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Chapitre 1: Introduction générale au projet de thèse

III. TcCRT, la calréticuline de Trypanosoma Cruzi

III.3. La TcCRT, facteur de virulence de T cruzi

De nombreux éléments suggèrent que la TcCRT serait fortement impliquée dans les mécanismes d’évasion du complément et dans l’augmentation de l’infectiosité de T. cruzi (figure 1.9). Lors des phases précoces de l’infection (lors du contact avec les cellules et l’internalisation du parasite), l’expression de l’ARNm de la TcCRT est fortement amplifiée et

corrèle avec une augmentation de l’expression au niveau de la zone d’emmergence du flagelle (Ramirez et al., 2011b). Les trypomastigotes, qui expriment une grande quantité de TcCRT, sont relativement insensibles à la lyse par le complément et infectent plus facilement les cellules, à l’inverse des épimastigotes qui expriment peu de TcCRT à leur surface. Le rôle de C1q dans l’infectiosité de T.cruzi avait été suggéré par Rimoldi et collaborateurs, sans toutefois identifier la protéine impliquée (Rimoldi et al., 1989). La TcCRT, via son interaction avec les collagènes de défense et notamment avec C1q, serait donc le facteur de virulence contribuant à l’augmentation de l’infectiosité de T.Cruzi. Au vu des informations actuellement disponibles, deux mécanismes majeurs impliquant la TcCRT peuvent être dégagés. L’ensemble des points détaillés ici est résumé schématiquement dans la figure 1.9, en prenant C1q comme exemple de collagène de défense.

III.3.1.

Pénétration dans les cellules de l’hôte

L’interaction de la TcCRT avec les collagènes de défense impliqués dans l’activation du complément a été mise en évidence au début des années 2000, principalement par le travail de Arturo Ferreira et collaborateurs. Les collagènes de défense joueraient alors le rôle de molécules pontantes et faciliteraient l’internalisation du parasite dans les cellules de l’hôte, via une interaction avec des récepteurs présents à leurs surfaces (calréticuline, CR1, CD91). L’internalisation est une étape essentielle dans la vie du parasite car elle lui permet d’échapper aux effecteurs de l’immunité et de se répliquer. Des expériences menées avec une TcCRT recombinante ont montré que celle-ci était capable de se lier, via son domaine S (homologue à 80% avec le domaine S de la HuCRT), au domaine collagénique de C1q (Ferreira et al., 2004b) et à la MBL.

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Figure 1.9 : Mécanisme de subversion de Trypanosoma cruzi – Cas de C1q

Lié à l’internalisation, 1 : reconnaissance de la TcCRT par des anticorps anti-TcCRT; 2 : interaction des parties

collagéniques de C1q avec la calréticuline; 2’ : liaison de la TcCRT par les têtes globulaires de C1q; 3 : activation du complément et dépôt de C3b/C4b à la surface de T. cruzi. Lié à l’inhibition du complément, 4 et 4’ : la TcCRT de surface ou soluble empêche la fixation du tétramère C1r2C1s2; 5 et 5’ : la TcCRT de surface ou soluble fixe le complexe C1 mais empêche l’activation du complément. Adapté de (Ramirez et al., 2011a)

Au vu des données obtenues avec la HuCRT et de son homologie avec la TcCRT, il semble cependant que le domaine globulaire de la TcCRT (et non le domaine S) soit le site potentiel de fixation de ces collagènes de défense (Paidassi et al., 2011). Des expériences complémentaires sont cependant requises pour confirmer cette hypothèse. Des résultats plus récents (non publiés) suggéreraient également que la TcCRT se fixerait au domaine collagénique de la ficoline L, probablement à proximité du site de fixation des MASPs (Ferreira et al., 2010). Ces résultats sont appuyés par l’observation de la fixation de la ficoline L et de C1q à la surface des trypomastigotes et, dans le cas précis de C1q, par la co-

41 localisation avec la TcCRT (Ferreira et al., 2004b). Notons qu’aucune information n’est cependant disponible quant à l’implication des têtes globulaires de C1q dans l’interaction, comme observé pour la HuCRT. Cette possibilité reste donc envisageable et devra être évaluée. La forte immunogénicité de la TcCRT favorise également l’infectiosité de T. cruzi. Les anticorps générés peuvent se fixer sur les trypomastigotes puis, soit interagir directement avec des récepteurs présents à la surface des cellules de l’hôte (récepteurs des immunoglobulines), soit activer la voie classique (via C1q) conduisant alors au dépôt de C3b et C4b qui seront pris en charge par leurs récepteurs respectifs (CR1, CR3, CR4). L’ensemble de ces phénomènes va alors contribuer au processus d’internalisation de T. cruzi et est mis en exergue par l’augmentation de l’infectiosité liée à une précédente immunisation avec la TcCRT (présence d’anticorps anti-TcCRT). Il a également été montré que l’utilisation d’anticorps bloquants (fragments F(ab’)2 ) contre la TcCRT présente à la surface de T. cruzi réduisait l’infectiosité du parasite en présence de C1q, probablement en limitant son internalisation (Ramirez et al., 2011a). Notons à ce titre que ces fragments F(ab’)2, qui ne possèdent pas de partie constante (Fc), sont incapables d’activer le complément ou d’interagir avec les récepteurs des immunoglobulines, suggérant que l’interaction directe entre C1q et la TcCRT (bloquée par le F(ab’)2 ) joue un rôle prépondérant dans l’infectiosité de T. cruzi. Enfin, la présence de plusieurs sites potentiels d’interaction au niveau des tiges collagéniques laisse également entrevoir la possibilité d’avoir plusieurs schémas d’interaction.

III.3.2.

Inactivation de la voie du complément

La TcCRT serait également capable d’inhiber, à la surface du trypomastigote ou à proximité (la TcCRT est retrouvée dans le milieu extracellulaire), l’activation de la voie classique (par C1q) et de la voie lectine (par la ficoline L) du complément. Il a été montré que la fixation de C1q à la TcCRT empêchait le recrutement du tétramère C1r2C1s2 (Valck et al., 2010), et donc

l’activation du complément. De façon troublante, à l’opposé de ce qui est observé avec la HuCRT, le complexe C1 conserverait sa capacité de fixer la TcCRT mais ne pourrait initier la cascade enzymatique (coupure de C4). A ce titre, une interaction avec C1s est suggérée. La fixation de la TcCRT à proximité ou sur le site de fixation des MASPs de la ficoline L expliquerait également l’inhibition de l’activation de la voie lectine (Ferreira et al., 2010). Pour la MBL, aucune inhibition de l’activation du complément n’a à ce jour été observée en présence de TcCRT et du complexe MBL-MASP, suggérant que la TcCRT n’est pas capable de déplacer la protéase ou de bloquer le clivage de C4, comme observé pour C1q (Ferreira et

42 al., 2004b) et la ficoline L. Ce résultat reste néanmoins troublant compte-tenu de l’homologie structurale et fonctionnelle entre la MBL et la ficoline L.

La TcCRT joue donc un rôle majeur dans la capacité de T. cruzi à échapper au système immunitaire et à réaliser son cycle d’amplification au sein de la cellule hôte. D’autres parasites expriment également des calréticulines qui participent à leur infectiosité, suggérant des mécanismes d’évasion similaires. Les calréticulines de Necator americanus (Kasper et al., 2001) Trypanosoma carassii (Oladiran and Belosevic, 2010), Haemonchus contortus (Suchitra and Joshi, 2005) interagissent avec C1q et inhibent l’activation de la voie classique du complément, tandis que la calréticuline de Entamoeba histolytica participe à la phagocytose des cellules de l’hôte par l’intermédiaire de C1q (Vaithilingam et al., 2012).