’efficience et la performance générale des organisations publiques.