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Réalisation d’empreintes et de répliques de haute résolution

2. Résultats et interprétations

2.1 Considérations taphonomiques L’observation de la surface occlusale de

6 molaires inférieures indique que ces dernières présentent une bonne conservation qui permet l’analyse de la

micro-usure dentaire. Le degré de conservation des bandes d’émail n’est toutefois pas homogène. Certaines zones présentent une mauvaise conservation due à des phénomènes post-dépositionnels tels que micro-fissuration de la surface ou dissolution de l’émail probablement par l’action de racines.

Malgré la présence de ces altérations post-dépositionnelles sur quelques zones limitées, la majeure partie de la surface présente une excellente conservation pour réaliser une analyse quantitative de la micro-usure dentaire.

2.2 Caractérisation du régime alimentaire des rennes de Verberie et comparaison avec d’autres rennes du Pléistocène supérieur et moyen

Pour chaque molaire, la micro-usure a été observée et quantifiée dans deux surfaces de 0,16 mm2 (surface standard dans les analyses de micro-usure). Les données moyennes de ces deux surfaces et la moyenne des résultats pour les six molaires sont présentées dans le tableau 1.

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Axe 2 : chronologie des successions culturelles au Tardiglaciaire

Axe 3 : palethnographie des sociétés du Tardiglaciaire

Axe 4 : chronologie des successions culturelles au début de l’Holocène Axe 5 : palethnographie des sociétés du début de l’Holocène

fouille

Pièce

Individu NP

NS

LP

G

SWS

XS

M5.520 M2 inf. D 23

15

27.5

0

0

1

1

K2.238 M2 inf. G 42

14

26

0

0

1

1

M5.267 M2 inf. G 49

19.5

21

0

0

1

1

M6.445 M2 inf. G 50

17.5

20.5

0

0

1

1

L4.136 M2 inf. G 40

13.5

20

0

1

1

1

O5.106 M2 inf. G 48

11.5

21.5

0

0

1

1

Moyenne

15.2

22.8

0%

16.7% 1

100%

Tableau 1 - Résultats de la micro-usure sur les molaires inférieures. Abréviations : NP = Nombre de ponctuations ; NS = Nombre de rayures ; LP = présence (1) / absence (0) de grandes ponctuations ; SWS = largeur des rayures : fines (0), mixtes (1), larges (2) ; XS = présence (1) / absence (0) de rayures croisées ; G = présence (1) / absence (0) de ponctuations à bords crénelés. Pour LP, G et XS, la valeur moyenne correspond au pourcentage d’individus présentant le type de microtrace considéré.

Les molaires de renne de Verberie présentent un nombre moyen de micro- traces de 15,2 ponctuations et 22,8 rayures par surface analysée de 0,16 mm2, c’est-à-

dire des densités de 95 ponctuations et 142 rayures par mm2. La densité de rayures est le paramètre le plus significatif pour caractériser l’alimentation et ses variations interindividuelles. Une simple observation du nombre de rayures montre deux groupes. Quatre individus présentent des nombres compris entre 20 et 21 rayures (individus #40, 48, 49, et 50) et les deux autres des nombres plus élevés de 26 et 27,5 (individus #23 et 42). Cette bimodalité dans le nombre de rayures est généralement associée à des variations saisonnières de

l’alimentation, c’est-à-dire à des individus morts à deux saisons différentes. A Verberie il n'y a qu'une saison d'occupation en automne (Audouze, 2007). Cette bimodalité pourrait s’expliquer par la présence d’individus provenant de deux populations ayant eu accès à différents végétaux dans les derniers jours avant leur mort. Toutefois, un échantillon de plus grande taille sera nécessaire pour vérifier cette hypothèse.

La représentation graphique du nombre moyen de rayures et de ponctuations (Fig. 1) montre que le renne de Verberie se place à l’intérieur de l’ellipse de confiance à 95% des paisseurs actuels. Ceci indique une

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alimentation composée en grande partie de végétation abrasive, comme les graminées. Toutefois, il a été mis en évidence que l’alimentation des rennes (fossiles et actuels) produit un type de micro-usure difficilement comparable aux ongulés actuels employés par Solounias et Semprebon (2002) pour construire le référentiel largement utilisé dans les études de micro-usure. Afin d’améliorer ce référentiel, des rennes actuels du Canada ont été échantillonnés et analysés (Rivals et Semprebon, données inédites).

Le renne de Verberie montre un patron de micro-usure similaire aux rennes actuels

de l’ile de Cornwallis (Fig. 1), c’est-à-dire un type de micro-usure avec un faible nombre de ponctuations et un nombre élevé de rayures. A notre connaissance il n’existe aucune donnée sur l’alimentation des rennes de Cornwallis Island (archipel arctique du Canada), mais la végétation de l’île est largement dominée par les herbacées (Jenkins et al., 2011). Le nombre élevé de rayures sur l’émail des rennes de Cornwallis, mais aussi de ceux de Verberie, peut donc s’expliquer par la consommation de plantes herbacées, certainement des graminées.

Figure 1 - Diagramme bivarié des nombres moyens de ponctuations et de rayures sur les molaires de renne de Verberie (V) en comparaison avec les bouteurs actuels (B = ellipse de confiance à 95%) et les paisseurs actuels (P = ellipse de confiance à 95%), et comparaison avec des populations actuelles de caribou d’Amérique du Nord. Données issues de Rivals et al. (2008, 2009) et données inédites.

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Figure 2 - Diagramme bivarié des nombres moyens de ponctuations et de rayures sur les molaires de renne de Verberie (V) en comparaison avec les bouteurs actuels (B = ellipse de confiance à 95%) et les paisseurs actuels (P = ellipse de confiance à 95%), et comparaison avec d’autres rennes du Pléistocène moyen et supérieur d’Europe. Données issues de Rivals et al. (2008, 2009) et données inédites.

La comparaison de l’échantillon de Verberie avec d’autres rennes fossiles d’Europe occidentale (Fig. 2) montre une similitude avec les populations de la Caune de l’Arago (Pyrénées-Orientales) ou du Portel-Ouest (Ariège). Ces trois échantillons se caractérisent par un nombre élevé de rayures et se placent dans l’ellipse de confiance des paisseurs actuels.

La proportion de rayures par rapport aux ponctuations chez les rennes actuels (Scratch/Pit ratio) permet de différencier ceux dont l’alimentation contient une

grande quantité de lichens (S/P < 0,5) de ceux qui n’en consomment que très peu (S/P > 0,5). Dans le cas du renne de Verberie, le rapport S/P = 1,5 (Fig. 3). Ce dernier est largement supérieur aux rennes actuels de référence et ce rapport suggère une consommation négligeable (voire nulle) de lichens. La comparaison avec d’autres rennes fossiles d’Europe occidentale (Fig. 3) montre une similitude du rapport S/P avec les populations de la Caune de l’Arago (Pyrénées-Orientales) ou celle de Meiendorf (nord de l’Allemagne).

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Figure 3 - Rapport du nombre de rayures et de ponctuations (S/P ratio) de l’échantillon de renne de Verberie en comparaison avec des populations de rennes actuels et fossiles.

Dans le cas du renne de Verberie, ces résultats suggèrent une consommation de lichens relativement faible, qui peut être liée soit à une préférence pour d’autres végétaux, soit à l’absence (ou faible disponibilité) de lichens pour ces populations. La variabilité du patron de micro-usure, et en particulier la bimodalité

du nombre de rayures, suggère une différence d’alimentation entre deux groupes d’individus. L’échantillonnage d’un plus grand nombre d’individus permettra d’analyser cette différence et de tester l’hypothèse d’une origine différente de ces deux groupes.

Références bibliographiques

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