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5.5 Paramétrage des modèles masses-ressorts

5.5.2 Choix de la topologie

Une topologie d’un MSS est un graphe non orienté dont les nœuds sont les masses et les arêtes sont les ressorts. Ce graphe peut être défini par exemple grâce à une matrice d’adjacente ou une fonction d’incidence qui associe à chaque arête une paire de noeuds.

Le changement de topologie affecte radicalement le comportement de l’en-semble des masses-ressorts. Donc, ce choix doit être conduit en fonction de la perception désirée du comportement rendu. Par exemple, pour simu-ler un tissu, la topologie à choisir est une structure en grille 2D. Il existe différents types de structures topologiques 2D pour réaliser cela :

• Une topologie avec des ressorts en structure de grille où les connexions lient les masses avec leurs 4 voisines directes.

• Une topologie avec des ressorts de cisaillement où les connexions sont diagonales. Cette topologie permet de limiter la déformation oblique • Une topologie avec des ressorts de flexion où les connexions sont

hori-zontales et diagonales mais sautent les masses voisines. Cette topologie permet de limiter les effets de pliage sur la simulation de tissus.

Nous avons choisi de développer pendant la thèse des topologies de MSS basées sur des structures abstraites car notre objectif principal est de pro-duire des dynamiques liées aux qualités de mouvement. Nous voulons par là nous éloigner de l’imitation exacte du corps en mouvement et explorer

des métaphores abstraites.

Nous décrivons ci-dessous deux types de topologies développées pendant la thèse. Ces topologies sont intégrées dans des dispositifs interactifs et sont évaluées dans les expérimentations décrites dans le chapitre 7, et dans l’an-nexe A.

a) Topologie bi-couche pour modèles à échelle fine

Nous avons développé, en collaboration avec la compagnie de danse EG | PC, un premier MSS à échelle fine et à topologie bi-couche (schématisée dans la figure 5.2) pour l’installation DS/DM.

Modèle fantôme

Masses et ressorts invisibles (en bleu et en traits pointillés)

Modèle de contrôle

Masses et ressorts visibles (en noir et en traits pleins)

Ressort 1

Ressort 2

Ressort 3

Ressort 4

FIGURE5.2 – La topologie du MSS avec les 4 masses visibles et les 4 masses invisibles.

Nous décrivons la structure topologique en carré permettant de contrô-ler individuellement le mouvement d’un petit nombre de masses liées à un petit nombre de ressorts. Elle est composée de quatre masses visibles connectées les unes aux autres à l’aide de quatre ressorts visibles formant un carré. De plus, elle est composée de quatre masses invisibles qui per-mettent de contrôler de façon déterministe les 4 masses visibles illustrées en figure 5.2. C’est une topologie en 2 couches : la couche visible qu’on appelle le modèle de contrôle et la couche invisible qu’on appelle le modèle fantôme. Cette topologie permet d’avoir une configuration de référence et une configuration active.

La configuration de référence correspond au moment où le modèle est ra-mené à une forme initiale carrée (typiquement lorsque le danseur qui in-teragit avec le modèle est immobile). Cette configuration symbolise la po-sition neutre ou le relâchement en danse. Pour cela nous désactivons les

forces des ressorts visibles du modèle de contrôle et activons les forces des ressorts invisibles du modèle fantôme. Ainsi, les masses visibles peuvent être ramenées à la position de référence en forme de carré.

La configuration active est ce qui permet aux quatre masses visibles du modèle de contrôle et leurs ressorts d’adapter leurs comportements au dan-seur et de générer des comportements similaires à ses qualités de mouve-ment.

Pour la conception de cette topologie en carré, nous nous sommes inspi-rée de la métaphore du miroir qui a une forte connotation historique dans l’apprentissage de la danse. Nous pensons que la comparaison entre le mi-roir et la structure en carré permet aux danseurs de mieux distinguer les qualités du mouvement et les dynamiques dont les informe le modèle. Car là où le miroir informe le danseur de sa silhouette, notre MSS l’informe explicitement de ses qualités de mouvement.

b) Topologies hiérarchiques pour modèles à échelle massive

A la suite des MSS à échelle fine, nous avons exploré des MSS à échelle mas-sive. L’objectif de ces modèles à échelle massive est de générer une dyna-mique de groupe ayant un comportement propre tout en interagissant avec le comportement gestuel du danseur. Pour contrôler des MSS massifs, nous avons développé un type de topologie qu’on qualifie de « hiérarchique ». Cela consiste à organiser les masses et les ressorts en :

• Un modèle de contrôle à petite échelle : un MSS fin, visible avec un petit nombre de masses liées à un petit nombre de ressorts.

• Un modèle fantôme à petite échelle : un MSS fin, invisible avec des masses fixes liées aux masses du modèle de contrôle. Ce modèle fantôme permet un asservissement du modèle de contrôle. Tout comme pour la topologie bi-couche, il suffit de désactiver les forces des ressorts visibles et d’ac-tiver les forces des ressorts invisibles pour ramener les masses visibles à une certaine position de référence (cf le contrôle de MSS fins, détaillé ci-dessus).

• Un modèle esclave à grande échelle : un MSS massif auxiliaire visible, avec un grand nombre de masses liées aux masses du modèle de contrôle. Ce modèle auxiliaire est un esclave faible du modèle de contrôle.

Le modèle esclave peut être contrôlé directement ou par le biais du modèle de contrôle qui peut, quant à lui, être contrôlé directement ou par le biais du modèle fantôme. Pour que le MSS ait des comportements réactifs no-tamment dans le mouvement du modèle esclave, le modèle de contrôle et le modèle fantôme doivent avoir une physique forte, à savoir des masses lourdes et des ressorts puissants, alors que le modèle esclave doit avoir des masses très légères et des ressorts moins élastiques.

Nous avons décliné ce type de topologies hiérarchiques en deux versions. La première version illustrée dans la figure 5.3, propose un modèle de contrôle en topologie carrée et un modèle fantôme calqués sur ceux pré-cédemment développés pour le modèle à échelle fine et topologie carrée. Cette version a été développée dans le cadre de la performance augmentée Chisseling Bodiesen collaboration avec Marion Cavaillé, danseuse du Bal-let National de Marseille. La deuxième version illustrée dans la figure 5.4 propose une topologie simplifiée avec un modèle fantôme comportant une seule masse fixe invisible liée par un unique ressort à une masse visible qui constitue le modèle de contrôle. Cette deuxième version a été développée pour une installation interactive appelée A Light Touch II qui a été présentée à la conférence internationale Designing Interactive Systems 2012 et exposée aux Journées Arts Sciences du festival du Printemps de la culture 2012 de l’Université Paris-Sud.

Modèle esclave à grande échelle

Modèle fantôme à petite échelle

Modèle de contrôle à petite échelle

FIGURE5.3 – Topologie hiérarchique avec modèle de contrôle en carré Plusieurs raisons motivent le choix conceptuel d’organiser les modèles mas-sifs par couches hiérarchiques.

• Cela facilite le contrôle d’un grand nombre de connexions (dues au grand nombre de masses et de ressorts). Effectivement, il suffit de contrôler les modèles à petite échelle en utilisant des stratégies développées pour le contrôle de MSS fins pour avoir des répercussions sur le modèle massif esclave.

• Par rapport à un modèle non structuré avec un grand nombre de masses (plusieurs milliers), les topologies hiérarchiques permettent d’amélio-rer la visualisation et la perception des dynamiques du mouvement des

Modèle esclave à grande échelle

Modèle fantôme à une masse

Modèle de contrôle à une masse

FIGURE5.4 – Topologie hiérarchique avec modèle de contrôle à une masse masses. Ainsi, cela garantit la lisibilité de la représentation des qualités de mouvement grâce à la clarté des dynamiques à une échelle fine. • Cela simplifie la conception de topologies à échelle massive car il est plus

simple de manipuler des paramètres individuels à petite échelle du mo-dèle de contrôle ou du momo-dèle fantôme plutôt que les paramètres d’en-semble d’une structure compacte non hiérarchisée.

• Cela permet une conception incrémentale : il est possible d’utiliser les stratégies développées pour le contrôle de MSS fins pour maîtriser le modèle de contrôle et le modèle fantôme d’un MSS massif. Le modèle esclave est suffisamment léger par rapport au modèle de contrôle pour ne pas significativement en modifier le comportement (par rapport à un modèle de contrôle seul sans modèle esclave associé).

• Cela garantit une certaine généricité : un seul modèle de contrôle peut être « paré » de plusieurs modèles esclaves et ainsi avoir des rendus vi-suels variés pour le même comportement du modèle de contrôle.