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279 ZU correspondent bien à des actions de rainurage telles qu'elles étaient envisagées par les différents archéologues qui ont relié les gravoirs aux nombreux sillons caractéristiques de l'art rupestre du sud de l'Ile de France. Pour cela les Mésolithiques ont

utilisé des zones saillantes comme des trièdres, des talons ou des bords très convexes selon un geste de va-et-vient. L'émoussé est régulier, prenant une apparence polie comparable à ce qu'on peut observer sur les haches polies par exemple. Les ébréchures sont rares ou alors atténuées par l'émoussé, ce qui indique le travail d'un grès tendre. L'émoussé du fil et les zones saillantes des faces inférieures et supérieures sont rayées par de très nombreuses stries visibles bien souvent à l'œil nu (Figure 7 – A à C). Les traces d'utilisation se développent d'une manière continue : au départ, le tranchant semble s'émousser rapidement et les abrasions s'étendent sur les faces au fur et à mesure du creusement de la rainure jusqu'à faire disparaître les nervures des négatifs. En mesurant le degré d'envahissement de l'émoussé sur les faces, il est possible d'en déduire la profondeur de la rainure tandis qu'en mesurant l'épaisseur maximale de la pièce au niveau du secteur utilisé, on peut retrouver sa largeur. Pour chaque zone usée, on peut donc faire une estimation de la largeur et de la profondeur de la rainure gravée.

Les mesures réalisées sur les 230 ZU suffisamment lisibles pour éviter les imprécisions montrent un étalement assez important des rainures réalisées. Tandis qu'une bonne part des zones actives semblent avoir réalisées des incisions millimétriques tant en

   

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Axe 1 : évolution des environnements tardiglaciaires et holocènes Axe 2 : chronologie des successions culturelles au Tardiglaciaire

Axe 3 : palethnographie des sociétés du Tardiglaciaire

Axe 4 : chronologie des successions culturelles au début de l’Holocène Axe 5 : palethnographie des sociétés du début de l’Holocène  

largeur qu'en profondeur, d'autres ont servi à graver profondément le grès et ont permis de le creuser jusqu'à 24 mm de profondeur. Il semble de plus que nous soyons plus face à un continuum que face à des types de rainures bien distincts. Ces différences de gabarit se retrouvent aussi sur les parois et indiquent à n'en pas douter des intentions assez différentes selon les gravoirs. Une tendance commune se dessine toutefois : les sillons gravés sont le plus souvent aussi larges que profonds ou plus profonds que larges. Les cas où la largeur est plus importante que la profondeur sont minoritaires. Une fois que l’ensemble des gravoirs sera étudié en 2016, une représentation graphique sera réalisée afin de visualiser la variabilité et la fréquence des types de rainures gravées.

Aucune prise de mesure n'a encore été effectuée directement sur les parois pour croiser finement les dimensions des rainures avec celles réalisées avec les gravoirs. Mais en se basant sur notre connaissance actuelle des abris gravés, les résultats obtenus par la tracéologie semblent cohérents avec ce qui est relevé et décrit par J. Hinout à l'époque et par les chercheurs du GERSAR désormais (Bénard 2014). Les gravoirs ont donc tout à fait pu être utilisés pour réaliser les nombreux sillons et grilles typiques de l'Art de Fontainebleau.

De surprenantes actions de raclage

À notre surprise, 95 zones utilisées ont livré des traces fonctionnelles liées à un autre type de geste que le rainurage sur les trois sites étudiés. Si les stigmates ont la même apparence que pour les actions décrites précédemment, indiquant également un travail du grès tendre, leur organisation montre un autre type de geste. L'orientation transversale des stries et la dissymétrie de l'émoussé, développé uniquement sur une face (Figure 7 – D à F), correspondent sans ambigüité à une utilisation des outils en raclage, en coupe négative avec un angle en dépouille important. Étant donné l'angle de travail, il s'agit vraisemblablement d'un travail de régularisation de surface. Ce procédé technique a été très tôt proposé par G. Courty qui signalait que « le Préhistorique avait coutume

d’enlever, au moyen de brunissoirs, les aspérités des surfaces rocheuses avant de les graver » (Courty 1913). Cette proposition a

toutefois été un peu oubliée et les exemples bien documentés de cette pratique sont très rares. Le seul cas récent qui pourrait illustrer ce type de procédé est la dalle de Larchant "Les Pentes du Marchais" où le grès semble avoir été poncé entre plusieurs phases de gravures de signes cruciformes (Bénard et Valois 2013). Pour les outils émoussés étudiés, l'hypothèse la plus probable est celle d'un aménagement des panneaux vierges avant gravure ou bien l'effacement d'une première

   

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génération de signes avant la réalisation de nouveaux sillons.

Cette éventualité nécessite désormais d'être vérifiée sur le terrain. Le grès enregistre très mal les stigmates de raclage et on pourra donc difficilement observer ces traces sur les

parois. Toutefois, il devrait être possible de repérer des différences de textures et de régularité entre les zones gravées et non gravées sur les abris les mieux conservés comme l’avait fait G. Courty, ou bien repérer des sillons estompés recouverts par d'autres plus "frais".

 

Figure 7 - Exemples de traces d’utilisation observées sur les outils émoussés. A : Emoussé lié à une action de rainurage qui abrase les enlèvements de retouche d’une pointe à base naturelle (GP52). B et C : Emoussés du bord et stries couvrantes affectant les faces et indiquant le tracé par rainurage d’un profond sillon (denticulés GP1 et GP103). D, E et F : Emoussés intenses mais limités au fil, d’organisation transversale, correspondant à un raclage de grès tendre en coupe négative (GP183 et Chat. 660).

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En conclusion : premiers résultats