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Chapitre 3 Méthodologie

3.3 La méthodologie privilégiée pour cette recherche

3.3.3 La collecte des pratiques effectives d’enseignement de la langue écrite

nuancée, cette recherche comporte une cueillette de données directement sur le terrain, à travers deux observations en classe. L’une est réalisée à l’automne et l’autre au printemps. Ce sont les enseignantes qui choisissent les moments où elles préfèrent que la chercheuse vienne en classe, avec le photographe qui documente les pratiques à l’aide de photos. Toutes les observations ont lieu en après-midi et sont d’une durée de deux heures environ. La seule

consigne donnée aux enseignantes concerne les contenus observés qui doivent être en lien avec la langue écrite. Comme ce projet de recherche doctoral est mené dans le cadre d’une recherche menée par Morin et Montésinos-Gelet (FQRSC 2008-PE-118512), seules les données recueillies à Montréal (pour cette thèse) sont analysées. Il s’agit de données secondaires. Dans la recherche initiale, une chercheuse assure une prise de notes structurées par les critères qualifiant les pratiques d’enseignement efficaces, issus de la catégorisation proposée par Hall (2003). Toutefois, pour cette thèse, les notes ne servent qu’à clarifier certaines pratiques observées qui sont moins explicites, afin d’en faciliter la description. Pour cette recherche, les narrations en images sont analysées en fonction du modèle du multi- agenda (Bucheton et Soulé, 2009), modèle d’analyse qui n’était pas prévu dans la recherche initiale, car le modèle n’était pas encore paru à ce moment.

La prise de photos permet de recueillir des données importantes, telles le lieu physique (la classe), les pratiques d’enseignement et les dispositifs, ainsi que les réactions des élèves. C’est à partir de ces photos que les pratiques sont décrites, en prenant appui sur les cinq préoccupations centrales qui constituent la matrice de l’activité enseignante (Bucheton et Soulé, 2009). Les consignes données au photographe consistent à prendre en photos tous les écrits environnants, à capter, pendant l’enseignement, tout ce qui témoigne de la façon dont les tâches sont pilotées (ainsi, toutes les étapes sont documentées), et durant le travail entre les élèves, à prendre des photos de toutes les équipes en travail. En lien avec le modèle du multi- agenda, la prise de photos permet de conserver des images qui aident à décrire l’atmosphère qui règne dans les classes, ce qui constitue une des composantes du modèle. Les avantages de la prise de photos comparativement aux enregistrements vidéos sont non-négligeables. Effectivement, la prise de photos permet de capter uniquement ce qui veut être capté, évitant ainsi les nombreux moments de la vie d’une classe qui ne nous intéressent pas pour cette thèse (les transitions, les récréations, la venue inopinée de la secrétaire…). Ainsi, les photos permettent de gagner du temps de visionnement. Ensuite, les photos permettent de se concentrer sur les éléments qui sont importants à analyser, sans se laisser distraire par ce qui est accessoire et qui est souvent capté lors des enregistrements vidéos (une chicane entre

élèves, un aparté concernant les lunchs « santé »), ce qui va dans le même sens que l’aspect précédemment nommé. Finalement, l’avantage de la fixité de la photo permet de prendre un temps d’arrêt et de réfléchir aux différentes composantes qui sont à analyser, dans ce cas-ci, il s’agit des cinq préoccupations centrales mises en avant dans le modèle du multi-agenda (Bucheton et Soulé, 2009). Donc, pas besoin de travailler au montage des scènes qui servent aux analyses. Cela épargne des coûts.

3.3.3.1 Les critères d’analyse des pratiques observées

Les critères retenus pour analyser les pratiques observées dans le cadre de cette thèse s’appuient sur le modèle du multi-agenda, relatifs à l’agir enseignant dont les travaux sont dirigés par Bucheton,46 travaux s’inscrivant dans la lignée de ceux du LIRDEF (Laboratoire

interdisciplinaire de recherche en didactique, éducation et formation).

Le modèle du multi-agenda s’appuie sur cinq préoccupations centrales qui constituent, selon les auteurs, la matrice de l’activité de l’enseignant dans la classe. Les cinq préoccupations sont les suivantes : 1) piloter et organiser l’avancée de la leçon, 2) maintenir un espace de travail et de collaboration langagière et cognitive, 3) tisser le sens de ce qui se passe, 4) étayer le travail en cours, 5) cela avec pour cible un apprentissage de quelque nature qui soit. Ces cinq préoccupations qui se retrouvent tout au long du parcours scolaire sont des invariants de l’activité et représentent l’essence même des gestes professionnels. Par geste professionnel, les auteurs entendent « …l’action de l’enseignant, l’actualisation de ses préoccupations » (Bucheton et Soulé, 2009, p.32). Le terme geste « traduit l’idée que l’action du maître est toujours adressée et inscrite dans des codes » (Ibid). Bucheton et Soulé (2009) soulèvent l’importance de mettre les composantes en interrelation et les décrivent comme étant

systémiques, modulaires, hiérarchiques et dynamiques. Les composantes sont systémiques, car

elles coagissent et rétroagissent les unes avec les autres. Elles sont modulaires, car une

46 Les lecteurs qui désirent en apprendre davantage sur les travaux portant sur les gestes professionnels et le

jeu de postures de l’enseignant dans la classe menés par cette équipe sont invités à se référer à Bucheton et Soulé (2009).

composante peut être davantage mise en avant en début de cours pour laisser place à une autre au fil des activités conduites. Elles sont hiérarchiques, car à certains moments, une composante prend davantage de place qu’une autre, selon les différents contextes et finalement, elles sont dynamiques, car leur mise en synergie et leur organisation interne évoluent pendant le déroulement de la leçon. La figure 3 illustre le modèle, tel que développé par Bucheton et Soulé (2009).

Figure 3

Le modèle du multi-agenda

Bucheton et Soulé, 2009

Le modèle du multi-agenda, mis en relation avec les pratiques observées en classe, permet de les organiser en vue de mieux les détailler et de mieux les comprendre. C’est-à-dire que pour chacune des observations, les photos rendent compte des pratiques mises en avant dans chacune des classes. Les photos sont analysées en fonction des objets de savoir enseignés lors des séances, de la place accordée à l’étayage, de la façon dont le tissage est effectué, et ce, tant par l’enseignante que lors des moments où les élèves ont su rendre explicite ce tissage, de la façon dont les tâches sont pilotées, de même que de l’atmosphère qui règne dans les classes. La prise de notes effectuée préalablement lors de la recherche initiale permet de répondre aux

Tissage

Atmosphère Étayage

Objets de savoir

Donner du sens, de la pertinence à la situation et au savoir visé

L’ethos Créer, maintenir des espaces dialogiques

Pilotage des tâches Gérer les contraintes Espace temps de la situation Faire

comprendre Faire dire

questionnements concernant les pratiques s’il y a lieu. Toutes les analyses effectuées à l’aide du modèle du multi-agenda sont validées par la chercheuse qui a effectué initialement les observations.

Afin de documenter les pratiques observées en classe, une fréquence est également attribuée à trois des cinq composantes du multi-agenda, c’est-à-dire le tissage, l’atmosphère et l’étayage. Les observations sont qualifiées par très souvent, souvent, peu souvent et rarement. La mention très souvent est attribuée lorsque la composante du multi-agenda est une préoccupation présente dans toutes les pratiques observées; souvent est attribuée lorsque la composante est présente dans plus de la moitié des pratiques observées, peu souvent est attribuée lorsque la composante est présente dans moins de la moitié des pratiques et rarement est attribué si la composante est observée une seule fois. En lien avec les contenus, il est question de densité. En effet, la densité des contenus est indiquée par très souvent denses,

souvent denses, peu souvent denses et rarement denses selon les mêmes critères. Quant au

pilotage des tâches, il est question de maîtrise, selon la même terminologie utilisée par Bucheton et Soulé (2009). Donc, la mention très souvent est attribuée lorsque le pilotage est maîtrisé dans toutes les pratiques observées; souvent est attribuée lorsque le pilotage est maîtrisé dans plus de la moitié des pratiques observées, peu souvent est attribuée lorsque le pilotage est maîtrisé dans moins de la moitié des pratiques et rarement est attribuée si le pilotage est maîtrisé une seule fois lors des observations. La raison pour laquelle nous n’avons pas attribué une fréquence à chacune des cinq composantes est que selon nous, la fréquence ne peut rendre compte à elle seule de l’expertise des pratiques. Effectivement, les contenus denses caractérisent les pratiques des enseignants efficaces (Hall, 2003) et il nous importe d’en tenir compte. De même, le pilotage des tâches se mesure mal, à notre avis, en termes de densité. En parlant de maîtrise, nous reprenons du même coup la terminologie utilisée par Bucheton et Soulé (2009).

La même fréquence est attribuée pour les pratiques de différenciation pédagogique, c’est-à-dire très souvent, souvent, peu souvent et rarement selon les mêmes critères énumérés ci-haut, mais en fonction des quatre objets de différenciation de Tomlinson (2004, 2010a) et de notre adaptation du modèle de différenciation de Caron (2008). À partir de notre adaptation du modèle de différenciation de Caron (2008), une fréquence est allouée aux pratiques observées de diversification, d’offre de choix, d’adaptation et d’individualisation. Une fréquence définit également les quatre objets de différenciation selon Tomlinson (2004, 2010a), c’est-à-dire la différenciation des structures, des processus, des contenus et des productions.