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Chapitre 2 Cadre conceptuel

2.10 Les pratiques de différenciation pédagogique

2.10.4 La gestion de la différenciation en contexte d’hétérogénéité : quelques

La différenciation pédagogique est parfois mal perçue et mise de côté par les enseignants et le milieu scolaire, car ceux-ci se heurtent à certains paradoxes (Gillig, 2008; Maertens; 2004 Perrenoud, 1995) quand vient le temps de la mettre en place. Les enseignants doivent aujourd’hui non seulement être en mesure de faire progresser tous leurs élèves en leur offrant l’étayage approprié, mais également permettre à ceux apprenant avec aisance de s’actualiser et de relever des défis à leur mesure, donc de les maintenir constamment dans leur

zone proximale de développement («ZPD», Vygotski, 1985). De fait, les enseignants doivent

concilier l’obligation de tenir compte dans leurs pratiques quotidiennes d’enseignement et

27 Le MELS (2006a) qualifie d’immigrant un élève qui est né à l’extérieur du Canada (première génération)

ou qui est né au Canada (deuxième génération), mais dont l’un des parents est né à l’extérieur du Canada, ou qui n’a comme langue maternelle ni le français ni l’anglais (p.3).

d’évaluation, des caractéristiques et besoins de leurs élèves en difficulté, seule voie permettant de les faire réellement progresser (Tomlinson, 2004), cela tout en gardant à l’esprit la nécessité d’amener les élèves à répondre aux attentes minimales du programme d’études (Maertens, 2004; Perrenoud, 1995) et de répondre aux besoins des élèves considérés « plus performants » (Perrenoud, 2005).

Alors comment est-il possible pour les enseignants d’articuler cette différenciation pédagogique en classe? Tomlinson (2004) propose notamment de se concentrer sur les éléments essentiels du programme d’étude, d’assurer un équilibre entre les normes prescrites pour le groupe et celles qui tiennent compte de l’individu, d’harmoniser le programme et les caractéristiques de l’élève par l’évaluation continue de celui-ci ainsi que par les pratiques de différenciation prenant assise sur cette évaluation. Les paragraphes qui suivent expliquent ces trois composantes.

2.10.4.1 Miser sur l’essentiel

Mettre en place la différenciation pédagogique en classe nécessite que l’enseignant se concentre sur les savoirs essentiels et les compétences qu’il doit faire acquérir et développer par ses élèves, cela en fonction des éléments jugés requis pour la suite des apprentissages du programme (Falconer Hall, 1992; Perrenoud, 1997; Tomlinson, 2004). En contexte québécois, cela signifie que l’enseignant doit se référer au Programme de formation de l’école québécoise (2001) et à la Progression des apprentissages en français au primaire28 (MELS, 2009) afin de savoir quels contenus sont à enseigner, de quelles manières il peut le faire, quelles stratégies sont à développer et quels contenus doivent être maîtrisés, avec de l’aide, de façon autonome ou lors de réinvestissements. L’enseignant en milieu québécois doit donc non seulement connaître et maîtriser son Programme, mais également s’approprier la Progression des

28 C’est celle qui nous intéresse dans le cadre de notre recherche, mais tous les domaines de formation

possèdent leur propre Progression des apprentissages et d’autres sont en cours d’écriture à ce jour (2011), notamment au secondaire.

apprentissages dans tous les domaines. C’est un défi supplémentaire que l’enseignant doit

relever depuis 2009. Par la suite, il doit planifier des activités d’apprentissage et prévoir le matériel à mettre à la disposition des élèves, pour donner à ceux-ci des occasions d’apprendre ces éléments essentiels (Falconer Hall, 1992; Tomlinson, 2004). Par ailleurs, l’enseignant doit à travers cette démarche d’analyse du Programme et de planification de son enseignement veiller à ce que ses élèves, spécialement ceux éprouvant des difficultés, ne soient pas submergés par une mer de connaissances parmi lesquelles ils ne sont pas en mesure d’effectuer des liens, ni amenés, dans le cas des élèves plus avancés, à revoir des «notions» déjà acquises (Ibid). Cela implique la différenciation de l’enseignement aux caractéristiques des élèves tout en tenant compte, cependant, de ce qui est prescrit dans le Programme (2001), la Progression des apprentissages au primaire (MELS, 2009) et les Cadres d’évaluation des

apprentissages (MELS, 2011).

2.10.4.2 Assurer un équilibre entre les normes du groupe et celles des individus

L’analyse du Programme et la sélection des éléments essentiels amènent, inévitablement, lors de la planification de l’enseignement, à prendre en considération les normes prescrites, niveaux d’apprentissages attendus ou les seuils minimaux de réussite. L’atteinte des «normes minimales», notamment par les élèves en difficulté, met très souvent l’enseignant dans une position où il vit avec une pression parfois lourde à porter. À cet égard, Tomlinson (2004) rappelle que «les normes devraient [plutôt] être un outil qui permet de s’assurer que l’apprentissage de l’élève est plus cohérent, plus profond, plus vaste et plus durable» (p.59). Pour cette auteure et pour Falconer Hall (1992), il n’y a, en ce sens, pas de contradiction entre la prise en compte des caractéristiques et besoins divers des élèves au moyen de la différenciation et un enseignement centré sur l’atteinte des normes prescrites. C’est plutôt l’interprétation que fait l’enseignant de ces normes ainsi que l’utilisation qu’il en fait qui s’avèrent parfois problématiques. En effet, si le Programme et les attentes de fin de cycle indiquent « quoi » enseigner, les principes de différenciation doivent guider l’enseignant quant aux moyens de le faire (Ibid). La différenciation devrait permettre à l’enseignant de

travailler sur les mêmes normes ou attentes du programme avec tous les élèves, en utilisant cependant des « chemins » différents afin de les faire progresser. Cela se traduit par du matériel approprié, par des activités comportant parfois des niveaux de difficulté différents, en variant le degré de soutien apporté aux élèves (ou étayage, qui peut également s’effectuer par un pair plus avancé) en fonction de leurs besoins, par des modalités de regroupements des élèves selon les besoins des tâches à accomplir (ou autres), et par du temps consacré aux tâches demandées (Falconer Hall, 1992; Tomlinson, 2004).

Tomlinson (2004) met en avant que l’enseignant doit relever le défi d’assurer un équilibre entre les normes du groupe – généralement prescrites – et celles des individus. Devant un élève éprouvant des difficultés, l’enseignant devrait avoir comme objectif de le faire progresser et de l’évaluer en fonction des objectifs fixés dans son plan d’intervention. Dès lors, il est impératif que « cet élève et ses parents [soient] conscients des objectifs personnels et de la progression de l’individu » (Ibid, p.19). Cela signifie que l’enseignant doit planifier son enseignement et son évaluation en fonction des besoins de chacun de ses élèves, tout en gardant en tête les normes à atteindre, mais en empruntant des chemins différents, des moyens variés et en offrant le niveau d’étayage approprié à chacun de ses élèves.

2.10.4.3 Harmoniser le programme et les caractéristiques de l’élève par une évaluation formative continue

Si la différenciation consiste notamment à harmoniser les contenus du programme et les caractéristiques des élèves de façon à favoriser l’apprentissage et la progression de chacun d’eux, l’évaluation diagnostique de l’élève en début d’apprentissage, et son évaluation dans une optique d’aide à l’apprentissage en cours de route, deviennent indissociables de l’enseignement (Gillig, 2008; Meirieu, 2009; Tomlinson, 2004). Nous avons constaté qu’il n’est pas toujours aisé pour l’enseignant de planifier son évaluation, alors que celle-ci devrait s’arrimer non seulement avec la planification de l’enseignement, mais également avec la planification différenciée. L’évaluation doit à la fois informer l’enseignant du niveau de

compétence de l’élève et rendre compte de son profil d’apprentissage ou de sa manière d’apprendre (qui varie selon le type d’intelligence, le style d’apprentissage, le sexe et la culture notamment), ainsi que de ses intérêts.

Plusieurs façons d’évaluer sont au service de l’enseignant afin de mieux connaître le développement des compétences de ses élèves. Elles varient en complexité et le choix d’utiliser l’une ou l’autre des méthodes dépend, entre autres, des objectifs poursuivis par l’évaluation. Dans le choix d’une méthode d’évaluation, l’enseignant doit également considérer le temps dont il dispose ainsi que des ressources qui sont mises à sa disposition. L’enseignant peut également avoir avantage à utiliser des méthodes variées qui permettent à ses élèves de démontrer, de façon optimale, le niveau de développement de leurs compétences. À ce sujet, le Cadre de référence pour l’évaluation des apprentissages au préscolaire et au

primaire (MEQ, 2002) et le Cadre d’évaluation des apprentissages en français29 (MELS, 2011) sont des outils importants pour l’enseignant en contexte québécois.