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Actants et énonciateur réel

4.3. Application à un cas d'étude

4.3.1.2. Périmètre du serious game

À l'issue de la phase exploratoire, le serious game EHPADSG avait pour objectif principal la sensibilisation ou la formation des (futurs) personnels médico-sociaux à la relation à la personne âgée. Le public plus particulièrement concerné était les aides-soignants (AS), aides médico-psychologiques (AMP), agents des services hospitaliers (ASH) ou encore agent hôtelier (AH), peu ou pas diplômés. Le périmètre n'était donc pas seulement celui de l'EHPAD d'Échirolles, mais celui des EHPAD en général. Conçu pour

être joué seul (mono-utilisateur), il devait pouvoir prendre place dans la formation continue suivant différentes configurations : en amont pour donner un socle commun de situations à un groupe d'utilisateurs ou pour poser un diagnostic préformation, diagnostic si précieux au formateur pour préparer et adapter son intervention ; en aval pour poursuivre une dynamique initiée avec les stagiaires ; ou encore au moment de l'intégration d'un nouveau collaborateur au sein d'un établissement. Le périmètre aura été élargi par la suite, considérant qu'il pouvait aussi s'insérer comme exercice pratique au sein de formations initiales spécialisées. Le serious game se voulait ainsi un support de formation ludique, adapté à la culture des utilisateurs concernés, soit une population majoritairement jeune.

L'objectif secondaire était de valoriser ces professionnels fortement sollicités et mal reconnus, à la fois à travers la qualité du jeu et la consultation qu'il enclenche 144. Nous détaillons ci-dessous ses objectifs pédagogiques et le but du jeu pour l'utilisateur.

a. Objectifs pédagogiques

Le format retenu avait pour fonction de mettre en scène trois situations jugées critiques pour confronter l'utilisateur aux "bonnes pratiques" 145 de la relation interpersonnelle. C'est là l'originalité du projet : il ne s'agit pas d'un apprentissage technique propre à chaque "métier", mais de l'apprentissage transversal des relations humaines. En effet, si les gestes techniques doivent être impérativement maitrisés, ils doivent aussi être compris pour leurs implications sur le plan de la relation. Les objectifs pédagogiques retenus visent d'une part à gagner en confort, que ce soit celui du résident (satisfaction, perception de la qualité d'accompagnement, qualité du geste, etc.) ou celui du personnel (niveau de stress, charge mentale due aux responsabilités, à l'émotion, etc.), et d'autre part, à améliorer la coopération au sein de l'équipe (esprit d'équipe, soutien, transmission des informations, etc.). Ces objectifs sont diversement subdivisés et ventilés dans les trois mises en situation détaillées plus loin.

144 La consultation dont nous faisons mention implique l'enquête du CEROS dans le cas de l'EHPAD d'Échirolles, mais plus largement la consultation de tous les établissements dans lesquels la version 2 du prototype aura été expérimentée. Nous y reviendrons à la 5.2.1.1.c avec le principe des questionnaires intégrés.

145 Les "bonnes pratiques" sont entendues en tant que consensus obtenus lors de la conception au

Si le jeu couvre à la fois l'apprentissage des relations résident et personnel-personnel, nous nous attacherons à la compétence "travail en équipe". La collaboration est un enjeu majeur des équipes médicales, particulièrement entre les infirmiers (IDE) et aides-soignants (AS) ou encore entre les aides-soignants et les agents hôteliers (AH ou ASH) ou les aides médico-psychologiques (AMP). Cette collaboration est entendue au sens large comme une division du travail pour servir un objectif commun. Dans ce cadre, les comportements de chacun autorisent une prévision des actions et une complémentarité des fonctions, le tout dans un sentiment de coresponsabilité (Mucchielli, 2009). Plus spécifiquement, l'AS collabore entre autres aux soins d'hygiène (hygiène alimentaire, installation pour les repas), à la surveillance du patient (recueil de renseignements, rapport pour adapter les soins) et à l'accompagnement pour pallier le manque d'autonomie (habillement, repas, toilette), sans oublier de respecter son périmètre de responsabilités (Lelièvre, 2011).

b. But du jeu

Le serious game finalisé est mono-utilisateur et comprend trois jeux de simulation (Brougbre, 2008) qui s'enchainent comme un fil rouge pour dérouler une semaine de la vie de Mme Rosetti : 1) accueillir Mme Rosetti, 2) répondre à l'une de ses demandes en chambre, 3) faire face à son refus de la toilette. Pour parcourir chacune des situations, l'utilisateur doit faire des choix. À chaque interruption, trois propositions lui sont faites sous la forme de verbes d'action (choix multiple), renseignées par des infos-bulles lors du survol du choix par la souris (cf. Figure 37).

Figure 36. Interface générale d'EHPADSG Figure 37. Éléments du gameplay d'EHPADSG

Le but pour l'utilisateur est de parcourir ces situations et d'obtenir le plus possible de commentaires positifs (cf. 4.3.2.3). Nous décrivons ci-dessous le contexte narratif général et chaque situation dans sa version "classique". Nous développerons plus loin les spécificités des autres versions (cf. 4.3.2 et 4.3.2.2).

c. Résumé S1

Figure 38. Accueil et extrait de la situation 1 d'EHPADSG

Situation 1 : Accueillir un nouveau résident. Mme Rosetti (R), arrive à la maison de retraite des Charmettes, accompagnée de sa fille. Elle ne vient pas de gaieté de cœur, mais elle a 82 ans et sort de l'hôpital. Mme Rosetti, sa fille, Malika l'aide-soignante (P1) et Laurent l'agent des services hospitaliers (P2) font tous connaissance dans le hall. La fille de Mme Rosetti s'absentera une bonne partie du temps pour des raisons administratives et reviendra pour la conclusion de la situation. L'utilisateur "pilote" alternativement Malika ou Laurent face à Mme Rosetti. Il doit, par leur intermédiaire, créer les conditions d'une relation de confiance en écoutant les craintes de Mme Rosetti et en les prenant en considération. Il doit aussi savoir préserver les rôles de chacun et, enfin, savoir recueillir les informations clés. La démarche est dite "libre", c'est-à-dire que l'ordre des sujets abordés est laissé à l'appréciation de l'utilisateur. Néanmoins, le sujet "alimentation"

concernera davantage l'AH alors que "l'autonomie" concernera surtout l'AS. Le rôle de l'utilisateur est donc de cliquer sur le choix le plus adapté, notamment pour faire intervenir le bon personnage et favoriser la coopération de l'équipe. S'il commet des erreurs, les relations seront plus tendues. Il lui faudra être attentif aux réactions de la résidente pour réagir adéquatement.

d. Résumé S2

Figure 39. Accueil et extrait de la situation 2 d'EHPADSG

Situation 2 : Répondre à une demande en chambre. Mme Rosetti est arrivée à l'EHPAD depuis une semaine. Durant la nuit, elle s'est levée et est tombée. Elle a été alitée en attendant de revoir le médecin. Robert, un des agents hôteliers, lui a servi son petit déjeuner. L'utilisateur "pilote" Laurent (ASH) qui passe près de sa chambre et l'entend appeler à l'aide. Pour lever le quiproquo qui s'est installé, il devra restaurer la confiance et établir une relation de qualité, rassurer sans infantiliser ou faire culpabiliser. Face à l'agressivité et aux reproches, il lui faudra aussi supporter son équipier, le réhabiliter si nécessaire pour préserver l'intégrité de l'équipe. Enfin, il devra connaitre les limites de ses attributions et faire appel le cas échéant au reste de l'équipe. La démarche est cette fois

"guidée", c'est-à-dire que l'utilisateur doit découvrir les bonnes pratiques dans un ordre adéquat. La discussion continuera tant qu'il choisira les bonnes intentions. En revanche, le dialogue reculera d'un cran si la réponse constitue un "faux pas". De plus, le dialogue s'arrêtera s'il cumule trois "faux pas" ou si le choix est une erreur considérée "rédhibitoire".

Dans ce cas, le game over demande de recommencer la situation depuis le début. Par rapport à la situation 1, la notion de jokers est ajoutée en même temps que les "faux pas"

pour favoriser une attitude ludique.