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Les outils pour assurer la sécurité des biens et des personnes

perspectives des différents personnels de sécurité sur les campus marseillais

II- Les outils pour assurer la sécurité des biens et des personnes

II- 1. Agents de sécurité et gardiens de nuit : un

outillage rudimentaire ?

Lorsqu’on aborde les outils relatifs à la sécurité que possède l’agent de sécurité journalier de Luminy, sa réponse est éloquente : « je possède seulement mes mains et mes poings ». En réalité, aucun agent sur les campus ne possède d’assermentation, ce qui les empêche d’interpeller ou de

est faite sur les campus. En effet, à titre d’exemple, le gardien en poste à Luminy avoue s’être servi une fois de sa matraque « pour démonter un pneu de voiture ».

En définitive, malgré quelques plaintes des agents de terrain sur le côté rudimentaire des outils, l’achat de matériel de type gazeuse ou autre arme de poing n’a guère de sens et ne serait d’aucune utilité supplémentaire. Comme nous le verrons plus loin dans le texte, ce qui prime dans la fonction des agents de sécurité, c’est bien leur capacité à agir en tant que médiateur afin de réduire le risque de conflits et non d’aller au corps à corps. Autrement dit, au-delà d’un quelconque matériel de sécurité, ce sont leur présence et leur fonction de médiation qui influencent les pratiques et l’utilisation de l’espace par les personnels et les usagers du campus.

II- 2. La vidéosurveillance

I- 2.1. Dans les lieux d’étude et de recherche

Toutes les composantes sur les campus ne disposent pas des mêmes outils pour sécuriser leurs bâtiments et leurs usagers. L’analyse de ces instruments et la manière dont ils sont ou non utilisés nous révèlent en définitive l’écart qui existe entre dissuasion et sécurité réelle.

À Luminy par exemple, nous nous sommes davantage penchés sur une composante largement équipée de l’instrument vidéosurveillance. Si ces caméras semblent avoir un effet dissuasif d’après le responsable sécurité, elles ne sont pas vraiment exploitées au moment de notre enquête. Néanmoins, le recul temporel est trop faible pour tirer dès maintenant de véritables conclusions. Elles comportent une durée d’enregistrement d’un mois, mais aucun agent ne les scrute en direct. Elles n’enregistrent pas en permanence puisqu’elles réagissent et se déclenchent à l’occasion d’un mouvement (détecteur). Pour produire ses effets, la vidéosurveillance dissuasive implique que les caméras soient bien visibles, voire qu’elles soient ostensiblement annoncées à tous les utilisateurs de l’espace en question par divers supports comme des affiches, des autocollants ou des écrans de contrôle ; ce qui est le cas pour l’ensemble des campus d’Aix-Marseille Université. Ces caméras auront tout de même permis à Luminy de « résoudre deux ou trois problèmes en interne », même si un des responsables avoue que « cela serait bien si on pouvait utiliser les vidéos, car dans les deux trois problèmes [vol de cellulaire et dégradation] qu’on a résolus, les caméras n’ont pas pu être utilisées comme preuve » [un responsable de la sécurité à la faculté des sciences du sport, 4 années en poste, Luminy]. Nous avons découvert également qu’une autre UFR a installé des caméras, sans jamais pouvoir les faire fonctionner en raison d’un « problème de logiciel » (problème matériel et manque de formation des utilisateurs). La question de la vidéosurveillance ne fait pas l’unanimité sur les campus étudiés. L’échange de mails ci-dessous entre deux chercheurs rend compte du débat interne. Après un cambriolage dans un laboratoire, un des personnels propose de mettre en place d’autres caméras le plus vite possible.

- « Dans une telle nation, les universités doivent être protégées afin d’assurer la sérénité individuelle et marcher en avant pour vaincre la délinquance qui est en pleine expansion » [Enseignant-chercheur, directeur d’un laboratoire de recherche depuis 3 ans, 49 ans].

Il s’agit ici d’un exemple de discours bien connu sur « la » délinquance, phénomène qui va de mal en pis et qui pourtant se perpétue dans le sens opposé de la réalité des faits (Mucchielli, 2011) aussi bien sur les campus que dans le reste de la société. Pour le moins, nous pouvons statuer sur le fait qu’il n’y a pas de véritable stratégie au niveau de la vidéosurveillance sur les campus étudiés. Au demeurant, on peut s’interroger sur les besoins en la matière (cf. partie II.). L’outil vidéo est donc utilisé sans que l’on sache très bien quel bénéfice on en retire pour la sécurité des campus. De plus, sur ce premier campus, nous n’avons pas trouvé de poste de contrôle où il était possible de visionner les images en direct, ce qui nous fait envisager une gestion des problèmes après coup.

Mais l’étude des deux autres campus amène d’autres arguments à ce sujet. À Saint-Charles, dès 6 heures, un agent de sécurité a pour mission de surveiller l’écran de contrôle de vidéosurveillance. Dans le PC sécurité, l’agent n’a pas les yeux rivés en permanence sur l’écran de contrôle, il doit également répondre au téléphone qui sonne régulièrement. Les caméras ont une possibilité de grossissement en 200x ou 300x, le matériel est d’un point de vue technologique très performant. Tout le matériel vidéo sur les campus est en conformité, déclaré au niveau de la préfecture selon le formulaire réglementaire CERFA 13806*0388 (loi du 17 juillet 2012). Les 17 caméras installées sur le site depuis une dizaine d’années sont munies d’un détecteur de mouvements (pour éviter la fatigue des agents) qui indique par un signal lumineux une présence humaine dans la zone qu’elles couvrent. Ce dispositif trouve une réelle efficacité la nuit lorsque les mouvements se font rares. Lorsqu’une des caméras attire l’attention de l’agent, un second écran donne la possibilité de l’isoler afin d’agrandir l’image. Néanmoins, pendant notre enquête, sur les 17 caméras, seules 7 fonctionnaient. De plus, celle de l’entrée principale (qui surveille la guérite et le portail), considérée par les agents comme surveillant « l’endroit important du site » était défectueuse. À ceci s’ajoute que suivant l’orientation du soleil et les reflets possibles, les images ne peuvent qu’apparaître difficilement sur l’écran de contrôle. Le dispositif souffre donc d’un dysfonctionnement, mais les agents acceptent cette situation comme un pis-aller dans le sens où « il faut faire avec ce qu’on a ». Ces éléments interrogent sur ce second campus l’efficacité réelle du système de vidéosurveillance et donc, une nouvelle fois, son utilité. Quand bien même, les caméras sont munies d’un enregistreur branché dans le PC sécurité dont la quantité d’images stockées dépend de la durée d’enregistrement journalier. S’il y a beaucoup d’enregistrements, dans le pire des cas, les images sont conservées de quatre à cinq jours, ensuite les nouvelles images viennent compresser les plus anciennes et ainsi de suite. La durée moyenne de conservation des images peut aller jusqu’à dix jours consécutifs.

Le poste de contrôle du campus Saint-Jérôme, situé à l’entrée véhicule, est également équipé d’un écran relié aux caméras de vidéosurveillance disséminées dans l’enceinte du campus. Pourtant, cet équipement n’a pas vocation à être utilisé à pleine puissance par les agents de sécurité qui déplorent volontiers plusieurs caméras défaillantes (constat similaire à Saint-Charles et dans une moindre mesure à Luminy). En outre, ils n’ont ni la possibilité de zoomer ni la possibilité de suivre une personne « suspecte ». Les agents concluent à l’existence d’un « matériel intéressant, moderne, mais très limité » d’un point de vue technique, mais aussi restreint en termes d’images. Il est vrai que seules les caméras dirigées vers les entrées principales ainsi que des blocs de jonction (cf. Figure 4), au nombre de neuf, sont accessibles depuis la guérite de l’entrée véhicule. À ces caméras, s’en ajoute une dizaine d’autres qui, elles, ont la particularité d’offrir une vue à 360 degrés. Ces restrictions s’expliquent par le statut professionnel des agents de sécurité. En effet, la loi fait une

distinction entre agent de sécurité malveillance et incendie d’un côté, et agent de télésurveillance de l’autre ; ces derniers étant les seuls habilités à « travailler » sur les écrans89. In fine, toutes les images sont enregistrées et stockées dans un local sécurisé au sein du campus. Elles peuvent servir en cas de réquisition policière notamment. En réalité, le déploiement de cette procédure est rarissime et nous rappelle le calme général qui règne sur ce site.

Si l’on comprend bien que l’utilisation de la vidéosurveillance ne peut s’entrevoir que comme un simple outil permettant de visualisé en direct, et grossièrement, l’état d’une situation à un moment T, un autre instrument est à la disposition des agents de sécurité, il s’agit d’un téléphone « PTI » (Poste pour Travailleur Isolé). En apparence, c’est un talkie-walkie, mais qui a la particularité de contacter automatiquement le centre de télésurveillance si son utilisateur se retrouve à terre, dans le cas d’une rixe ou d’un malaise par exemple. La géolocalisation de l’appareil permet ensuite à ce centre, qui par ailleurs à la gestion d’une grande partie des agents de sécurité à Marseille, d’identifier le lieu exact du problème pour intervenir en y envoyant des secours.