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Chapitre 3 Méthodologie

3.2 Les outils méthodologiques utilisés pour mener des recherches sur les pratiques

Bissonnette, Richard et Gauthier (2006) font remarquer que les approches mixtes, combinant données quantitatives et qualitatives sont de plus en plus souvent utilisées, ce qui amène le recours à des outils méthodologiques communs aux recherches quantitatives et qualitatives. La partie qui suit s’attarde à présenter les outils méthodologiques utilisés dans les recherches étudiant les pratiques enseignantes et à en présenter les avantages et les limites.

3.2.1 Le questionnaire, ses avantages et ses limites

Le questionnaire est le second instrument traditionnel d’accès aux pratiques déclarées des enseignants (Marcel, Olry, Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002). Le format de réponse proposé du questionnaire peut prendre plusieurs formes, telles l’alternative (oui-non, vrai- faux), les questions à choix multiples, le choix parmi une liste d’énoncés ordonnés selon un principe (par chronologie) ou le choix d’un niveau sur une échelle de valeur (Van der Maren, 2004). Il peut également contenir des questions ouvertes. Le questionnaire sert souvent de prémices à une entrevue. Il est utile lorsque le chercheur vise un grand échantillon (Angers, 1992).

Le questionnaire présente l’avantage de pouvoir mener une enquête auprès d’une large population (Bressoux, 2001). De plus, sa passation permet au chercheur de centrer ses ressources matérielles et humaines sur son analyse, donc après coup, ce qui en fait un outil rapide et peu coûteux lorsque fait par téléphone (Van der Maren, 2004.). Par contre, si les questionnaires ont été envoyés par la poste, ils ne sont pas toujours retournés au chercheur. Les réponses fournies par les enseignants peuvent ne pas refléter ce qui se passe réellement dans leur classe et être plutôt le reflet de ce qu’ils savent qui serait le mieux (désirabilité

sociale). De plus, les pratiques relevées par les questionnaires sont les pratiques déclarées qui ne permettent pas d’accéder aux pratiques effectives (Bressoux, 2001) et ne peuvent être considérées comme le témoignage complet, fidèle et exclusif de la pratique (Bru, 2002).

L’enquête par questionnaire permet de quantifier de multiples données et donc d’effectuer de nombreuses analyses corrélationnaires (Quivy et Van Campenhoudt, 1995). Par contre, il arrive que le répondant déforme volontairement ses réponses afin d’être dans ce qu’il considère « la norme », qu’il ne possède pas les aptitudes afin de répondre correctement aux questions ou que le répondant refuse de répondre à certaines questions (Angers, 1992), ce qui fait en sorte que certains résultats ne soient pas accessibles ou que la représentativité soit moindre. Quivy et Van Campenhoudt (1995) soulignent également la relative fiabilité de ce dispositif. Pour remédier à cette situation, plusieurs conditions doivent être remplies : rigueur dans le choix de l’échantillon, formulation claire et univoque des questions, correspondance entre le monde de référence des questions et le monde de référence du répondant, atmosphère de confiance au moment de l’administration du questionnaire et conscience professionnelle de ou des enquêteurs (Quivy et Van Campenhoudt, 1995).

Compte tenu du petit échantillon d’enseignantes de notre recherche, nous avons privilégié l’entretien, toutefois préparé à l’aide d’un questionnaire.

3.2.2 L’entrevue (ou l’entretien), ses avantages et ses limites

L’entrevue, quelle que soit sa forme, permet de recueillir des données. Les entrevues peuvent être structurées, semi-structurées ou libres (Van der Maren, 2004). L’entrevue structurée est celle qui est la plus contraignante et elle ressemble au questionnaire puisqu’elle consiste à poser des questions préalablement choisies (Dolbec et Clément, 2004). L’entrevue semi-structurée est plus souple car elle donne la possibilité au chercheur d’aller au-delà de la question prévue en faisant préciser les réponses des participants. Pour sa part, l’entrevue libre

permet de recevoir de l’information supplémentaire pertinente et de changer la séquence des questions afin de donner la chance au participant d’expliciter davantage ses réponses. Van der Maren (1999) parle d’un style se rapprochant de la conversation. Pour tous les types d’entrevues, il est important que les chercheurs soient préparés, car « connaître les techniques de conduite des entrevues ne suffit pas, il s’agit d’habiletés à développer par des exercices pratiques » (Van der Maren, 1999, p.154). Les entrevues sont très souvent liées à une analyse de contenu. Il s’agit de faire surgir un maximum d’éléments d’information et de réflexion qui serviront à une analyse de contenu systématique qui réponde aux exigences d’explicitation, de stabilité et d’intersubjectivité des procédures (Quivy et Van Campendhoudt, 1995).

L’entretien a été privilégié à deux reprises pour cette recherche car il permet de recueillir des informations importantes liées à deux des trois objectifs de recherche. D’une part, les pratiques des enseignantes peuvent être documentées relativement à leur fréquence grâce aux réponses obtenues lors du second entretien et d’autre part, les deux entretiens permettent de mieux connaître et comprendre les pratiques de différenciation pédagogique privilégiées par les enseignantes de la recherche.

3.2.3 L’observation en classe, ses avantages et ses limites

L’observation38 des pratiques permet d’accéder aux pratiques effectives d’un enseignant. Le chercheur ne fait plus seulement écouter, mais « regarde » (Marcel et al., 2002). Les grilles d’observation ont été élaborées afin d’améliorer la fiabilité39, la fidélité40 et la validité41 des observations (Van der Maren, 2004).

38 Pour d’autres définitions concernant les différents types d’observation, le lecteur peut se référer à la note

de synthèse de Marcel et al., 2002.

39 La fiabilité renvoie à « l’indépendance de la démarche à l’égard des biais subjectifs et techniques du

chercheur » (Van der Maren, 2004, p.183). On peut aussi parler de l’objectivité ou de la neutralité de la recherche.

Un avantage considérable de l’observation est qu’elle permet d’enrichir les résultats obtenus par questionnaires ou entrevues (Lebrun, Lenoir, Oliveira et Chalghoumi, 2005) et permet d’accéder aux pratiques effectives. Par contre, les pratiques observées ne sont pas toujours représentatives des pratiques habituelles d’un enseignant (Lebrun et al., 2005). Ce sont des pratiques qui ont été constatées sous les conditions des observations (Bru, 2002). Les observations directes pendant une phase interactive présentent des limites telles la modification due à l’observateur et la difficulté à réaliser des observations longues et nombreuses (Bressoux, 2001).

Maubant (2007) indique également que la prégnance d’une perspective prescriptive pourrait risquer de biaiser la collecte de données et leurs interprétations.

L’observation est utilisée à deux reprises dans chacune des classes pour cette recherche. Malgré que les pratiques observées puissent ne pas refléter les enseignements habituellement conduits en classe, elles permettent néanmoins d’accéder aux pratiques effectives. C’est pourquoi cet outil méthodologique semble essentiel dans notre recherche, où deux des objectifs sont en lien avec la description des pratiques enseignantes.

3.2.4 Les études de cas sur les pratiques enseignantes, leurs avantages et

leurs limites

Les études de cas tentent de mettre en évidence certains traits à partir de l’étude détaillée et fouillée d’un seul cas, que ce soit le cas d’un individu ou d’une situation. Pour que ces études soient pertinentes, deux conditions doivent être respectées : elles doivent être

40 La fidélité est le rapport des inscriptions au réel. « La fidélité d’un instrument dénote sa capacité de

toujours mesurer la même chose » (Boudreault, 2004, p.171). Peu importe qui évalue, les résultats obtenus devraient être similaires.

41 La validité se rapporte à plus d’un schème de référence, mais elle est associée au fait de bien mesurer ce

multidisciplinaires dans la construction du cadre conceptuel, et multimodales dans la constitution des données (Van der Maren, 2004). Ce qui signifie que le chercheur doit envisager son analyse de données à partir de plusieurs instruments. Il ne s’agit pas de constituer un échantillon représentatif de la population, mais de cerner un ou quelques participants et d’en faire une analyse approfondie et rigoureuse. On peut parler d’étude de cas « simple » lorsqu’elle porte sur un cas unique ou lorsque différents cas sont étudiés chacun de leur côté. On parle d’étude de cas « croisés » (ou multiples) lorsqu’il s’agit de comparer des cas afin d’en faire ressortir les éléments communs et d’identifier les particularités. L’observation et l’entretien semblent être les deux dispositifs privilégiés pour les études de cas. Ce sont d’ailleurs deux outils méthodologiques que nous privilégions pour cette recherche. Les entretiens permettent de recueillir les pratiques déclarées et les observations viennent les compléter en privilégiant un accès aux pratiques réelles des enseignantes. Pour cette thèse, nous effectuons des études de cas croisés, car nous détaillons les pratiques de chacune des enseignantes et nous cherchons à dégager des dispositifs ou des contenus communs, bref, de trouver des pratiques qui soient communes aux enseignantes considérées expertes de cette recherche.

Un avantage majeur des études de cas réside dans la description détaillée des pratiques des enseignants concernés. Si l’observation est privilégiée, elle permet d’accéder aux pratiques effectives de l’enseignant. Au sujet des pratiques effectives, Maubant (2007) signale que « seules ces recherches peuvent permettre d’approcher les réalités multidimensionnelles de l’intervention éducative » (p.19). Le premier objectif de cette recherche consiste à décrire les pratiques de façon très détaillée en prenant appui à la fois sur les deux entretiens, mais aussi sur les deux observations réalisées en classe. Nous allons alors dans le même sens que Maubant en accordant une importance particulière aux pratiques effectives qui se vivent en classe.

Des limites sont attribuables au fait que l’étude des pratiques d’un seul enseignant ne permet pas une généralisation de celles-ci. À ce propos, rappelons que Bru (2002) soutient qu’il faut se préserver de croire que les pratiques observées sont nécessairement assimilables aux pratiques habituelles d’un enseignant, car il s’agit en fait que de pratiques constatées sous les conditions de l’observation. Pour répondre à nos objectifs de recherche 1 et 2 qui portent sur la description des pratiques d’enseignement de la langue écrite de même que sur les pratiques de différenciation pédagogique, nous étudions les pratiques de six enseignantes considérées expertes. Nous brossons un tableau de leurs pratiques en les mettant en relation avec les résultats des élèves afin de comprendre si leurs pratiques permettent à leurs élèves de progresser. Une limite de l’utilisation de cet outil réside dans le fait que notre échantillon se limite à six enseignantes et que ce petit nombre ne peut justifier une généralisation de leurs pratiques. Toutefois, il est permis de croire que puisque ces enseignantes sont considérées expertes, elles adoptent des pratiques exemplaires qui pourraient être transférables dans des contextes similaires. Quant aux éventuels biais méthodologiques liés à la désirabilité sociale qui pourraient influencer les pratiques des enseignantes, il est permis de croire qu’ils sont minimisés par le fait que les observations ont lieu à deux reprises et qu’elles durent au moins deux heures chacune.