• Aucun résultat trouvé

1.5 Organisation du manuscrit

2.1.4 Outils de notation, et de documentation de la danse

La danse a été qualifiée d’éphémère depuis fort longtemps. Elle est perçue comme une métaphore de la vie, en constante transformation et mutation

d’une forme à une autre ne laissant après le spectacle aucune trace tangible. C’est là-même que réside sa beauté fragile mais aussi une des probléma-tiques qui a beaucoup occupé les théoriciens de la danse : quels sont les moyens de la transmettre cet art aux générations futures ?

Ainsi, la notation, ou documentation de la danse pose plusieurs questions : « Quels modèles doit-on adopter afin de codifier (de façon universelle) le geste dansé ? ». « A quel niveau de détail faut-il se placer pour décrire la danse : le geste, le phrasé, la séquence ou la pièce entière ? ». Au-delà de la vidéo, « Comment capter des caractéristiques gestuelles qui en font l’es-sence, telles que les qualités de mouvement par exemple ? » Enfin, « com-ment traiter en temps réel la quantité d’information phénoménale contenue dans le geste dansé, due à sa grande complexité et parfois même sa multi-modalité ? ».

Cette problématique de codification du geste dansé est encore d’actualité, et aucun consensus méthodologique n’a encore été apporté. DeLahunta (2002) en propose une réflexion approfondie en particulier sur l’utilisation de solutions logicielles pour traiter ce problème.

a) Les logiciels d’assistance à la chorégraphie

La codification du geste est utile pour assister la chorégraphie en géné-rant des matériaux, en documentant ou en notant le processus de création d’un chorégraphe pendant les répétitions. Le premier exemple de logiciel d’assistance à la chorégraphie connu est Life Forms. Il a été conçu par Te-cla Schiphorst et ses collègues pour alimenter le travail chorégraphique de Merce Cunningham majoritairement basé sur des enchainements de pos-tures fixes (Schiphorst et Cunningham, 1997). Life Forms, illustré dans la figure13 2.4, anime un squelette en 3D et génère des postures et leurs en-chainements que Cunningham demande à ses danseurs de reproduire. Ceci dit, peu d’autres logiciels d’assistance à la chorégraphie ont vu le jour. Cela peut être dû à la très grande variabilité des supports et des méthodes d’écri-ture du mouvement des chorégraphes contemporains, qui sont très sou-vent idiosyncratiques et personnelles.

Plus récemment, le projet Transmedia Knowledge Base for contemporary dance project(TKB)14 a développé un outil d’annotation de vidéos multi-modal pour la danse contemporaine (Cabral et al., 2011) que nous illustrons dans la figure 2.5 (l’image est extraite du site Internet du projet). Cet outil a été conçu avec et à destination du chorégraphe Rui Horta, pour l’assister pen-dant son processus d’écriture. Cepenpen-dant, cet outil a aussi été utilisé par le 13. l’image est extraite du site Internet accédé le 28/10/2012 : www.charactermotion.com 14. Le site du projet TKB, accédé le 28/10/2012 : http://www.clunl.edu.pt/en/ projecto.asp?id=1556&mid=194&mii=

FIGURE2.4 – Life Forms : Outil de générations de postures

FIGURE2.5 – Outil d’annotation vidéo multi-modale pour la danse issu du projet TKB

FIGURE2.6 – Démonstrations vidéos issue du CD-ROM Improvisation Tech-nologiesde William Forsythe et Christian Ziegler

b) La documentation de la danse

Nous citons ici des projets qui se situent sur différentes échelles de docu-mentation de séquences dansées, de gestes issus du vocabulaire spécifique d’un chorégraphe ou d’une pièce de danse entière. Ils ont été diffusés par des CD-ROM, DVD, sites Internet, logiciels, interfaces ou installations. Par exemple, Christian Ziegler a conçu le CD-ROM Improvisation Technolo-gies15dont l’objectif est de présenter de façon pédagogique les principes es-sentiels des techniques d’improvisation du chorégraphe William Forsythe. Le CD-ROM fournit, comme l’illustre la figure 2.6 (l’image est extraite du site Internet de William Forsythe), des images et des vidéos démonstratives augmentées graphiquement avec des éléments géométriques à l’échelle du mouvement.

Du même chorégraphe, la pièce One Flat Thing Reproduced, a été étudiée 15. Le site Internet de William Forsythe, accédé le 28/10/2012 : http://www. movingimages.de/index.php?type=arts&txt_id=10&lng=eng

FIGURE2.7 – Une des notations de la pièce de William Forsythe One Flat Thing Reproducedissue du projet Synchronious Objects

par Palazzi et Shaw (2009). Ils ont développé le site internet Synchrounious Object16qui augmente des vidéos du spectacle avec des visualisations d’in-dices (ang. cues) des structures chorégraphiques de la pièce, comme illustré dans la figure 2.7.

Une approche plus générale de documentation du geste dansé a été adop-tée par le chorégraphe Blumentha Bud dans le site internet D.A.N.C.E.R.S17. Ce site regroupe une base de données de phrases chorégraphiques impro-visées courtes, exécutées par plusieurs chorégraphes. Tardieu et al. (2010) y ont développé un outil de navigation doté d’un classifieur automatique qui regroupe les performances en clusters suivant certains critères issus de l’analyse par descripteurs gestuels

Le projet (TKB), que l’on cite dans le paragraphe précédent, s’est attelé à documenter de façon microscopique quelques œuvres du chorégraphe Rui Horta à partir de méthodes et logiciels utilisés en linguistique (Fernandes et Costa, 2010) et de l’outil d’annotation qu’ils ont développé. Les méthodes linguistiques sur lesquelles s’appuient leurs résultats sont les mêmes (en partie) que celles qui ont été utilisées par la compagnie de danse EG | PC afin d’élaborer un glossaire détaillé du vocabulaire chorégraphique de leur atelier DS/DM et ainsi que dans leur pièce, Extra Dry (Wijers et al., 2010).

16. Le site Internet du projet Synchronous objects accédé le 28/10/2012 : http://synchronousobjects.osu.edu/

17. Le site Internet du projet D.A.N.C.E.R.S accédé le 28/10/2012 : http://www. dancersproject.com/browse/

FIGURE2.8 – Une page du DVD-ROM capturing Intention comportant une documentation et des notations Laban ou Benesh pour un des composants de l’atelier DS/DM de la compagnie EG | PC

D’ailleurs, la compagnie EG | PC s’est intéressée à la problématique de do-cumentation de la danse depuis près de 10 ans. Elle a initié un premier projet visant à utiliser les nouveaux médias comme un moyen potentiel de documenter et noter la danse (DeLahunta, 2007, Bermudez, 2009). Il en a résulté l’ouvrage et le DVD-ROM Capturing intention, dont une des pages est illustrée figure 2.8. Le DVD-ROM fournit pour chaque geste du vocabu-laire étudié, des descriptions linguistiques, des notations Laban et Benesh, et des extraits vidéos démonstratifs.

Par la suite, la compagnie a poursuivi avec un deuxième projet appelé In-side Movement Knowledge18 auquel nous avons contribué. Des disciplines (avec leurs outils spécifiques), telles que la linguistique, les notations de la danse (Laban et Benesh), la captation du mouvement et les synthèses so-nore et graphique ont été impliquées dans ce projet afin d’étudier, de noter et d’élaborer des interactions gestuelles à partir du vocabulaire de DS/DM. Par exemple, le projet a produit un glossaire complet et détaillé décrivant qualitativement le vocabulaire étudié. Il a aussi développé une installation interactive appelée DS/DM qui adresse la problématique de l’utilisation des technologies et de l’interaction pour transmettre l’atelier de la compagnie aux générations futures. Nous avons contribué à la conception et au déve-18. Le site Internet de laa compagnie EG|PC accédé le 28/10/2012 : http://www. ickamsterdam.com/

loppement de cette installation interactive et pédagogique DS/DM en nous basant principalement sur le glossaire élaboré, mais aussi sur les connais-sances collectées dans les autres disciplines notamment, la notation Laban du vocabulaire gestuel.

Cette installation interactive, décrite dans la section 3.5 de ce manuscrit, fera l’objet de plusieurs parties théoriques et expérimentales qui y figurent. Dans cette installation, nous nous sommes intéressée à la notion de quali-tés de mouvement issue de la danse. L’objectif était d’étudier les qualiquali-tés de mouvement afin de proposer une interaction qui offre à l’utilisateur de plus amples possibilités corporelles d’expression à des fins pédagogiques. Cet objectif a ensuite été élargi à d’autres contextes d’interactions gestuelles et a ouvert une nouvelle perspective pour l’enrichissement des paradigmes d’interaction des futures IHM à travers l’utilisation des qualités de mouve-ment comme modalité d’interaction. Nous glissons déjà sur la troisième vague d’IHM !