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Nous avons décrit dans ce chapitre, notre système interactif dans lequel des visuels basés sur des modèles physiques MSS sont affichés en réponse aux qualités de mouvement des participants. Ce système a été mis en œuvre avec succès dans l’installation interactive DS/DM en collaboration avec la compagnie de danse contemporaine EG|PC. Il a été d’abord testé avec quatre danseuses lors d’une première semaine de résidence au Portugal. Par la suite, nous avons mené une deuxième expérimentation avec les danseurs professionnels de la compagnie experts en DS/DM, qui avait pour but d’éva-luer leur perception de l’interaction et de la rétroaction. Enfin, la troisième expérimentation menée avait pour but d’évaluer l’installation dans un con-texte purement pédagogique. Elle a examiné l’expérience utilisateur de l’in-teraction et sa valeur pédagogique auprès d’étudiants en danse non experts en DS/DM.

Les résultats de ces tests, suggèrent que les danseurs peuvent vivre l’inter-action en s’appuyant sur des comportements visuels générés par modèles physiques. Ces comportements sont perçus comme reflétant les qualités des danseurs. Les danseurs considèrent les visuels comme un outil réflexif qui les encourage à exécuter les composants, améliore leur expérience et contribue à leur compréhension corporalisée de DS/DM.

Cependant, les résultats des trois évaluations précédentes révèlent l’impact du degré d’expertise sur l’expérience de l’interaction dans des systèmes tels que DS/DM. Il est difficile pour des non experts en danse n’étant pas en mesure d’exécuter les qualités de mouvement requises, d’expérimen-ter la relation avec les visuels. En revanche, pour des utilisateurs ayant une grande expertise tels que les danseurs d’EG|PC, les visuels réflexifs de DS/DM ne présentent pas un grand intérêt pédagogique puisque les danseurs ont déjà une connaissance approfondie du vocabulaire cible (les qualités de mouvement). Pour pallier ces limitations liées à une relation ré-flexive, une solution possible est de concevoir des systèmes avec différents niveaux d’expertise (approche illustrée dans les jeux vidéo). Une autre so-lution est de concevoir des systèmes adaptatifs où l’interaction s’adapte automatiquement en fonction de l’expertise de l’utilisateur. Cette dernière solution reste une problématique de recherche ouverte et une perspective intéressante de notre travail.

En outre, il apparaît que le type de relation avec des visuels par MSS qui intéresse les danseurs professionnels, est une relation de « duo » (plutôt qu’une relation réflexive). Ce type de relation est adapté à un contexte de production ou de performance plutôt qu’à un contexte pédagogique. Elle requiert tout de même un processus d’apprentissage, non pas du vocabu-laire gestuel, mais des possibilités de contrôle offertes par l’outil numé-rique. Cette relation de duo avec des visuels par MSS sera explorée dans l’annexe A de ce manuscrit, dans un cadre de performance, en collabora-tion avec la danseuse principale du Ballet Nacollabora-tional de Marseille.

Enfin, pour ouvrir de nouvelles perspectives, les expérimentations conduites ont montré que notre système faisait partie d’une nouvelle génération d’ap-proches de la pédagogie de la danse où les nouveaux médias améliorent le processus d’apprentissage des danseurs. Pour cette raison, l’installation DS/DM a été bien accueillie par les professionnels de la pédagogie de la danse. Concrètement, elle est actuellement utilisée comme outil pédago-gique dans le département de danse de l’École d’Art d’Amsterdam.

Conclusion

Contributions et Perspectives

9.1 Rappel des contributions de la thèse

Le but général de notre thèse était d’étudier la notion de qualités de mou-vement issue de la danse dans les IHM basées sur le geste. La figure 9.1 présente l’ensemble des contributions de notre travail de thèse. Nous en décrivons ci-dessous les différents éléments.

Tout d’abord, nous avons dressé un état des lieux dans le chapitre 2 des tra-vaux où la performance et en particulier la danse est en lien avec les tech-nologies numériques. Ce chapitre a proposé ensuite une vue d’ensemble sur la troisième vague en IHM et les différents types d’interactions qui la composent, notamment, l’interaction gestuelle, corporalisée, ou l’interac-tion du corps entier. Nous avons présenté dans le chapitre 3, une collecl’interac-tion de définitions de la notion de qualité de mouvement et des concepts asso-ciés. Etant donné qu’il n’existe pas de formalisation unique des qualités de mouvement, et afin de nous placer dans un cadre expérimental bien défini, nous avons présenté la formalisation de la compagnie de danse contem-poraine EG|PC des qualités de mouvement issues de leur atelier DS/DM. Nous nous sommes basée sur cette formalisation pour la conception et le développement de nos dispositifs interactifs. Notre travail promeut l’utili-sation de telles caractéristiques expressives du geste afin d’augmenter les capacités d’interaction par les mouvements du corps.

Sur le plan expérimental, nous avons conçu l’installation A Light Touch, décrite dans le chapitre 6, afin de vérifier que les qualités de mouvement contribuent à créer une interaction riche et intrigante. Les qualités de mou-vement fournissent de grandes possibilités d’expression mais semblent plus difficiles à apprendre et à exécuter que les mouvements requis dans des interactions basées sur des relations « directes ». Cette difficulté est cepen-dant récompensée par les nouvelles possibilités expressives du geste ainsi offertes.

Formalisation des qualités de mouvement (QM)

Deux modèles d'analyse de QM Trois types de MSS pour la représentation de QM

Les QM contribuent à créer une interaction riche et intrigante qui favorise l'expressivité et l'exploration du mouvement.

Vue d'ensemble de la performance numérique et de la 3ème vague IHM

Partie 1 : Socles Théoriques

Les MSS ont le potentiel de générer des comportements dynamiques assimilés par les utilisateurs à des QM.

Pour la pédagogie de la danse, les interactions gestuelles avec retours visuels par modèles physiques sont des outils réflexifs qui encouragent à

exécuter les QM et en améliorent l!expérience et la compréhension.

Partie 2 : Expérimentations

Création d!un duo entre les qualités de mouvement d'une danseuse et des retours visuels par modèles physiques

Partie 4 : Annexe

Analyse du Geste Dansé et Retours Visuels par Modèles Physiques: Apport des Qualités de Mouvement à l'Interaction

Par le biais d’une expérimentation en ligne, nous avons montré dans le cha-pitre 7 que les modèles physiques masses-ressorts ont le potentiel de simu-ler des comportements dynamiques assimilés par les utilisateurs à des qua-lités de mouvement dansé. Nous sommes partie de cette similarité percep-tive (que nous désignons dans le manuscrit par « physico-réaliste ») entre les comportements dynamiques des modèles physiques et les qualités de mouvement, et avons élaboré des méthodes d’analyse et de visualisation de qualités de mouvement. Ainsi, nous avons développé des visuels basés sur des modèles masses-ressorts qui peuvent dans un contexte interactif, soit refléter, soit être en duo avec les qualités de mouvement du danseur. Afin d’explorer les capacités représentatives et expressives des systèmes masses-ressorts, nous avons proposé plusieurs modèles dans le chapitre 5, d’échelles fines ou massives et de topologies différentes. Concernant l’ana-lyse des qualités de mouvement, nous avons modélisé leurs dynamiques sous-jacentes par le biais de ces mêmes modèles physiques. Pour recon-naitre les qualités d’un mouvement en entrée, nous avons utilisé des mé-thodes de reconnaissance qui reposent sur une identification en temps réel des paramètres du modèle physique qui caractérisent le mieux les don-nées gestuelles. En parallèle, nous avons aussi élaboré une méthode de reconnaissance reposant sur des descripteurs de qualités de mouvement combinés avec un algorithme de reconnaissance automatique basé sur des modèles de Markov cachés. L’ensemble de nos contributions formelles de reconnaissance de qualités de mouvement est décrit dans le chapitre 4. Enfin, notre travail a considéré l’utilisation des systèmes masses-ressorts pour l’analyse des dynamiques gestuelles et pour la représentation conjointe de ces dynamiques. Cette utilisation parallèle du même modèle en entrée et en sortie du système interactif permet d’alléger la couche de contrôle et de trouver un lien direct entre les dynamiques du geste et les comportements dynamiques du retour visuel.

A partir de ces contributions formelles, nous avons mis en œuvre un en-semble de dispositifs interactifs pendant la thèse. Le premier dispositif dé-crit dans le chapitre 6, est l’installation interactive A Light Touch où les participants contrôlent à travers trois dynamiques (oscillatoire, oscillatoire amortie et amortie non oscillatoire) du mouvement de leur main, des com-portements d’une lumière horizontale.

Le deuxième dispositif décrit dans le chapitre 8, est l’installation pédago-gique DS/DM qui a été développée et expérimentée en collaboration avec la compagnie de danse contemporaine EG|PC. Elle fait désormais partie des moyens pédagogiques de cette compagnie et permet à des étudiants en danse d’apprendre, d’expérimenter, de s’entrainer au vocabulaire de la compagnie en interagissant avec des visuels basés sur des MSS d’échelle

fine qui répondent à leurs qualités de mouvement. Nous avons évalué les capacités interactives et pédagogiques de ce dispositif au moyen de trois différentes expérimentations décrites dans le chapitre 8. Les résultats de l’ensemble des expériences suggèrent que les danseurs peuvent augmenter et contrôler leurs interactions avec des comportements visuels générés par modèles masses-ressorts. Les danseurs perçoivent clairement que ces com-portements reflètent leurs qualités de mouvement. De plus, ils considèrent les visuels comme un outil réflexif qui les encourage à exécuter leurs gestes avec les qualités de mouvement requises, qui améliore leur expérience de l’installation et qui contribue à une expérience corporalisée du vocabulaire gestuel de DS/DM.

Le troisième dispositif décrit dans l’annexe A est la performance de danse augmentée Chisseling Bodies que nous avons développée en collaboration avec la danseuse principale du Ballet National de Marseille, Marion Ca-vaillé. Dans ce contexte de performance, nous avons mis en œuvre, grâce à des méthodes de conception participative, un duo entre les qualités de mouvement de la danseuse et les comportements d’un visuel interactif basé sur un modèles masses-ressorts d’échelle massive. Alors que les applica-tions précédentes avec la compagnie EG|PC étaient à visée pédagogique, le travail avec Marion Cavaillé est orienté vers l’augmentation de la per-formance tant pour l’improvisation que pour la scénographie numérique. L’annexe décrit les observations ainsi que les entretiens que nous avons conduits avec la danseuse afin de recueillir ses opinions concernant ce dis-positif interactif.