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La pêche et l’alimentation : des enjeux économiques importants

L’alimentation à Dakar, ville côtière du Sud

1 Le Sénégal et Dakar

1.3.2 La pêche et l’alimentation : des enjeux économiques importants

Le secteur de la pêche est essentiel pour l’économie du pays (Ababouch, 2006). Dans les années 1980, le secteur de la pêche artisanale au Sénégal représente un secteur économique fort et surpasse même l’arachide en valeur exportée. C’est le premier secteur économique devant l’arachide et les phosphates. Il est singulier à 3 égards : 1) la pêche dite artisanale repose sur des méthodes perçues comme traditionnelles par les acteurs du développement. 2) Les eaux sénégalaises étant propices à l’exploitation industrielle, la part importante de la pêche artisanale est d’autant plus remarquable. 3) la pêche artisanale constitue une grande partie des approvisionnements des secteurs industriels et d’exportation. Lors de la régression économique du pays, le secteur de la pêche reste un secteur dynamique positif (Chauveau et Samba, 2012).

Les ressources halieutiques sont des sources de devises pour l’état et représentent une part importante de la balance commerciale. La pêche artisanale constitue 75 % de la production halieutique sénégalaise (Thiao, 2012). L’augmentation des exportations vient ainsi

concurrencer le marché intérieur. Le rapport entre la consommation locale en produits frais et la production d’ensemble de la pêche artisanale passe de 82,7 % en 1981 à 60 % à la fin des années 2000. Trois décisions politiques ont favorisé cette situation :

T La convention de Lomé, signée pour la première fois en 1975, qui accorde une franchise de droits de douane pour les produits sénégalais vers l’Europe.

T Les subventions à l’exportation de la part de l’état sénégalais dans les années 1980 T La dévaluation du FCFA en 1994 (Thiao, 2012).

Le développement de la pêche dans les dernières décennies est à relier à l’insertion du Sénégal dans le système mondialisé. La pêche occupe une place importante dans le maintien de la sécurité alimentaire au Sénégal : en créant des emplois et en fournissant des protéines animales à bas prix. Mais la forte augmentation des prises entraîne une surexploitation des ressources et une raréfaction du poisson (Diop et Magrin, 2012).

Dans les années 1970, face à la raréfaction de la viande à la suite de sécheresses successives, la consommation de poisson augmente et avec elle, le nombre de pêcheurs puisque les agriculteurs sans activité rejoignent les rangs des pêcheurs. La dévaluation du FCFA achève de rendre la viande inaccessible alors que les sardinelles sont présentes en abondance sur le marché. Enfin, le développement du réseau routier favorise la consommation de poisson y compris dans les régions éloignées des côtes. En terme de commerce international, l’Afrique constitue le deuxième marché d’exportation de produits halieutiques pour le Sénégal après l’Europe. Une hausse des prix des céréales pourrait entraîner l’utilisation de la sardinelle en tant que substitut dans la fabrication de farine animale destinée à l’élevage et donc une forte augmentation du prix de ces poissons.

Le marché américain pourrait prendre de l’ampleur prochainement (Diop et Magrin, 2012). Le premier accord de pêche entre l’UE et le Sénégal est intervenu en 1979. Les bateaux communautaires européens exploitent les ressources halieutiques des pays côtiers d’Afrique de l’Ouest selon les accords passés. Les espèces les plus recherchées par les bateaux communautaires sont les démersaux (merlu et sole commune notamment), les céphalopodes (calamar, seiche) et les crevettes. Au niveau national, certaines embarcations sont spécialisées dans la capture de ces espèces. La concurrence est donc très forte. Mais la destination du poisson semble la même : l’exportation. Les différents accords de pêche prévoient des débarquements obligatoires par les bateaux communautaires dans les pays concernés afin d’approvisionner le marché local et les usines de transformation locales. Cependant, certains bateaux communautaires réembarquent les produits immédiatement après la réalisation des contrôles sur place. Le système de production des pêches étrangères et celui des pêches

nationales apparaissent donc sans lien entre eux. Par ailleurs et même si les chalutiers thoniers étrangers débarquent 10 à 20 % de leur production à Dakar et Victoria dans des usines locales, cette production n’alimente en aucun cas le marché local, puisque les produits transformés repartent à l’exportation. Les navires hollandais spécialisés dans la pêche de petits pélagiques débarquent également une partie de leurs captures en Afrique de l’Ouest. Cette production est principalement destinée à l’approvisionnement du marché d’Afrique centrale. La concurrence entre pêcheurs communautaires et pêcheurs nationaux est rude puisqu’ils convoitent les mêmes espèces dans un cas pour eux mêmes dans l’autre cas pour l’exportation. Une partie importante des débarquements nationaux est donc destinée à l’exportation et non pas au marché local (Failler, 2001).

Le dynamisme économique du secteur de la pêche est donc lié à ses atouts pour la population – emplois, infrastructures… – mais aussi et surtout aux retombées économiques liées à l’exportation.

Cependant, depuis le début des années 2000, la part relative du secteur de la pêche dans l’économie nationale diminue. Sa contribution au Produit Intérieur Brut du pays est passée de 2,7 % en 1997 à 1,5 % en 2008 (ANSD, 2009 : 128). La Direction des Pêches Maritimes (DPM, 2008) attribue cette régression du poids économique du secteur à la surexploitation des ressources, à la pollution et la dégradation du milieu, mais aussi à des manquements dans la gestion du secteur par l’État (insuffisance de ressources humaines et financières, cadre institutionnel faible, manque de moyens pour la recherche, etc.). Dès lors, la gestion du secteur devient une préoccupation éminemment politique. Cette question est étroitement liée aux enjeux nutritionnels qui, nous le verrons, confirment l’importance politique du sujet.

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