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Section 1. LES CONCEPTS MOBILISES

2.2. Autour du rôle du cadre intermédiaire dans les processus de changement

2.2.1. Modélisation du rôle du cadre intermédiaire dans le processus de changement

Notre modélisation du rôle du cadre intermédiaire dans le changement organisationnel s'inspire de notre revue de littérature et cadre conceptuel : ce rôle mobilise différents processus au niveau micro-organisationnel participant de la théorie des rôles et de l'approche cognitive (cognition organisationnelle et cognition sociale).

Le rôle est déterminé en fonction d’un certain contexte social et relationnel et d’une position donnée dans ce contexte (approches fonctionnaliste) et se traduit par des comportements de l'individu (approche interactionniste).

Le travail de construction de sens se base sur l’interprétation des informations et évènements que les personnes vivent (Gioia et Chittipedi, 1991) et vise à élargir les répertoires d'action dans l'organisation.

Nous tentons de combiner ces processus et formulons un modèle générique du rôle du cadre intermédiaire dans le changement organisationnel.

2.2.1.1. Le processus d'interprétation de rôle

La théorie des rôles correspond à l’approche fonctionnaliste qui voit dans le rôle défini par une organisation, un outil destiné à prévoir et à normer les comportements de ses membres. Le rôle est conçu pour servir l’organisation, ceux qui acceptent de l’assumer acceptant en même temps de l’appliquer.

En revanche, dans l’approche interactionniste, les rôles sont construits dans l’organisation par ceux qui les exercent (Berger et Luckmann, 1966) ; la vision unilatérale par laquelle le rôle est prescrit par l’organisation et l’individu s’y adapte est dépassée au profit de l’exercice

Le modèle de Katz et Kahn (1966) permet d’expliquer le processus aboutissant au rôle joué par les acteurs : les attentes de rôle en termes de comportements et d’activités sont émises à l’égard du rôle que doit exercer le récepteur de rôle ; celui-ci le reçoit et l’interprète avant de le réaliser. Des écarts peuvent survenir entre le rôle émis et le rôle finalement joué, c’est-à-dire entre les représentations de rôle par les différents acteurs.

Le processus de construction de rôle entre rôle perçu et rôle joué est influencé par des facteurs organisationnels (Katz et Kahn, 1966). Les attentes de rôle doivent être reliées aux caractéristiques structurelles de l’organisation, parmi lesquelles la taille de l’organisation, le nombre de niveaux hiérarchique, la nature des produits ou des services qu’elle propose, mais aussi aux types de relations entre émetteurs et récepteur de rôle.

Les managers intermédiaires sont des membres clés de l’organisation, médiateurs entre les dirigeants et le reste de la communauté (Floyd et Wooldridge, 2000). Les praticiens pensent et communiquent en s’appuyant sur le concept de rôle. La médiation est structurée par les attentes de rôles dans l’organisation, qui permettent ou contraignent les entremises stratégiques des managers intermédiaires (Mantere, 2008).

Le rôle se construit dans l’interaction entre un ou plusieurs émetteurs de rôle et le cadre intermédiaire en tant que récepteur de rôle. Les émetteurs de rôle, appartenant au système social et acteurs internes de l'organisation, ont des attentes explicites ou implicites à l’égard du cadre intermédiaires. L’expression de ces attentes (rôle transmis) vise à influencer le cadre intermédiaire afin qu’il adopte un comportement conforme aux attentes de l’émetteur. Cependant, le cadre intermédiaire développe sa propre perception et interprétation des attentes de rôles (rôle reçu). Enfin, le rôle joué correspond aux comportements observables du cadre intermédiaire.

à l’égard des équipes, qui se traduit dans la mise en œuvre de la stratégie et la facilitation de l’adaptabilité ; l’entremise de type ascendant orientée vers les dirigeants s’exerce par la synthèse de l’information et la proposition alternative (Floyd et Wooldridge, 1992).

L'entremise (agency) traduit l’action intentionnelle des cadres intermédiaires capables de réflexivité. L'acte réflexif se situe dans le dialogue intérieur que le praticien établit entre son action quotidienne et la compréhension de son action : la réflexion peut avoir lieu en cours d'action et a posteriori sur l'action. Elle conduit le praticien à prendre une distance vis-à-vis sa pratique quotidienne et à s'interroger sur le contenu et les raisons de son activité (Schön, 1983).

Selon l'approche sociocognitive, les représentations sociales en tant que systèmes d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales.

L’interaction entre le cadre intermédiaire considéré comme un acteur social et le rôle inscrit dans un système de relations sociales permet aux cognitions et conduites sociales de se former et de s’actualiser. Les cadres intermédiaires construisent et expriment la représentation de leur rôle à partir de leur inscription sociale dans l'organisation et dans le système social.

2.2.1.2. Le processus de l'acte d'organiser (« organizing ») et de la construction du sens (« sensemaking »)

L'« organizing » est un cycle mis en œuvre par les individus et mobilisé pour la création de sens. C'est un processus interprétatif déclenché par un changement perçu dans l’environnement, comprenant des séquences d’« enactment », de sélection et de rétention. L’« enactment », traduit par mise en actes ou activation (Koenig, 1996), consiste pour les acteurs à encadrer un certain segment de leur environnement pour un traitement actif. La

l’environnement, et parmi les interprétations qui émergent, afin de justifier les actions à privilégier. La rétention mémorielle permet aux acteurs de retenir les solutions efficaces qui résultent de la création de sens.

Lorsqu'une situation est perçue comme équivoque, c'est à dire susceptible d'être associée avec un trop grand nombre d'interprétations, l'élaboration collective du sens met en jeu des comportements d'interaction et permet le développement de compréhensions équivalentes autour de questions d’intérêt commun. Cette construction de compréhensions vise à réduire l’équivocité perçue des situations, qui permet à son tour la coordination des comportements. La réduction d'une équivocité limitée peut être réalisée par construction générique de sens, lorsque les acteurs utilisent un répertoire codifié composé de règles tirées de l’expérience et transfèrent ces significations plus stables et partagées pour guider l'action. Lorsque la situation est perçue comme très équivoque, la construction intersubjective de sens est réalisée par des processus d’émergence, de renouvellement des significations et interprétations à partir des interactions entre acteurs (Koenig, 1996 ; Allard-Poesi, 2003).

Les cadres intermédiaires participent à l'« organizing », processus interprétatif mobilisé pour la création de sens, qui est déclenché par un changement perçu dans l’environnement. L'élaboration collective du sens permet le développement de compréhensions équivalentes autour de la question du changement organisationnel, par les comportements d'interaction entre acteurs.

L'interprétation du rôle par les cadres intermédiaires tient compte des attentes de rôles mais se fonde également sur les processus de « sensemaking » et « sensegiving » à l’œuvre dans le processus de changement. Les activités essentielles à la construction du sens sont opérées par les managers intermédiaires pour accomplir leurs rôles stratégiques (Rouleau et Balogun, 2011).

Le « sensemaking » des cadres intermédiaires est mis en relation avec leur capacité à exercer une influence de type politique dans l'organisation. Pour ce faire, ils ont besoin d’être socialisés dans leur contexte d’action pour comprendre les représentations symboliques et verbales et le système socioculturel de leur milieu.

Cette explicitation du rôle du cadre intermédiaire dans les processus de changement nous amène à notre deuxième question de recherche portant sur le(s) rôle(s) joué(s) par les cadres intermédiaires dans le processus de mutualisation de l'EPCI.

2.2.2. Quel(s) rôle(s) joué(s) par les cadres intermédiaires dans le