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4. Sédimentologie du delta de Kerinitis

4.4. Associations de faciès

4.4.1. Association de faciès de topset

4.4.1.1. Sous-association de faciès «T1»

• Description : T1 est composée de 13 faciès et sous-faciès (Tab. 4.5 et Fig. 4.7).

Les faciès G1c, F3a(2), F3b et F4a sont propres à cette sous-association. Des conglomérats de granulométries et de structures sédimentaires différentes (faciès G1a, G1c et G1d ; Tab. 4.1) dominent en volume, en particulier le faciès G1c (qui représente environ 98% de tous les faciès constitutifs de l’association). En effet, sur la zone 1 de la coupe (Fig. 4.2.a), il représente environ 96% de l’épaisseur totale (440 m) où il compose des unités stratigraphiques («SU», cf. Chapitre 5) d’épaisseur variant de 40 à 120 m (Fig. 4.7.a). Les unités stratigraphiques sont caractérisées par une stratification horizontale fruste, par des surfaces érosives internes mineures, ainsi que par des bases, pouvant localement montrer des litages obliques de mégarides à très faible pendage (Fig. 4.7.a). A grande échelle, dans G1c, la stratification fruste peut être soulignée soit par des couches mieux triées que le reste du banc, soit par des alignements de clastes d’une classe granulométrique supérieure à la moyenne du faciès (Fig. 4.8).

Le sommet de ces SU peut localement présenter des chenaux, principalement préservés au sommet de SU5 et de SU6, ainsi que dans SU9 (Fig. 4.7.a). Les chenaux des SU5 et 6 sont observables en zone 2W (Figs 5.6.c et 4.2.a).

Figure 4.8 : Imbrication (en rouge) et orientation préférentielle (en vert) de galets dans le faciès conglomératique G1c (Tab. 4.1). La présence d’horizons mieux triés et de granulométrie plus fine participe à la stratification horizontale fruste.

En zone 2W, les chenaux ont des dimensions (épaisseur de 10 m et largeur de 60 à 70 m) ainsi que des architectures très semblables (Fig. 5.6.c). Sur cette même zone, les chenaux ont été identifiés par le caractère érosif de leurs bases sur les couches sous-jacentes. Les chenaux de SU9 sont plus petits (épaisseur de 3 m et largeur de 20 m), sont plus fréquents et peuvent localement être superposés. Tous ces chenaux sont remplis par des bancs conglomératiques plans ou ondulés qui ne présentent aucune structure sédimentaire interne (Fig. 4.7.a).

Localement, les faciès grossiers (Fig. 4.7.c) peuvent consister en l’interstratification de conglomérats (G1a, G2 et G1d ; Tab. 4.1) et de bancs arénitiques (principalement S1 ; Tab. 4.2). Le log de la figure 4.7.c a été levé à la base de SU3 sur la zone 3 de la coupe (Fig. 4.2.a ; T1c sur la Fig. 4.6.b et Fig. 5.8).

Figure 4.9 : Illustration de la diversité de T1 avec les faciès fins. a) Développement de paléosols (rare) avec bancs arénitiques bioturbés (S1) et silts (F3b) à marmorisation et glébules (Tab. 4.3). b) Glébules dans le faciès F3b. Ces photos ont été prises au niveau de «T1b» (Fig. 4.6.b).

Les faciès fins de T1 (arénites fines et siltites) constituent des horizons de moindre résistance à l’érosion entre les SU, immédiatement repérables sur le panorama d’ensemble du delta (Fig. 4.3). Ils sont principalement localisés au sommet des SU1 à SU3. L’épaisseur maximale est atteinte au sommet de SU1 avec une puissance de 4 m (Fig. 4.7.b). L’organisation de ces faciès fins est illustrée par le log de la figure 4.7.b (T1b sur la figure 4.6.b) qui a été levé entre les SU1 et 2 sur la zone 2 de la coupe. Ce log montre globalement une grano-croissance depuis des faciès arénitiques à silteux (S1, S3, F2, etc.) à la base vers des faciès conglomératiques (G1a, G1c) au sommet. Le contact entre le banc de G1a et celui de G1c définit une surface stratigraphique clé (KSS, cf. Chapitre 5). Ce contact peut être non-érosif à légèrement non-érosif.

Les siltites du faciès F3b, qui représentent moins de 5% de T1, se trouvent dans les intervalles de moindre résistance au sommet des SU1 à SU3 (Figs 4.7.a et b). Localement, une alternance entre F3b et S1 a été observée avec des bancs de faciès S1, qui peuvent être intensément bioturbés (Fig. 4.9.a). Le faciès F3b (Tab. 4.3) présente des glébules (Fig. 4.9.b).

Les 63 mesures de paléocourants, prises dans cette association majoritairement le long de la coupe de la rivière Kerinitis, indiquent une direction d’écoulement moyen vers N027°E (Fig. 4.10.a).

• Interprétation en terme de processus et d’environnement de dépôt (Tab. 4.5) : L’ensemble des caractéristiques décrites précédemment montre que beaucoup de processus sédimentaires sont actifs dans T1. Ces processus sont le transport de la charge de fond, le transport par traction, ainsi que par suspension. Les bancs bioturbés du faciès S1, ainsi que dans le faciès F3b (Tab. 4.3), la présence d’horizon à glébules (Fig. 4.9.b) et de traces de racines, indiquent le développement de paléosols qui restent cependant immatures et rares. F3b et S1 sont interprétés comme des faciès constitutifs de dépôt de plaine d’inondation en environnement fluviatile. Les dépôts de plaine d’inondation sont très peu représentés, ce qui témoigne du caractère mobile des chenaux. Ainsi, le faible potentiel de préservation des faciès de plaine d’inondation est à mettre en relation avec des facteurs autocycliques (intense divagation des chenaux, dominés par un remplissage conglomératique), voire même allocycliques (contexte tectonique actif).

La sous-association de faciès T1 représente la partie subaérienne du delta. Les caractéristiques des chenaux, qui se développent au sommet de SU5 et de SU6, ainsi que dans SU9, permettent de les interpréter comme des chenaux fluviatiles de rivière en tresses dominées par les conglomérats. Les variations verticales de tailles de clastes dans le faciès G1c (Fig. 4.8) indiquent des variations d’énergie de l’écoulement. En effet, localement peuvent apparaître des horizons de clastes mieux triés et de granulométrie plus faible, situés au-dessus de zones à clastes très mal triés. Cette configuration peut indiquer une baisse d’énergie du cours d’eau, mais également des changements de l’activité des chenaux. L’horizon de galets bien triés peut signifier un abandon de sommet de barre par déplacement du chenal actif. Le faciès F4a (Tab. 4.3) qui n’est identifié que dans l’association de faciès de topset, représenterait les drapages de boue («mud drapes») qui se retrouvent localement dans les sédiments de rivière en tresses à dominante sableuse ou conglomératique. Les drapages de boue sont assimilés aux dépôts qui se mettent en place dans les zones d’eau stagnante pendant les périodes de «low-stage channel abandonment» (lithofaciès «Fm», Miall, 1996).

Le modèle «Gravel-bed braided with sediment-gravity-flow deposits» (p. 206 à 208 in Miall, 1996) est le modèle de rivière qui se rapproche le plus des enchaînements de faciès visibles sur la figure 4.7.c. Sur les huit faciès qui composent ce modèle, quatre sont semblables aux faciès G1d, G1a, S3 et F4a. Ce modèle de faciès consiste en la superposition de bancs de conglomérats à base localement très érosives où s’intercalent parfois des bancs arénitiques et/ou de minces horizons argileux. Les bancs conglomératiques représenteraient des dépôts de «debris flow», ainsi que des chenaux d’écoulement fluviatiles («stream flow channel»). Pourtant, cette séquence idéale est interprétée par Miall (1996) comme un environnement de cône alluvial. Ici, le faciès G1d est interprété comme le résultat d’un dépôt par «clast-rich debris flow» et le faciès G2 comme le résultat d’un dépôt par «sediment gravity flow» et plus particulièrement de «debris flow» (Tab. 4.1). Ces deux faciès sont présents sur le log de la figure 4.7.c. Cela pourrait signifier qu’épisodiquement, s’enregistrent dans la séquence sédimentaire fluviatile, des coulées gravitaires en provenance d’un cône alluvial. Cet édifice alluvial a du être actif en partie proximale de topset. Cette configuration, avec un appareil alluvial nourricier est classique dans les bassins sédimentaires de type «rift» (Gawthorpe & Colella, 1990).

Les faciès arénitiques sont transportés dans les environnements fluviatiles, par des courants tractifs (Miall, 1996). Les sédiments silto-argileux résultent du dépôt des particules en suspension en dehors des chenaux actifs. Les dépôts de siltite et d’argilite indiquent donc un environnement de plaine d’inondation, de chenaux abandonnés ou de chenaux actifs pendant les périodes d’étiage (Miall, 1996).