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2. Géologie du secteur rivière Meganitas – rivière Kerinitis

2.3. Histoire géologique du secteur d’étude

2.3.1. Paléotopographie de l’Unité du prérift

La surface supérieure de l’Unité du prérift n’est pas horizontale sur le secteur rivière Meganitas – rivière Kerinitis. La paléotopographie est constituée de hauts topographiques, de paléovallées et de dépressions topographiques.

Dans la vallée de la rivière Selinous (Fig. 2.2), l’Unité du prérift forme un haut topographique en forme de «triangle» (coupe I, Fig. 2.19.a), appelé le haut topographique d'Aghriakona. Il s’agit bien d’un haut topographique et non pas d’un horst car aucune faille, de part et d’autre de cette zone haute n’a été identifiée. Pour vérifier ces interprétations de terrain, c'est-à-dire que les contacts avec le remplissage synrift sont de type stratigraphique, des plans de failles ont été générés grâce au logiciel gOcad. Les plans de failles qui ont été retenus sont ceux dont les traces sur la surface topographique correspondent à la trace du contact entre l’Unité du prérift et le remplissage synrift. L’azimut et le pendage du plan qui a été sélectionné sont N149°E-25NE (coupe I, Fig. 2.19.a). La faible valeur de pendage permet d’attribuer à ce plan une valeur de contact stratigraphique discordant entre l’Unité du prérift et le remplissage synrift et non pas à une faille.

Quatre paléovallées ont été mises en évidence sur le secteur d’étude. Sur la coupe III (Fig. 2.19.b), la paléovallée 1, d’axe O-E est localisée entre le «hangingwall» de la faille Sud Lakka (SLF) et le «footwall» de la faille Nord Lakka (NLF). Elle a une largeur estimée à 400 m pour une profondeur d’environ 112 m. Cette morphologie est affectée par les failles Sud Lakka et Nord Lakka. La paléovallée 2, d’axe O-E est localisée sur le horst limité par les failles Nord Lakka au Sud et d’Achladia au Nord. Elle a une largeur d’environ 150 m pour une profondeur estimée à 100 m. Ces incisions sont comblées par les sédiments de la Formation de Melisia. Ces deux paléovallées d’axe O-E affectent des blocs basculés. Sur la coupe VII (Fig. 2.20.a), la paléovallée 3 d’axe SSO-NNE a été identifiée entre les failles de Kato Mavriki (KMF) et Ouest Helike (WHF). Elle a une largeur estimée à 387 m pour une profondeur d’environ 62 m.

On remarquera que le profil topographique ainsi que les dimensions de cette morphologie en creux sont proches de l’actuelle vallée de la rivière Selinous (coupe VII, Fig. 2.20.a). Sur la coupe VII (Fig. 2.20.a), la paléovallée 4, d’axe SSO-NNE se trouve de part et d’autre de la faille Est Kato Fteri (EKaFF, Fig. 2.2). Elle a une largeur d’environ 700 m et une profondeur estimée à 87 m.

Deux dépressions topographiques ont été mises en évidence sur le secteur d’étude (Fig. 2.21). Une première se situe au Nord-Est du monastère de Taxiarchion (coupe I, Fig. 2.19.a et coupe II, Fig. 2.20.b). Cette interprétation est étayée par l’affleurement de l’Unité du prérift à la fois au niveau du monastère de Taxiarchion et au Sud d’Achladia (Fig. 2.2). L’axe de cette dépression a une orientation NO-SE. Les caractéristiques du plan constituant un des ses flancs ont été déterminées grâce à l’utilisation du logiciel gOcad. Elles correspondent à N149°E-25NE (coupe I). La dépression du monastère Taxiarchion a une largeur maximale estimée à 2,8 km (coupe II) qui diminue vers l’Ouest à une valeur de 2 km (coupe I, Fig. 2.19.a). Son épaisseur varie de 375 m (coupe II) à 325 m (coupe I) d’Est en Ouest. Cette dépression s’élargit et s’approfondit donc d’Ouest en Est. Elle est affectée par les failles de Tachiarchion (TF, coupe II), de Selinous (SF, coupe VI, Fig. 2.22.a) et Nord Lakka (NLF, coupe I). Une restauration de la coupe II permet d’accéder aux dimensions de cette dépression. D’Ouest en Est, elle passe d’une largeur de 1,9 à 2,6 km et d’une profondeur de 325 à 574 m (cette valeur élevée provient de la restauration de la faille de Taxiarchion sur la coupe II). La forte épaisseur de la Formation de Melisia en rive droite de la rivière Selinous (coupe VI) est expliquée par une période d’activité différente des failles affectant la dépression du monastère de Taxiarchion. Il est supposé que la faille Nord Lakka (NLF, Fig. 2.2 et coupes I et II) ait pu jouer avant le début de l’activité de la faille de Selinous (coupe VI) permettant ainsi de déposer une forte épaisseur (462 m) de sédiments de la Formation de Melisia. L’appel de sédiments en rive droite de la rivière Selinous est favorisé par l’existence de la dépression d’axe NO-SE.

Une seconde dépression topographique se situe à l’Est de Kerinia (coupe VII, Fig. 2.20.a). Elle est beaucoup plus difficile à contraindre que la dépression du monastère de Taxiarchion. Son existence est supposée car l’Unité du prérift disparaît de l’affleurement à l’Est de Kerinia, sans qu’aucune faille n’ait été mise en évidence, mais sa limite Est n'est pas discernable. La dépression de Kerinia a un axe orienté SO-NE, une largeur estimée sur la coupe de 1,5 km (coupe VII). Elle est affectée par le jeu de la faille de Kerinitis ainsi que par la faille EKaFF. Contrairement aux paléovallées, les deux dépressions topographiques n’ont pas été totalement comblées par la Formation de Melisia.

La discordance basale, présentant un dénivelé maximum de 375 m, indique que le rift s'est superposé sur une paléotopographie développée pendant et depuis l'orogenèse hellénique. Cela représente une période de temps d'au moins 15 Ma, incluant la crise de salinité messinienne (Rouchy, 2008). Les paléovallées, présentant des axes orientés O-E et NNE-SSO pourraient représenter les traces d’un réseau hydrographique hérité. Les vallées orientées NNE-SSO seraient liées aux cours d’eau principaux et les vallées d’axe E-O seraient liées aux cours d’eau distributaires. Consécutivement au creusement des vallées par le réseau hydrographique, aucun dépôt fluviatile n’a été préservé, correspondant à une période de «by-pass». L’essentiel du remplissage des vallées est assuré par la Formation de Melisia, dont les dépôts sont majoritairement lacustres. La tectonique complexe durant l’épisode orogénique hellénique rend difficiles les corrélations entre dépressions topographiques et paléovallées.

2.3.2. Groupe inférieur (phase d'extension précoce)

La subsidence était contrôlée par l'activité précoce de la faille de Pirgaki au Sud ainsi que par celle de certaines failles de second et de troisième ordre. En proposant qu'une épaisseur de 500 m de la Formation de Melisia s'est mise en place en 2,5 Ma (Rohais et al., 2007b), il est possible d'estimer un taux de subsidence de 0,2 m/ka. Cette faible subsidence permet l’installation, dans un premier temps, d’un lac d’eau douce sur tout le secteur (Fig. 2.23). Dans le détail, les sédiments de cette phase lacustre comblent totalement les vallées et partiellement les deux dépressions. La période lacustre montre que le secteur constituait une zone protégée. Aucun argument ne permet de préciser ni la superficie, ni la bathymétrie du lac. Compte tenu du contexte tectonique régional, il est supposé que le lac corresponde à une retenue d'eau d'origine tectonique (compartiment faillé, isolant une zone affaissée). L'épaisseur de la Formation de Melisia atteint 500 m mais peut présenter des variations latérales importantes. Ces variations sont contrôlées à la fois, par l'héritage paléotopographique, ainsi que par l'activité des failles et le basculement du bloc vers la faille de Pirgaki. Dans un second temps, des apports fluviatiles proviendraient des reliefs présents au Sud (Fig. 2.23). Ces dépôts fluviatiles progradent dans l’étendue d’eau et permettraient d’expliquer l’alternance fluvio-lacustre caractérisant la Formation de Melisia. Les dépôts fluviatiles de la Formation Ladopotamos (Ford et al., 2007b) pourraient également prograder vers le Nord-Ouest, en cohérence avec les données de paléocourants (N320°E, Fig. 2.23). L’activité de la faille Nord Lakka pendant le remplissage de la dépression de Taxiarchion est attestée. Par la suite, l’activité tectonique sur les failles de la région d’Achladia (cf. Histoire tectonique) permet à des blocs d’être soulevés et soumis à l’érosion (par exemple le bloc limité par les failles d’Achladia et Ouest Kerinia ou celui limité par les failles de Kato Mavriki et Ouest Helike, coupe III, Fig. 2.19.b).

Afin de décrire l’histoire tectonique, il est possible de découper le secteur d’étude en trois parties qui ont connu des histoires tectoniques différentes. L’activité de la faille de Pirgaki est attestée par l’épaississement de la Formation de Melisia en direction de cette faille (coupe III, Fig. 2.19.b ; coupe VIII, Fig. 2.24.a ; coupe IX, Fig. 2.25). Les failles de second et de troisième ordre actives pendant le dépôt de la Formation de Melisia sont identifiées par une épaisseur supérieure de cette formation sur leur «hangingwall» par rapport à leur «footwall». C’est le cas pour la faille de Kato Mavriki (KMF, coupe II, Fig. 2.20.b et coupe III, Fig. 2.19.b), d’Achladia (AF, coupes II et III), Nord Lakka (NLF, coupes I, II et III), Ouest Kerinia (WKF, coupes II et IV, Fig. 2.22.b). Ces failles ont localement contrôlé la mise en place de la Formation de Melisia dans la partie centrale du secteur (région d’Achladia). Le système en horst et graben a été basculé, tout comme le reste du bloc de faille de Pirgaki, à la fois vers la faille de Pirgaki (coupes III, IV et VIII, Fig. 2.24.a), mais également vers la faille de Kerinitis (coupe VI, Fig. 2.21.a et coupe V, Fig. 2.24.b). Ce basculement explique les pendages systématiquement dirigés vers le Sud dans la Formation de Melisia, sur une grande partie du secteur d’étude (Fig. 2.2). La partie Est, ne présentant pas de système de petits blocs de failles a connu une histoire différente, tout comme la partie Ouest. Le rejet vertical de la faille de Pirgaki diminue vers l’Ouest (Fig. 2.2). En effet, le rejet vertical a une valeur de 1475 m (coupe IV) au Sud de Melisia, qui passe à 550 m au niveau du monastère de Taxiarchion (coupe I, Fig. 2.19.a). Dans la région de Kounina (Fig. 2.2), l’amortissement de la faille de Pirgaki ne semble pas avoir permis le basculement de la Formation de Melisia (coupe I). A l’Est du secteur d’étude, les failles Est et Ouest Kato Fteri ne semblent pas avoir été actives pendant le dépôt de la Formation de Melisia (coupe V et coupe IX, Fig. 2.25). La Formation de Melisia, dans la partie Est du secteur n’a enregistré qu’un basculement vers les failles de Pirgaki et de Kerinitis.