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Chapitre 1: Introduction générale au projet de thèse

IV. CR1(CD35), récepteur pour C3b et C4b

IV.5. Pathologies et thérapies associées à CR1

IV.5.1. Paludisme

Le paludisme est une maladie causée par l’infection par un parasite de type Plasmodium dont il existe 5 espèces : falciparum, vivax, malariae, ovale et knowlesi. Plasmodium falciparum est la forme la plus virulente du parasite qui entraine le plus fort taux de mortalité chez l’homme. Elle est transmise, comme les autres espèces, sous forme de sporozoïtes par la piqure de moustiques femelles du genre Anopheles. Ces sporozoïtes se dirigent vers le foie où ils commencent par infecter les hépatocytes avant de se multiplier sous forme de mérozoïtes. Ils sont ensuite libérés dans la circulation sanguine où ils peuvent alors infecter les érythrocytes. L’infection par P. Falciparum peut conduire à des manifestations asymptomatiques, à des accès simples (fièvre, maux de tête) et à des accès graves comme des anémies sévères (anémie malariale), du neuropaludisme (malaria cérébrale) et à des détresses respiratoires notamment chez les jeunes enfants. Chez les adultes, l’ensemble des organes peut être touché avec notamment des insuffisances rénales aigues ou chroniques (consécutives à une glomérulonéphrite chronique). Chez des enfants africains, le neuropaludisme a été associé en partie à la séquestration des globules rouges infectées dans les micro-capillaires cérébraux (Stoute, 2011 ; Vigan-Womas et al, 2012). Notons que cette observation n’a pas été corrélée avec des enfants de Papouasie-Nouvelle-Guinée (Al Yaman et al, 1995). C’est l’adhésion d’érythrocytes infectés entre eux et à des érythrocytes sains ,nommé « Rosetting »,

66 qui expliquerait l’obstruction observée (Stoute, 2011). Le Rosetting serait notamment corrélé avec une augmentation de la parasitémie (Rowe et al, 2002), suggérant que la formation de la rosette faciliterait l’infection des érythrocytes sains par P. falciparum. Cependant, le Rosetting n’est pas le seul élément conduisant au neuropaludisme. Les érythrocytes infectés par des souches incapables de former des rosettes peuvent interagir avec des motifs présents à la surface des cellules endothéliales comme CD36 ou ICAM-1, causant des ralentissements circulatoires importants comme observé avec les souches formant des rosettes (Claessens et al, 2012). Notons aussi que des déréglements des mécanismes de coagulation (liés à différents mécanismes) sont observés suite à l’infection par P. falciparum. Ces déréglements conduisent à la formation de micro-thrombis qui contribuent de façon importante au neuropaludisme (Moxon et al, 2009).

L’importance des érythrocytes dans la pathogénèse du paludisme a rapidement conduit les chercheurs à s’intéresser aux mécanismes permettant l’invasion du parasite et la formation des rosettes. Le récepteur CR1/CD35 a notamment retenu l’attention des équipes de recherche. Celui-ci est impliqué dans la voie d’invasion indépendante des acides sialiques utilisée par certains isolats de parasite et serait une alternative à la voie d’entrée par les glycophorines (Tham et al., 2010). L’invasion est d’ailleurs corrélée avec le niveau d’expression de CR1 et une interaction directe avec les mérozoïtes a été détectée (Spadafora et al., 2010). La protéine de P. falciparum , PfRh4, a par la suite été identifiée comme responsable de l’interaction avec CR1 (figure 1.14) et son site de liaison déterminé (Tham et al., 2011). Celui-ci se situerait dans les modules CCP 1-3 de CR1, le site impliqué dans la liaison de C4b/C3b et dans l’activité de dissociation des convertases. Il est intéressant de noter que le regroupement en cluster de CR1 associé avec une augmentation de la déformabilité de la membrane pourrait favoriser la pénétration du parasite. Une fois à l’intérieur des érythrocytes, les mérozoïtes de certains isolats peuvent exporter à la membrane des érythrocytes qu’ils viennent d’infecter une adhésine, PfEMP-1, dont certains variants sont capables d’interagir avec de nombreux récepteurs ou molécules présents à la surface soit des cellules endothéliales soit des érythrocytes (ligand reconnu dépendant de la lignée de P. falciparum considérée) : tri- sacharrides du groupe sanguin A et B, CR1/CD35, IgM et IgG, glycosaminoglycanes, CD36, ICAM-1, CR1/CD35 (Janes et al., 2011; Mercereau-Puijalon et al., 2008). Certains variants de cette adhésine sont notamment impliqués dans le phénomène de Rosetting dans lequel un érythrocyte infecté se lie à un minimum de 3 érythrocytes non infectés (figure 1.14). Rowe et collaborateurs ont montré que PfEMP1 interagissait avec CR1 et que cette interaction était

67 nécessaire au phénomène de Rosetting (Rowe et al., 2000). Celle-ci prend place au niveau des modules CCP 10 et 17 de CR1 et au niveau du domaine DBL1α1 de PfEMP1 (Mercereau- Puijalon et al., 2008). De nombreuses études statistiques et génétiques ont été menées sur l’association entre certains polymorphismes de CR1 et la résistance à la malaria, mais les données obtenues sont conflictuelles et dépendent fortement de la population concernée et de son degré d’exposition au parasite (Stoute, 2011; Sinha et al., 2009; Thomas et al., 2005). Certains éléments restent cependant intéressants à noter. Les mutations associées au système du Knops, McCb (KN 6, E1590)et Sl2 (KN 7, G1601), ont une fréquence plus importante dans les populations africaines que caucasiennes et notamment dans celles exposées à la malaria (région endémique) (Moulds, 2010). Des travaux ont montré que le phénotype Sl2 (KN 7) était associé avec une diminution de la formation de rosettes (Rowe et al., 2000) et que McCb (KN 6)et Sl2 (KN 7) pourraient être des phénotypes protecteurs vis-à-vis de la malaria cérébrale, en limitant notamment le phénomène de Rosetting. Il est intéressant de noter que les mutations associées à McCb (KN 6) et Sl2 (KN 7), K1590E et R1601G, sont situées sur une même face du CCP 25 et conduisent à une modification locale de la surface électrostatique (Soares et al., 2005), suggérant leur implication possible dans des liaisons ioniques avec d’autres ligands. Cependant, il reste difficile d’expliquer comment des mutations présentes dans le CCP 25 pourraient influencer la fixation de PfEMP1 au niveau des CCP 10 et 17. Pour répondre à cette question, plusieurs hypothèses ont été émises (Smith et al., 2002) : (1) Le linker plus long entre les modules CCP 21 et 22 permettrait le repliement à 180° de CR1 amenant le CCP 25 à proximité du CCP 17 (mais serait insuffisant pour permettre l’interaction avec le CCP 10) ; (2) Ces mutations pourraient influencer la fixation de C1q/MBL qui participeraient alors au phénomène de « Rosetting » en interagissant avec PfEMP1; (3) le CCP25 serait impliqué dans la formation des clusters de CR1 qui seraient essentiels pour l’interaction avec PfEMP1. Concernant les hypothèses (1) et (2), il a été récemment montré qu’il était peu probable, au sein d’une même molécule, que CR1 puisse adopter une conformation amenant le CCP 25 à proximité du CCP 17 (Tetteh-Quarcoo et al., 2012). Il n’est cependant pas exclu, au sein d’un cluster de CR1, que le module CCP 25 d’une molécule puisse interagir avec les modules CCP 10 et 17 d’autres molécules. Ces mêmes auteurs ont également montré que les mutations K1590E et R1601G ne semblent avoir aucun impact sur les fonctions de CR1, et notamment sur sa capacité à fixer C1q (Tetteh-Quarcoo et al., 2012). Ceux-ci s’orientent donc vers un rôle éventuel de ces mutations dans la formation des clusters de CR1 mais n’excluent pas la possibilité qu’elles puissent influencer la fixation de la MBL (non évaluée).

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Figure 1.14 : Possible implication de CR1 dans la malaria cérébrale ( hypothèse dans le cas d’une souche de P. falciparum formant des rosettes)

La voie d’entrée du mérozoïte indépendante des acides sialiques (interaction CR1-PfRh4) et la formation de rosettes via l’interaction entre CR1 et PfEMP1 sont représentées dans ce schéma pour un individu présentant le phénotype normal McCa/Sl1(KN3/4) et le phénotype résistant McCb/Sl2 (KN6/7). La possible implication du phénotype McCb/Sl2 (KN6/7) dans l’invasion des érythrocytes est également indiquée.

Si, dans ce contexte, la formation de clusters est perturbée par le phénotype McCb/Sl2 (KN6/7), il est également possible que ces SNPs influencent l’invasion des érythrocytes via PfRh4 pour les mêmes raisons. Notons que l’implication du CCP 25, et plus généralement du LHR-D, dans la formation de clusters est soutenue par la plus faible immunogénicité de cette zone par rapport au reste de la molécule (Nickells et al., 1998).

Des polymorphismes influençant le niveau d’expression de CR1 ont également été incriminés dans la protection contre la CM en limitant la formation de rosettes. Cependant, cette diminution s’accompagne également d’une plus faible élimination des complexes immuns et est associée avec d’autres formes sévères de malaria comme la SMA (Khera and Das, 2009). Le polymorphisme Q981H, qui augmente la capacité de liaison à C3b/C4b au niveau du site 2 dans le LHR-C, a été identifié dans certaines populations asiatiques et compenserait le faible niveau d’expression de CR1 associé au polymorphisme HindIII. L’élimination des complexes

69 immuns serait ainsi favorisée par le SNP Q981H qui aurait un rôle protecteur contre les formes sévères de malaria, même lorsque les niveaux de CR1 sont réduits (Thomas et al., 2005). Dans la SMA, la diminution du nombre de molécules de CR1 à la surface semble être associée à la destruction des érythrocytes qui seraient alors plus sensibles à la déposition de l’opsonine C3b, du fait d’un défaut dans la régulation assurée habituellement par CR1. Le dépôt de C3b conduit à leur phagocytose par des macrophages présents dans le foie et les reins. Cette diminution ne serait cependant pas reliée à des polymorphismes connus de CR1 du fait de l’absence de corrélations observées dans les différentes études statistiques et d’une normalisation des niveaux de CR1 chez les patients après traitement (Stoute, 2011). Le mécanisme par lequel les érythrocytes perdent leurs molécules de CR1 en surface n’est cependant pas encore élucidé, mais pourrait être relié à la formation et à l’élimination des complexes immuns durant l’infection.