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Le stress oxydatif en médecine interne

o La polyarthrite rhumatoïde

La polyarthrite rhumatoïde est la plus fréquente des diverses formes de rhumatismes inflammatoires chroniques regroupées sous l’appellation « arthrites chroniques ». Elle fait partie de ce que l’on appelle les maladies auto-immunes, maladies où l’immunité agresse le propre corps de la personne atteinte. C’est aussi une maladie de système n’atteignant pas toujours uniquement les articulations, mais aussi parfois d’autres zones du corps.

Elle entraîne une inflammation de plusieurs articulations à la fois, qui gonflent, deviennent douloureuses et sont limitées dans leur amplitude de mouvement. Sans traitement, ces articulations ont tendance se déformer progressivement au fil du temps. La polyarthrite rhumatoïde touche le plus souvent les mains, les poignets, les genoux et les petites articulations des pieds. Avec le temps, et parfois dès le début de la maladie, les épaules, les coudes, la nuque, les mâchoires, les hanches et les chevilles peuvent également être touchés.

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est caractérisée par une atteinte articulaire bilatérale et symétrique, évoluant vers la destruction des articulations atteintes.

De nombreux arguments sont en faveur de l'implication des ERO dans l’entretien de l’inflammation chronique observée dans cette pathologie [334] .Dans le liquide synovial de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, les polynucléaires constituent plus de 90% des cellules retrouvées. Ces cellules sont capables de produire des quantités importantes d'anions O2- après stimulation par les cytokines proinflammatoires produites en quantité importante par les monocytes, macrophages et les synoviocytes. Après activation, ces cellules libèrent l’anion O2- produit par la NAD(P)H oxydase parallèlement à leur dégranulation[335][336]. D’autres molécules telles que les complexes immuns, les agrégats d'immunoglobulines, certaines fractions du complément, des cristaux sont aussi capables d'activer les polynucléaires. L’implication des RL dans la physiopathologie de la maladie s'explique également par les modifications moléculaires induites. Les conséquences en sont une dégradation de la matrice extracellulaire du cartilage et une altération des immunoglobulines à l'origine de la formation de complexes immuns dans le liquide articulaire[337]. L’acide hyaluronique est la principale macromolécule retrouvée dans le liquide synovial. De par sa masse moléculaire importante (de l'ordre de 7.106 Da), il a pour rôle d'assurer la viscosité du liquide articulaire. C'est, de plus, un important constituant des agrégats de protéoglycannes du cartilage. Lors de la polyarthrite rhumatoïde, il est observé une diminution de la viscosité du liquide synovial. La dégradation de l'acide hyaluronique peut se faire selon deux voies : l’une implique des enzymes spécifiques, les hyaluronidases, l'autre des espèces chimiques hautement réactives telles les espèces radicalaires. Cette deuxième voie semble être la plus probable[338]. L'implication des RL dans la dégradation de l'acide hyaluronique a été largement démontrée [339]. Au final, les produits

Ainsi la partie protéique des protéoglycannes du cartilage peut être dégradée par l'action de l’anion O2- ou de radicaux OH-. De même le collagène est altéré par les RL.

Les espèces radicalaire oxygénées sont capables de modifier les liaisons intra et inter moléculaires des immunoglobulines [340]. Ces immunoglobulines modifiées sont alors capables de se lier aux facteurs rhumatoïdes, de se fixer à la fraction C1q du complément et d'activer cette voie.

Au niveau du sang périphérique, il a été rapporté une hyperproduction d’espèces radicalaires oxygénées par les polynucléaires et les monocytes

Les corticostéroïdes ont un effet puissant sur les polynucléaires in vitro, l'hydrocortisone et la méthylprednisolone bloquent la synthèse des enzymes lysosomiales ainsi que la production d'anions O2- par la NAD(P)H oxydase .

La méthotrexate à faible dose diminue la production d’anions O2- des polynucléaires circulants prélevés chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde [344]. Toutefois le mécanisme d'action n'est pas connu.

L'action des anti-inflammatoires non stéroïdiens sur la production d'anions O2- est variable selon les molécules utilisées, les doses et les conditions d’administration [345]. Abramson et al(1984) ont montré que l'ibuprofène et l’indométacine n'ont pas d'effet sur la production d'anions O2-[346]. Le piroxicam diminue modérément la production d'anions O2- par le polynucléaires du liquide synovial 24 heures après son administration [347].

Les agents mimétiques de la SOD tel que l’orgotéine (Cu/Zn-SOD bovine) a été utilisée dans des essais cliniques préliminaires chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde [348].

Elle atténue la production de RL dans le liquide synovial de ces patients. L’injection intraarticulaire de la préparation a permis de diminuer l'index d'activité de la maladie mais aussi la concentration en facteurs rhumatoïdes [349][350].

o Le lupus érythémateux disséminé

Bien que l'on pense que l'étiologie du LES est multifactorielle, y compris le dysfonctionnement immunitaire, génétique, hormonal et environnemental, les mécanismes moléculaires à l’origine de cette réponse auto-immune systémique reste largement inconnue.

Une question clé dans la pathogenèse du lupus est de savoir comment les antigènes intracellulaires deviennent exposés et ciblés par le système immunitaire. À cet égard, la production excessive d’ERO et l’altération de l'état redox responsables d’activation anormale de l'apoptose, sont considérés comme des facteurs impliqués dans la production et l'expansion des anticorps et diverses caractéristiques cliniques dans le LES[351]. Plusieurs études ont montré le rôle des ERO dans la dérégulation de l’apoptose et la clairance des corps apoptotiques. Le retard d’élimination des cellules apoptotiques peuvent prolonger l'interaction entre les ERO et les débris nucléaires et générer des néo-épitopes qui stimulent ensuite la formation d'auto-anticorps conduisant à une inflammation et des lésions aux organes dans le LES[352][353][354].

Des études génétiques sur des modèles humains et animaux impliquent le rôle du SO dans la pathogenèse du LES. De nombreux polymorphismes des gènes codant pour la SOD, CAT, GPx et NADPH oxydase ont été identifiés en association avec le risque de LES[355].

également une augmentation des niveaux de 8-iso-PGF2α dans l'urine des patients atteints de LES. De nombreuses études indépendantes montrent des niveaux élevés de MDA, F2-Isoprostane, NO et des niveaux réduits de GSH chez les patients atteints de néphrite lupique[357].

Les biomarqueurs du SO jouent donc un rôle important pour évaluer la progression de la maladie et concevoir des interventions appropriées pour prévenir ou atténuer les conséquences de cette dernière [358]. Divers chercheurs (Perl A, Mohan IK)[359][360] suggèrent que la restauration de l'équilibre redox en utilisant des agents antioxydants (NAC) ou par l'apport d'éléments nutritifs antioxydants, les vitamines A, C et E, le carotène, le lycopène, peut atténuer le SO dans le LES. Parmi tous les traitements antioxydants pour rétablir l'équilibre redox, le NAC a montré un traitement alternatif prometteur chez les patients atteints de LES. Le traitement par la NAC réduit la formation d'auto-anticorps, réduit la néphrite et prolonge la survie [361]. L'administration de la NAC s'est révélée bénéfique chez les patients atteints de LES léger en termes de diminution de la peroxydation lipidique et d’amélioration de la fonction endothéliale [361]. De plus, il a été démontré que le traitement par la NAC contrôle la fonction des lymphocytes T[361].

Les interventions thérapeutiques qui rétablissent l'équilibre redox ou diminuent l'exposition aux ERO et/ou augmentent les défenses antioxydantes [362] pourrait être une thérapie adjuvante bénéfique dans le traitement des dommages oxydatifs dans le LES et ouvrir une nouvelle porte pour la gestion de

o La thyroïdite d’Hashimoto

La thyroïde autoimmune se caractérise par une infiltration

lymphoplasmocytaire de la glande thyroïdienne, des auto-anticorps

antithyroïdiens dirigés notamment contre l’auto antigène majeur de la thyroglobuline. L’étiologie de la maladie est encore mal connue mais on pense qu’elle nécessite une conjonction de facteurs favorables, endogènes et exogènes : prédisposition génétique, infections virales, iode, radicaux libres …[365][366]

L’implication des radicaux libres dans thyroïdite autoimmune a été envisagée grâce à l’inclusion de lipofuscine dans les thyréocytes et les macrophages au microscope électronique. Or la présence de lipofuscine est le résultat d’un phénomène de peroxydation lipidique et d’une production radicalaire excessive [367]. De plus, le rôle des radicaux libres dans la maladie de Hashimoto a été appuyé lors d’expérimentations sur le poulet : un traitement par des antioxydants [368] diminue de façon significative la sévérité de la thyroïdite autoimmune chez l’animal (infiltration et auto anticorps antithyroglobulines) [369], lorsqu’il est administré avant le début de la maladie. La formation de radicaux libres semble donc impliquée donc les étapes pathogéniques précoces chez le poulet.

La migration de leucocytes et leur sensibilisation aux antigènes thyroïdiens s’opérerait dans ces sites lésionnels, et initierait la réaction autoimmune sur un terrain susceptible [371].

L’iode, molécule très présente dans cette glande, en interagissant avec des intermédiaires réactifs oxygénés, produirait des formes oxydées hautement réactives : l’iode serait converti en acide hypoiodeux, puissant agent cytolytique, de la même façon que l’acide hypochloreux) partir du chlore, en présence de peroxyde d’hydrogène et de myéloperoxydase [373]. De plus, en présence de H2O2 et de peroxydase, l’iode provoque l’iodation des protéines membranaires créant ainsi des intermédiaires oxygénés réactifs qui augmentent la cytotoxicité de l’iode.

Les cellules phagocytaires présentes dans la glande, participeraient à ces mécanismes cytotoxiques par leur production endogène de composés radicalaires [374][375]. La thyroïde a pour fonction spécifique de synthétiser et de sécréter les hormones thyroïdiennes et notamment la thyroglobuline, glycoprotéine iodée. Cette hormone subit une iodation qui, quand l’apport d’iode est important, pourrait conduire à la formation de radicaux I- et TYR-.

Ainsi, il semblerait que la thyroïde soit particulièrement sensible à cette agression radicalaire médiée par l’iode, ceci par une anomalie intrinsèque ou une sensibilisation métabolique à l’iode [376]. L’autoimmunité serait engendrée suite à cette attaque radicalaire et sur un terrain déjà favorable [377]

VI. Perspectives

d’avenir

Il est actuellement possible d'envisager une nouvelle classe thérapeutique, celle des médicaments antiradicalaires ou antioxydants. L'ensemble des molécules susceptibles d'inhiber directement la production, de limiter la propagation ou de détruire les espèces actives de l'oxygène, peuvent être regroupées sous cette "classe"[378].

En fonction de leur mode d‘action nous pouvons les rassembler en sous classes : ils peuvent agir en réduisant ou dismutant les radicaux libres, en les piégeant pour former un composé stable, en séquestrant le fer libre, en générant du glutathion.

Par contre, il convient de trouver une limite raisonnable à cette famille thérapeutique, car tout médicament agissant en inhibant l‘agrégation plaquettaire, en diminuant l'inflammation, le nombre de polynucléaires, en modifiant l'oxygénation...va indirectement diminuer la production la radicaux oxygénés.