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& D OCUMENTAIRE

1.2. Amorcer l'analogie

1.2.1. Situer le jeu sérieux

1.2.1.1. Définition et lacune

Pour resserrer ses définitions, nous considèrerons le serious game à partir de 2002, soit la date charnière identifiée concernant l'évolution de son modèle économique, basculant de l'achat individuel de jeux éducatifs par les particuliers vers des investissements institutionnels pour former ou informer collectivement un ensemble de collaborateurs (Djaouti & al., 2011). À cette époque, Sawyer et Rejesky fondent à Washington la Serious Games Initiative 10 pour redéfinir l'utilisation qui peut être faite du jeu vidéo et faciliter son adoption auprès des grandes entreprises et services gouvernementaux. Le serious game est alors clairement une application informatique qui emprunte au monde du jeu vidéo ses technologies et savoir-faire, notamment en matière de gameplay. Son principe fondateur consiste à préserver une dimension ludique sans que son objectif premier ne soit le divertissement : celle-ci doit favoriser l'attractivité, mais surtout servir la mécanique pédagogique, ce qui revient à chercher un adjuvant (le jeu) sans en subir ses effets secondaires (de l'ordre de la distraction). Alors que l'audiovisuel avait rompu en son temps la frontière loisir / travail en généralisant son utilisation jusque dans

10 http://www.seriousgames.org/ [consulté le 14 novembre 2012]

les secteurs les plus fermés du monde professionnel (Leblanc, 1997a), le média jeu vidéo entreprend donc sa propre généralisation. Suivra après Sawyer et Rejesky une série de définitions ou redéfinitions pour accompagner la montée en puissance du phénomène dans tous les secteurs d'activité. Pour Zyda (2005, p. 26), le serious game consiste en un "défi mental, entrepris avec un ordinateur selon des règles spécifiques, qui utilise le divertissement pour favoriser au niveau gouvernemental ou entrepreneurial l'entrainement, l'éducation, la santé, les politiques publiques, et les objectifs stratégiques de communication". Alvarez (2007) reprendra ces deux approches et la diversité des champs au-delà de l'enseignement et de l'apprentissage, avec la communication et l'information. Il soulignera quelques points fondamentaux dont une nécessaire "cohérence"

entre la nature du message et le format du jeu adopté ; une "prégnance du scénario pédagogique" pour creuser l'écart par rapport au divertissement – de la simple association ou juxtaposition jeu pédagogie à la démonstration, en passant par l'illustration ; et une

"implémentation" de ce "scénario pédagogique" dès le début de la conception. Ce dernier point distingue le serious game d'un jeu vidéo classique ou d'une application purement utilitaire dont l'intention originelle de leurs concepteurs serait détournée. Pour les cas de détournement, le vocable serious gaming se substitue, rappelant toujours une finalité autre que le simple divertissement, mais indiquant avec le participe présent qu'elle tient alors à l'attitude plutôt qu'au médium (Djaouti, 2011). Alors que le serious gaming englobe la pratique du détournement et celle du serious game à proprement parler, nous poursuivrons sur le sens restreint.

La définition d'Amato (2007) qualifiera ces jeux de "productifs" avec une visée

"transformative" chez l'utilisateur. Celle-ci est pensée dès la phase de conception pour induire à travers la conduite ludique des effets d'influence spécifique : "une amélioration des compétences (entrainement), [de] l'adaptation au milieu (traitement des phobies), [de]

la compréhension d'un phénomène (éducation) ou [d'] une plus grande adhésion au message véhiculé (promotion, publicité, jeux vidéo idéologiques, jeux vidéo idéologiques […] ". L'"adhésion aux messages véhiculés" est présentée dans un parallèle historique au médium cinéma qui permet à l'auteur de souligner la dimension "persuasive" propre au moment de leurs apparitions où la nouveauté des codes limiterait le recul critique des utilisateurs. Cette description d'un usage persuasif rejoint les réflexions développées par Mauco (2008 ; 2009) sur les dimensions idéologiques et politiques. Celui-ci définit indirectement le serious game à travers l'une de ses branches, baptisé political game. Il y

dénonce l'utilisation institutionnelle de ce nouveau moyen d'expression, qui malgré une intention noble de traiter de sujets graves, impose une vision de l'ordre social. Si l'imposition n'est pas toujours volontaire, elle s'immisce néanmoins selon diverses formes, plus ou moins perceptibles à travers les messages ou représentations, et plus ou moins abstraites à travers les règles du jeu (gameplay). En transportant si ce n'est la vision du commanditaire celle des concepteurs, ces serious games institutionnels au sens large sont assimilés à "des messages sur la relation, la complexité des composantes du monde réel, ils formalisent et modélisent les rapports de force" (Mauco, 2008, p. 83). Frasca (2003) précisait déjà pour le jeu de simulation quatre niveaux d'idéologie par lesquels un auteur – alors appelé "simauteur" – peut faire passer ses idées ou sentiments : le premier est commun aux objets narratifs classiques et correspond au traitement des évènements et des protagonistes, soit la forme d'exposition ; le second correspond aux possibilités offertes à l'utilisateur pour agir au sein de la modélisation, et à son corolaire en terme de limitation ; le troisième correspond aux objectifs découlant des règles, demandant pour gagner que l'utilisateur adopte les actions attendues ; le dernier niveau s'inscrit dans les "meta-règles"

(p. 232) qui permettent à l'utilisateur de modifier les trois niveaux précédents en reconfigurant des paramètres ou réécrivant une partie du code. Si ce dernier niveau laisse entrevoir l'opportunité de contourner l'imposition auctoriale et son idéologie, Frasca rappelle à juste titre que la liberté est accordée par l'auteur ; elle est somme toute relative, sans quoi il n'y aurait plus de jeu constitué. Finalement, si comme le dit Genvo (2009) les jeux vidéo pris comme un tout ne proposent pas une seule et même "vision du monde ethnocentrée" (p. 92), il semble par contre que chaque serious game exprime sa propre vision et idéologie, plus ou moins souterraine, et cela au-delà de la seule catégorie

"persuasion" ou "jeu politique" citée plus haut.

En résumé, les premières définitions du serious game visent essentiellement l'objet technique et son utilisateur. Si la notion de "défi mental" émise par Zyda ajoute une relation entre l'ordinateur et l'utilisateur, elle est encore trop restrictive. Les définitions entrevues dans les champs qui nous concernent ne font état ni du "défi mental" entrepris en amont entre le concepteur et son sujet, entre le concepteur et l'ordinateur, ni de la relation ou confrontation entre commanditaire et concepteur ou encore entre concepteur et utilisateur. Ainsi, "l'interactivité fonctionnelle" en tant que "protocole de communication entre l'utilisateur et la machine" semble prévaloir sur "l'interactivité intentionnelle", c'est-à-dire sur "le protocole de communication entre l'utilisateur et l'auteur absent, mais

présent à travers le logiciel" (Meunier et Peraya, 2010, p. 416). "Y a-t-il seulement un auteur pour le serious game ?" pourrait alors s'interroger Lucy Bradshaw. Le rapprochement de cette sélection de définitions axées respectivement serious game et jeux vidéo n'a pas pour vocation de tirer de conclusion. Par contre il permet de constater de relatives lacunes au niveau purement définitoire, omettant la possibilité que le serious game soit considéré en tant qu'objet d'interlocution et de confrontation a minima entre l'utilisateur et l'équipe de conception, et plus largement entre l'utilisateur et les représentations sociales qu'il convoque.

1.2.1.2.Contraintes ludiques et espace de communication

Le serious game prétend à une dimension ludique. Mais celle-ci est-elle tenable lorsque la conception est sous la gouverne d'une institution et qu'il prend place dans un contexte professionnel ? Si en dernière instance la compétence intentionnelle de l'utilisateur peut lui permettre de se ménager un "cercle magique" (Huizinga, 1988) et d'adopter une attitude ludique (Genvo, 2006), il revient au concepteur et au commanditaire de favoriser à la fois la jouabilité intrinsèque de l'objet et des messages pour la susciter (Genvo, 2009). Au-delà de cette aspiration, les limites peuvent apparaitre dès la conception. En effet, ces nouveaux dispositifs intéressent autant qu'ils questionnent les commanditaires qui se risquent rarement – dans les premiers temps du moins – à déployer tous les ressorts et marques explicites du jeu. En dressant une liste rétrospective au sein de la société Dæsign, nous pourrions retrouver certains cahiers des charges de clients spécifiant un serious game dont tout aspect ludique devait être gommé (récompense, indicateur de score, etc.) ou des projets dont la dénomination "serious game" ne devait pas apparaitre auprès des utilisateurs, préférant conserver le terme "e-learning". Dans ces cas et pour ces commanditaires que nous tiendrons confidentiels, le jeu était encore considéré comme l'antithèse de la formation professionnelle, par définition "vraiment sérieuse".

Souligner ces contraintes de production éclairera certains game design et leur faiblesse d'un point de vue purement ludique. En plus de cette écriture sous contrainte lors de la production, la vocation ludique du serious game se voit aussi imposer d'autres limites à la réception, auprès de l'utilisateur. Discuter les espaces de production et de réception permet de faire référence à la distinction du game et du play pour le jeu vidéo et de constater sa reconfiguration pour le serious game. Le game désigne généralement la structure ludique et les règles pensées par le concepteur, alors que play précise le degré de liberté d'action

que s'octroie l'utilisateur (Genvo, 2009), soit respectivement "le plan du contenu (la structure de jeu, le game) et le plan de l'expression (le play, l'actualisation de la structure par une attitude ludique)" (Genvo, 2012, p. 9) ou encore "manière de dire et façon de voir"

(p. 13). Cette distinction a été au cœur de la journée d'étude "jeu et jouabilité" (2012) 11 qui la précisée à travers deux pôles tenant d'une vision du jeu "internaliste" ou "externaliste", c'est-à-dire essentialiste – jouable en soi – ou culturaliste – porteur de marqueurs de jouabilité (Stéphane Vial). Pour revenir au contexte du serious game, la dimension game ne correspond pas seulement comme le dit Henriot "au système de règle que le joueur s'impose de respecter pour mener à bien son action" (Genvo, 2009, p. 12) : ce premier niveau à hauteur de l'objet est rapidement redoublé par le système de règles de l'institution dans laquelle – et "pour laquelle" pourrait-on ajouter – le jeu est pratiqué : le quand, comment et combien de temps sera bien souvent "réglé" : si la pratique du jeu varie selon la stratégie de déploiement de chaque entreprise, elle est a minima incitée lorsque le jeu est en libre-service, plus communément inscrite dans des parcours individuels de formation et supervisée par la hiérarchie ou le service formation (via LMS 12 ou autre système de traces, etc.) ; elle sera ainsi strictement encadrée avec un lieu prescrit, des temps calibrés et des objectifs prédéterminés. De fait, se cumulent aux contraintes internes du jeu consenties par l'utilisateur les contraintes pragmatiques de l'entreprise. Face à cette double imposition, vérifier la jouabilité du serious game revient à qualifier en creux l'acceptation des deux systèmes de règles.

Ce que nous soulignerons ici – comme un préambule aux questions d'énonciation (cf. 1.3.4.2.b) –, c'est la manière dont ces contraintes ouvrent l'espace de communication entre utilisateur et la chaine managériale ou l'organe décisionnel ayant institué le jeu.

L'exemple de Vacheland peut illustrer ce point : commandé en 2004 par la région Poitou-Charentes dans un contexte de crise liée à la vache folle, le jeu était destiné au grand public afin d'expliquer les rouages de l'agriculture et redonner une image positive de l'élevage.

Alors que l'étude de Michel et al. (2009) a consisté à évaluer la possibilité de transférer des informations du jeu dans des situations concrètes, comme des comportements d'achat ou l'attitude générale vis-à-vis de l'agriculture, c'est une discussion informelle avec l'un des

11 Organisé par Bernard Darras et Stéphane Vial, 8 décembre 2012, http://www.ludogene.net/

[consulté le 05 avril 2013]

12 Learning Management System

auteurs (Kreziak) qui rejoint notre propos : en effet, des retours annexes issus de l'enquête qualitative netnographique soutiennent l'idée qu'un espace de communication relativement large existe autour du jeu. En l'occurrence, les critiques d'utilisateurs concernant la qualité et le réalisme n'ont pas visé les concepteurs, comme on aurait pu le penser, mais la région Poitou-Charentes ayant commandité le jeu. Ainsi, les contraintes ressenties à travers la jouabilité ont étendu l'espace de communication pour trouver leur origine auprès des plus hautes instances de la production.

En somme, le serious game demande non seulement à son utilisateur de respecter les règles, d'enclencher une attitude ludique, mais aussi de se jouer des conditions de sa pratique. Le cas échéant, cet utilisateur pourra renvoyer toute prétention ludique aux conditions qui l'empêche et l'imputer directement à une instance surplombante. Pour le concepteur, entrevoir la fenêtre ludique du jeu sérieux et équilibrer son gameplay relève donc de la mise en phase d'un dispositif global. S'il ne peut pas décider de l'attitude du joueur, il peut par contre tenter de synchroniser les contraintes (ludiques, pédagogiques et contextuelles) et les acteurs sociaux (en premier lieu les apprenants et plus largement les concepteurs, formateurs, manageurs et décisionnaires). Il conviendra que toutes nouvelles propositions de dispositif ou de définition puissent englober ces deux dimensions.

1.2.1.3. Légitimité de la fiction et opportunités du documentaire

a. L'égide de la fiction

Conjuguer jeu et sérieux dans une grande entreprise implique pour le commanditaire d'avoir l'assurance – a minima la perspective – que les collaborateurs qui l'utiliseront pourront relier leur pratique du jeu et leur pratique métier. Si l'objectif est commun à tout apprentissage, il sous-entend que l'objet vidéoludique ne freine pas ce transfert : "Le propre du jeu sérieux est que ses effets doivent se manifester au-delà de l'activité ludique, c'est-à-dire ultérieurement et dans un contexte non ludique, jugé en cela

“sérieux”" (Amato, 2011, p. 14). Or nous avons constaté que le véhicule choisi pour assurer ce transfert est aujourd'hui massivement sous l'égide de la fiction, qu'elle soit revendiquée ou non. Son recours serait manifestement inévitable pour "inventer" des situations qui existent ou ont existé au sein de ces mêmes entreprises. Nous pouvons envisager plusieurs raisons théoriques et pragmatiques.

Tout d'abord, utiliser la fiction et l'afficher peut être justifié par au moins quatre arguments.

Premièrement, elle proposerait des mécanismes narratifs calqués sur les mécanismes cognitifs (Bruner, 1991, 2002) et permettrait d'apporter une caution scientifique en matière d'apprentissage – en termes anthropologique, biologique et psychologique (Schaeffer, 1999). Pour Schaeffer, l'attitude fictionnelle permet de s'immerger dans des situations et d'en dégager des connaissances nouvelles par une activité de modélisation mimétique prenant pour objet des actes du langage, des évènements, perceptions ou encore des comportements. On retrouve cette idée chez Genvo (2009), où le fait même de jouer, au sens large, "implique une immersion fictionnelle adoptée volontairement qui procède à un exercice du possible" (p. 115). Deuxièmement, la fiction permettrait comme le jeu d'expérimenter un univers clos sur lui-même, donc sécurisant, préservant le droit à l'erreur : "Devant leur ordinateur, nos “apprenants” sont vraiment acteurs et n'ont pas peur du regard des autres" explique Hervé Vialle 13 ; "contrairement à ce qui se passe face à un vrai client l'erreur est sans risque, et on peut recommencer après l'erreur" rapporte autrement Charles-Pierre Serain 14. L'erreur est alors considérée comme une "étape incontournable du processus d'élaboration de sens" et signe de l'"affrontement d'une pensée aux prises avec la résolution d'un problème" (Lavergne Boudier et Dambach, p160). Un autre argument cette fois en faveur du commanditaire serait d'afficher la fiction pour se prémunir de désaccords ou critiques en provenance des syndicats ou des collaborateurs concernés par le jeu. Son rôle serait alors comme le dit Schaeffer (2008) de

"faire accepter ce qui ne serait pas toléré sous les traits du factuel", car contrairement au monde réel, les mondes de fiction en tant que mondes imaginés "ne sont pas sujets à vérification ni correction" (Niney, 2009, p. 68). Enfin, la scénarisation liée à fiction peut être revendiquée pour sa capacité à conjuguer en un temps restreint et quelques personnages seulement une multitude de situation et caractéristiques.

En second lieu, l'utilisation de la fiction se fait parfois sans être déclarée ou sans même que les concepteurs ne la questionne. Cela peut s'expliquer par une intention de légitimer le jeu, son scénario et ses messages en les déclarant "authentiques". On peut voir alors apposer,

13 Directeur de la Renault Academy, en charge des formations techniques et commerciales du groupe. Citation extraite à partir de Delon (2012).

14 Responsable de l'innovation au sein de la direction de la Stratégie Banque de détail de la Société Générale. Citation extraite à partir de Tranchart (2010).

comme pour les films ou romans, une mention du type "inspiré d'une histoire vraie". Le projet Ace Manager 15 de BNP Paribas en est un exemple avec l'accroche de son prospectus (2009) : "1er jeu d'aventure professionnel inspiré de faits réels". Enfin, quand bien même l'intention à la production serait de s'écarter de la fiction, nous constaterons que l'attente spectatorielle vise majoritairement le canal dominant de la fiction : Odin (2000a, 2000b) le remarqua pour le film et Raessens (2006) soulignera cette même hégémonie pour le jeu vidéo.

b. Contreproposition

Aux justifications qui précèdent peuvent être opposées quelques objections ou nuances. Si celles-ci n'entameront pas la légitimité de la fiction, elles feront valoir des arguments au moins équivalents pour la démarche documentaire. Pour commencer, si comme nous l'avons vu les mécanismes narratifs sont primordiaux d'un point de vue cognitif, il faut alors relever qu'ils ne sont pas soustraits hors de la fiction : "les films documentaires ne sont pas des films sans narration", souligne Odin en préface de l'ouvrage de Guynn (2001, p. 10). S'ils ont tendance à se démarquer d'une structure séquentielle propre au film de fiction classique, ils ne coupent pas à une "ordonnance narrative à un niveau ou à un autre du texte" (Guynn, 2001, p. 74). En d'autres termes, "La narration n'est jamais absente des films documentaires, même si sa présence est plus ou moins marquée" (idem, p. 133). Si une différence est à noter ici, c'est plutôt la subordination de la narration au discours et à l'argumentation, alors qu'elle prévaut dans la fiction (Nichols, 1991 ; Lioult, 2006). D'un point de vue cognitif cette fois, le revers de la fiction est de provoquer des erreurs épistémiques, car demandant en permanence de séparer les informations fictionnelles des informations historiques avant de les intégrer comme données sur le monde réel (Schaeffer, 2008). Une autre conséquence collatérale de cette distinction est d'ailleurs d'allonger le temps permettant d'intégrer ces données : en outre, plus on acquerrait des informations dans la fiction, plus le temps de validation augmenterait (idem). Avantage donc au documentaire et sa chaine causale moins épaisse : ce qui est donné à voir par le flux image est communément considéré comme "causé" par les évènements qu'il représente, contrairement à la fiction qui ajoute à la chaine le jeu d'acteur et la mise en scène.

Concernant ensuite la notion d'espace clos, les contraintes ludiques esquissées plus haut (cf. 1.2.1.2) nous font dire que jouer au travail et particulièrement à son poste limite toute réclusion et demande au contraire de composer avec les aléas professionnels et ses survenues dans l'espace ludique (appel téléphonique, alertes email, rendez-vous impromptu, etc.). Nous sommes loin semble-t-il d'un environnement "artificiel, sur, hors de la vie ordinaire" comme l'envisage Salen et Zimmerman pour le jeu vidéo classique (Alvarez, 2007) et nous y voyons au contraire une possible "supervision" de l'activité.

Alvarez précisait à ce titre trois fonctions utilitaires, dont la dernière est éloquente : le serious game permet de diffuser un message, dispenser un entrainement (physique ou cérébral), mais aussi de "récolter des données" 16. Mais alors, que devient le droit à l'erreur dans le cas où les faux peuvent être comptabilisés et utilisés comme critère d'évaluation ou de jugement ? Bourgeois et Buchs (2011) soulignent les impacts délétères d'une politique managériale qui s'immiscerait dans l'espace-temps de la formation, et nous invitent plutôt à identifier des conditions plus favorables pour l'apprentissage. En fait, si la fiction tourne en vase clos, la coupure s'applique surtout aux personnages ou aux situations qui ne renvoient

Alvarez précisait à ce titre trois fonctions utilitaires, dont la dernière est éloquente : le serious game permet de diffuser un message, dispenser un entrainement (physique ou cérébral), mais aussi de "récolter des données" 16. Mais alors, que devient le droit à l'erreur dans le cas où les faux peuvent être comptabilisés et utilisés comme critère d'évaluation ou de jugement ? Bourgeois et Buchs (2011) soulignent les impacts délétères d'une politique managériale qui s'immiscerait dans l'espace-temps de la formation, et nous invitent plutôt à identifier des conditions plus favorables pour l'apprentissage. En fait, si la fiction tourne en vase clos, la coupure s'applique surtout aux personnages ou aux situations qui ne renvoient