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territorialement Le cas des quartiers des Olivettes (Nantes), du Panier (Marseille) et Berriat (Grenoble)

Chapitre 4 : Situations géographiques et trajectoires évolutives de trois quartiers créatifs Terreaux et prémices de la clubbisation aux Olivettes, au

2. Des quartiers à l’histoire ouvrière et industrielle : entre essor et déclin

2.2. Le Panier : le village corse de pêcheurs

A la différence du quartier des Olivettes, le Panier n’a pas connu un développement industriel au XIXème siècle. Son histoire est toutefois liée à l’industrie portuaire marseillaise car de nombreux ouvriers employés dans les ports y habitaient (Peraldi et Samson, 2006). En ce sens, le Panier est à cette époque un quartier ouvrier de par sa population résidente, mais il n’est pas un quartier industriel au niveau économique.

Au XIXème siècle, l’histoire du Panier est marquée par l’arrivée massive de populations corses. L’ouvrage de Marie-Françoise Attard-Maraninchi (1997) Le Panier, village corse à Marseille détaille les modalités de construction du quartier comme un village corse. L’auteure montre que l’installation des Corses dans le quartier apparaît comme naturelle. Ils y retrouvent l’ambiance de leurs villages d’origine. Parmi eux, nombreux sont marins, pêcheurs ou dockers. Par sa proximité avec la mer et les ports, le Panier leur offre alors un accès rapide à leur lieu de travail. La migration des Corses vers le quartier débute dès le début du XIXème siècle avant de prendre de l’ampleur suite à la crise qui touche les activités agro-pastorales de l’île. Si tous les Corses ayant migré vers la France ne l’ont pas fait vers le Panier, la ville de Marseille demeure un passage obligé. Or le quartier est identifié comme un espace de référence pour les Corses, en témoignent les propos recueillis par M-F. Attard-Maraninchi au cours d’une enquête : « Pensez donc, si petit, on connaissait déjà Marseille et, ensuite, un peu plus grand, on ne connaissait pas la Canebière, on connaissait le Panier parce que ceux qui revenaient au village, ils ne nous parlaient que du Panier. On se demandait ce que c’était que ce Panier et on voulait y aller. C’était comme une épidémie, on partait tous » (Ibid., p. 18).

Le Panier devient un lieu d’accueil et de solidarité pour les Corses. Il s’affirme comme un lieu de concentration des populations corses qui cohabitent principalement avec des immigrés italiens. Des liens d’entraide se tissent à l’intérieur du quartier entre les habitants. Ils reconstituent une communauté corse au sein du Panier et s’approprient le quartier dans son ensemble. L’appropriation de l’espace transparait dans l’utilisation de la rue. Celle-ci devient une extension

du logement, un lieu d’échange et de vie. Les discussions entre adultes et les jeux entre enfants s’y déroulent. Si elle appartient à tous les habitants, elle n’est plus tout à fait publique. Par leurs pratiques les habitants se sont appropriés la rue et plus largement les équipements du quartier. Les cinémas du Panier, dont l’offre diffère des autres salles de Marseille et dont le public est majoritairement issu du quartier, témoignent de cette appropriation territoriale. Le Panier s’affirme comme un village corse dans la ville de Marseille et permet aux habitants de préserver leur référence identitaire (Attard-Maraninchi, 1992). La poursuite des migrations au XXème siècle nourrit ce processus de construction d’un village corse via un effet d’entraînement. Les nouveaux arrivants trouvent dans le Panier des connaissances et des soutiens. Ils sont rapidement intégrés au sein de la communauté corse dont l’inscription spatiale dans le Panier ne fait que se renforcer.

La seconde moitié du XXème siècle marque le déclin progressif de la concentration corse dans le Panier70 et de l’esprit de village qui y régnait (Attard-Maraninchi, 1997). Durant la Seconde Guerre mondiale, le quartier a subi de nombreuses destructions tandis qu’une partie de la population a été forcée de déménager voire déportée par les allemands. Ces évènements ont perturbé la vie sociale du quartier et provoqué le départ des Corses et des Italiens, en partie remplacés par des immigrés d’origine maghrébine et comorienne attirés par des prix locatifs accessibles (Mattina, 2004). Dans les années 1960-1970, la ville de Marseille fait face à des difficultés économiques notamment liées à la perte des marchés coloniaux (Roncayolo, 2014). Le secteur de l’industrie portuaire est particulièrement touché et entraîne une crise des espaces centraux (Donzel, 2014), impactant négativement la population ouvrière du Panier.

La combinaison du départ des Corses et de la crise de l’industrie portuaire provoque le déclin démographique du quartier. La population du Panier passe de 11 500 à 9 000 habitants entre 1968 et 1975 puis à 5 700 en 1982 (Chabbert, 1983 cité dans Douart, 2008 ; Mattina, 2001). En parallèle, les commerces et les services de proximité sont nombreux à fermer. Leur nombre diminue de 45 % entre 1968 et 1983, passant de 265 à 145 (Banc, 1983 cité dans Douart, 2008). Progressivement vidé de sa population et de ses commerces, le Panier voit son image se dégrader en même temps que les espaces publics et le bâti. Comme dans le cas des Olivettes lors du départ progressif des industries, le quartier du Panier se trouve dans une phase d’avant-friche.

70 Malgré cette évolution sociale, le Panier reste marqué par la présence d’une communauté corse et italienne qui

détermine une partie du paysage politique. Ainsi, les élections successives de Jean-Noël Guérini (Corse) en tant que conseiller général et municipal, maire d’arrondissement et président du conseil général s’appuient sur le socle territorial du Panier (Mattina, 2004). Pour préserver cette base élective, Jean-Noël Guérini poursuit les « pratiques de clientélisation et d’entraide sociale » (Ibid., p. 139) : subventions, logements sociaux et matériels attribués à ses amis sur le quartier. Ce clientélisme correspond à la distribution par les élus de ressources publiques suivant leurs relations personnelles en dehors des cadres juridiques (Briquet et Sawicki, 1998). Particulièrement présent au Panier, le clientélisme caractérise l’ensemble du mode de gouvernance marseillais (Mattina, 2016 ; Peraldi et al., 2015).

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