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Section 1. LES CONCEPTS MOBILISES

1.1. Les théories relevant d'une approche processuelle du changement au niveau

1.1.2. Les moteurs stratégiques du changement

Mintzberg s’est également intéressé aux moteurs des processus de changement, sous l’angle stratégique. Mintzberg (1990) a identifié dix écoles de pensée stratégique pour comprendre les processus de changement et en expliquer le résultat. Parmi ces écoles, cinq logiques de la pensée stratégique auxquelles correspondent cinq représentations de l’entreprise permettent de repérer cinq conceptions du changement.

Nous présentons cette analyse basée sur les travaux de Mintzberg et adaptée de Claveau et al. (1998), de Stratégor (2005, 2013) dans le tableau 7 page suivante.

 Le changement planifié : L’entreprise est vue comme un ensemble instrumentalisable, pilotable par des dirigeants volontaristes qui exercent un leadership ; avec une volonté de planification, de construction, le dirigeant distingue formulation de la stratégie et mise en œuvre, objectifs et moyens ; le projet, plan ou la vision stratégique sont conçus a priori et doivent être implémentés avec le moins de distorsions possible. Variante du changement planifié, le changement entrepreneurial repose lui aussi sur la vision forte du dirigeant et son contrôle mais la nature de cette vision est intuitive, créative, à la différence d’un processus formel et analytique.

 Le changement imposé par la sélection de l’environnement ou du marché: C’est un processus en réaction, pour les entreprises commandées par l’environnement, le marché, et des dirigeants qui doivent rechercher la compétitivité, l’efficience économique, la maximisation de la richesse des actionnaires. Le changement peut être radical en temps de crise ou incrémental et dépend de l’adaptabilité de l’entreprise.

Tableau 7 : Les conceptions du changement influencées par les logiques de pensée stratégique Adapté de Mintzberg (1990), Mintzberg et al. (1999 b) ; Claveau, Martinet, Tannery (1998) ; Stratégor (2005, 2013)

Conceptions du changement Logiques de la pensée stratégique Ecoles de pensée

Changement planifié :

- Pensée grecque (Platon / Aristote): clivages théorie / pratique, formulation / mise en œuvre, distinctions stratégie / tactique, plan / action, buts / moyens ;

- Conception de formes idéales a priori (projet, plan, vision) à imposer à

l’environnement en réduisant les écarts entre le modèle et la réalité (Descartes, Clausewitz)

La stratégie est le fruit d’une démarche intellectuelle à visée anticipatrice et d’une analyse des forces et faiblesses de l’entreprise. Celle-ci est vue comme une unité instrumentalisable, pilotable par des dirigeants volontaristes qui exercent un leadership

Capacité à voir, ambition (intention stratégique), construction, planification, décision de la part des dirigeants

Ecole du design ou de la conception (notamment P. Selznick):

distinction entre formulation et mise en œuvre de la stratégie ; le succès de l’action dépend de la qualité de l’analyse préalable des forces, faiblesses et risques et opportunités.

Ecole de la planification (notamment I. Ansoff): développement d’hypothèses prévisionnelles et formalisation de la stratégie par rapport à ces hypothèses.

Ecole du positionnement (M. Porter): sur la base d’une analyse de sa situation, l’avantage concurrentiel de l’entreprise provient d’un différentiel par rapport à ses concurrents : coût, produit unique… Changement imposé par la sélection de

l’environnement ou du marché : Peut être radical en temps de crise (transformation, redressement) ou incrémental (voie hasardeuse par essais-erreurs, expériences, adaptations rapides) et dépend de la souplesse, flexibilité et adaptabilité de l’entreprise

Rôle majeur à l’environnement (écologie) ou au marché (économie) auxquels les entreprises doivent s’adapter.

Ecoles de l’environnement : l’environnement extérieur est considéré comme un acteur en soi ; les caractéristiques de l’environnement amènent les entreprises à acquérir des compétences pour survivre. Théories : Ecologie des populations (Hannan, Freeman, Aldrich) ; « Ressource dependance » (Hawlez) ;

Le changement résulte d’actions pour : acquérir et construire de nouvelles compétences, en fonction de la vision du futur ;

construire le potentiel de l’entreprise par renouvellement et reconfiguration Changement émergent, partagé aux différents niveaux de l’entreprise

Développement des compétences spécifiques (core competencies) ;

Recherche soutenue de puissance alimentée par une ambition forte (strategic intent) 1

L’entreprise est vue comme un patrimoine de technologies, ressources, compétences fondamentales ou périphériques.

L’objectif est de capitaliser, enrichir les actifs spécifiques matériels et immatériels propres à créer des rentes.

Ouverture à la logique des acteurs du fait du caractère essentiel des phénomènes

Ecole de l’apprentissage : promotion de l’apprentissage collectif par la résolution de problèmes, qui permet à l’entreprise d’acquérir des processus et pratiques mieux explicités et plus efficaces. Théorie des ressources (Wernerfelt ; Prahalad), des capacités dynamiques (Teece et al.)

Cette vision basée sur les ressources est élargie à l’ensemble des savoirs (théorie de la connaissance)

Conceptions du changement Logiques de la pensée stratégique Ecoles de pensée Changement politique : la structure, le

contexte, les rapports de pouvoir dans l’organisation et leur évolution déterminent la nature et l’ampleur des changements technico-économiques

Privilégie les relations et jeux d’acteurs, les rapports de pouvoir, le rôle des normes culturelles et des règles.

L’entreprise est vue comme une arène socio-politique façonnée par les jeux d’acteurs.

La stratégie des acteurs produit celles de l’entreprise. Accent mis sur le « pattern » résultant des négociations, tâtonnements

Ecole culturelle : les membres d’une entreprise partagent une

interprétation commune de la réalité (valeurs, traditions) qui permet de construire une forme d’identité sociale. Cette identité assure la cohésion du groupe autour du dirigeant.

La formulation et la mise en œuvre de la stratégie sont confondues dans le comportement collectif du corps social.

Ecole politique : la stratégie de l’entreprise résulte d’une part de

l’interaction entre les intérêts de ses membres, d’autre part de l’interaction entre les intérêts de l’entreprise et ceux d’entités externes. Dans

l’organisation, les décisions émergent du processus politique de négociation plus ou moins formel (alliances, coalitions)

Changement des cartes mentales : il intervient par opérations de décadrage / recadrage collectifs, qui autorisent soit : - Des accommodations ou assimilations (Piaget)

- Des changements d’ordre 1 – changement à l’intérieur d’un système - ou 2 – changement du système lui-même -(selon Watzlawick, école de Palo Alto)

- Des apprentissages en double boucle ou en simple boucle (Argyris et Schön).

La stratégie se situe dans l’esprit des acteurs ainsi que dans leurs discours ;

L’organisation est vue comme une « mise en scène », un scénario formalisé (mots, chiffres, images) de façon officielle, réaffirmé par le discours stratégique, qui guide et justifie les décisions et les actes des individus.

Ecole cognitive (Simon & March):la stratégie est considérée comme un processus mental mettant en perspective de multiples grilles de lecture de la réalité ; étudie le stratège et sa représentation du monde

2 perspectives :

- Méthodologique : outils de formalisation des cartes mentales, des représentations sociales des individus ; les schémas partagés fournissent les « paradigmes stratégiques » (K. Weick) 2;

- Critique : le discours stratégique est vu comme technologie du pouvoir, instrument du jeu politique au sein des coalitions dominantes

1. D’après Hamel G. et Prahalad CK : (1989) “strategic intent”, Harvard Business Review, vol. 67-3 ;(1993) “strategy as stretch and leverage”, Harvard Business Review, vol. 71-2 ; (1995) La conquête du futur, Interéditions, Paris

2. Weick KE. (1995), “Sensemaking in organizations”, Thousand Oaks, Sage, California

 Le changement par apprentissage : L’entreprise est vue comme un patrimoine de technologies, ressources, compétences fondamentales ou périphériques. Le changement résulte d’actions pour acquérir et construire de nouvelles compétences, construire le potentiel de l’entreprise par renouvellement et reconfiguration de ses ressources, en fonction de la vision du futur. Dans une vision élargie à la logique des acteurs, l’accent est mis sur le caractère essentiel des phénomènes d’apprentissage individuel et collectif par la résolution de problèmes.

 Le changement politique : L’entreprise est une arène socio-politique façonnée par les jeux d’acteurs. La nature, l’ampleur des changements technico-économiques et leur évolution sont déterminés par la structure, le contexte, les rapports de pouvoir dans l’organisation. La stratégie des acteurs produit celles de l’entreprise : l’accent est mis sur le modèle résultant des négociations et tâtonnements.

 Le changement cognitif (relatif aux cartes mentales des acteurs) : L’entreprise est représentée par une « mise en scène », un scénario, formalisé de façon officielle, réaffirmé par le discours stratégique, qui guide et justifie les décisions et les actes des individus. La stratégie se situe dans l’esprit des acteurs ainsi que dans leurs discours : sur la base des représentations sociales des individus, les schémas partagés fournissent les « paradigmes stratégiques » (Weick, 1995) ; le discours stratégique est vu comme technologie du pouvoir, instrument du jeu politique au sein des coalitions dominantes.

Mintzberg, avec Lampel (1999b), en vient à une conception plus approfondie et intégrée du changement, qu’il décrit comme une transformation radicale, le saut d’un état de l’organisation à un autre, l’organisation étant alors vue comme une configuration – un groupe cohérent de caractéristiques et de comportements.

conception affirmée, une vision intuitive et un apprentissage émergent : elle concerne la transformation comme la perpétuation ; elle doit impliquer la cognition individuelle et l’interaction sociale, coopérative aussi bien que conflictuelle ; elle doit inclure une analyse préalable et une programmation conséquente, comme une négociation durant le processus » (Mintzberg, Lampel, 1999b, p.27).