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C HAPITRE II 2 R ECENSION DES ECRITS

2.3 S OURCES DE SATISFACTION , D ’ INSATISFACTION ET DIFFICULTES

En période de crise, les intervenants psychosociaux sont sujets à vivre diverses sources de satisfaction ou d’insatisfaction et difficultés pendant la réalisation de leurs tâches, ce qui peut avoir des retombées sur leur santé biopsychosociale et leur performance au travail (Maltais, Robichaud, & Simard, 2001). Cependant, peu d’études se sont intéressées spécifiquement aux sources de satisfaction et d’insatisfaction afin de déterminer l’ampleur de leur influence sur les intervenants (Badger, Royse, & Craig, 2008; Collins & Long, 2003a; Eidt, 2006; Fraidlin & Rabin, 2006; Krause, 2005; Maltais, Robichaud, & Simard, 2001; Tam et al., 2004; Walsh, 2009). Pourtant, Eidt (2006) affirme que plus on accorde de l’attention aux sources de satisfaction des intervenants pendant leur travail en période de crise, plus on diminue les risques d’épuisement professionnel et de stress. Ringenbach (2009) souligne que l’on peut constater de plus en plus dans les travaux de recherche actuels des résultats portant sur la satisfaction des intervenants psychosociaux lorsqu’ils ont à travailler avec des personnes ayant vécu un traumatisme.

La satisfaction au travail a été décrite par Robbins et Judge (2007) comme un sentiment positif envers son emploi suite à une évaluation positive de ses caractéristiques. La satisfaction au travail peut se diviser en deux types; la satisfaction intrinsèque (ex. : la nature du travail, les tâches, la vision de son travail, etc.) et la satisfaction extrinsèque (ex. : les aspects du travail qui ont peu de liens avec les tâches ou le travail lui-même, comme la rémunération) (Spector, 1997). Selon Berah et Valent (1984), et Poirier (2006), de multiples sources de satisfaction animent les intervenants à travailler en situation de crise dont le désir d’apporter de l’aide à une personne en

difficulté, la possibilité de pratiquer des techniques d’intervention en situation de crise ainsi que le besoin d’agir de façon concrète auprès de victimes de détresse psychologique. Leur motivation à intervenir en contexte de crise provient également de la satisfaction liée au développement de la relation d’aide empathique avec les victimes (Collins & Long, 2003b), de la reconnaissance personnelle et de l’altruisme (Moran, 1989; Sansone & Roman, 1996).

La compassion apportée aux victimes joue également un rôle important dans la diminution des retombées négatives pour les intervenants en période de crise (Collins & Long, 2003b; Krause, 2005). En fait, réussir à soulager la souffrance d’un client apporte un sens à leur rôle ainsi que de la satisfaction envers leur travail (Legault, 2007). Leur expérience en situation de crise peut les amener à vivre un sentiment d’utilité, d’accomplissement et de dépassement de soi (Legault, 2007). Alexander (2005) a souligné qu’il peut être très gratifiant et satisfaisant pour un intervenant d’être invité à intervenir en situation de crise. Le sentiment d’avoir un but, de faire une différence et d’appartenir à un groupe sont autant de raisons qui augmentent le sentiment de satisfaction des intervenants psychosociaux (Brown et al., 2003; Dickinson, 2009). Les intervenants apprécient également la créativité dans l’accomplissement de leurs fonctions, car cela leur permet de développer une capacité à se dépasser, tout en acquérant de l’expertise en intervention psychosociale (Maltais, Robichaud, & Simard, 2001). La liberté d’action dans la réalisation de leur travail ainsi que la reconnaissance exprimée par les victimes, envers les efforts qu’ils ont déployés, seraient également des sources de satisfaction importantes pour ces derniers (Maltais, Robichaud, & Simard, 2001). Selon Voss Horrell et ses collègues (2011), les professionnels qui ont su aider les victimes à surmonter leurs difficultés voient leur satisfaction au travail augmenter.

Dans un autre ordre d’idées, certains intervenants peuvent trouver leur travail habituel routinier, et certains apprécient les moments où ils ont à travailler en situation de crise, car ils se sentent stimulés par un travail différent et par une quantité plus grande de travail (Vanier & Fortin, 1996). Selon Qin et Jiang (2011), les professionnels plus âgés apprécieraient davantage leur travail en situation de crise avec le temps. Tam et ses collègues (2004) ajoutent que les échanges enrichissants entre collègues, durant l’intervention en période de crise, sont un élément fort apprécié par les intervenants psychosociaux. Ortlepp et Friedman (2002) ont également

constaté que les organisations qui soulignent leur reconnaissance envers leur implication en situation de crise soit monétairement ou de façon significative comme la remise d’un prix ou d’une certification favorisent leur satisfaction au travail. Une personne satisfaite par son travail, et pour qui le travail n’est pas un obstacle à un équilibre dans sa vie personnelle, peut avoir un niveau de santé psychologique et de performance plus enviable (Vallerand et al., 2010; Viau, 2012). De façon générale, l’atteinte d’un niveau de performance satisfaisant augmente l’estime de soi (Ferris Lian, Brown, Pang, & Keeping, 2010). Cela permet non seulement aux intervenants de vivre une expérience de travail plus satisfaisante, mais aussi de les protéger contre les retombées négatives du stress vécu au travail (Rector & Roger, 1997).

En ce qui concerne l’envers de la médaille, divers éléments rendent la tâche difficile et sont sources d’insatisfaction pour les intervenants psychosociaux en période de crise. Ainsi, il n’est pas rare que les professionnels en relation d’aide suspendent temporairement leurs propres besoins afin d'être disponibles pour leurs clients (Baum, 2012). Selon Neumann et Gamble (1995), les intervenants ayant peu d’expérience dans ce domaine d’intervention peuvent avoir le désir d’agir en tant que sauveur et vivre des préoccupations intenses pour leurs clients.

Les conditions particulières de l'intervention en situation de crise sont souvent intensives, immédiates et indéterminées dans le temps, ce qui peut engendrer des obstacles pour les intervenants lors de leurs implications (Fraidlin & Rabin, 2006). Par exemple, les professionnels qui œuvrent dans les hôpitaux ont à travailler dans un environnement qui laisse peu de temps pour la préparation à l’intervention (Pockett, 2003). Cette situation peut brimer la qualité de leurs implications en raison de la rapidité des interventions à réaliser, ce qui peut être très insatisfaisant pour ces derniers (Dane & Chachkes, 2001). Des études réalisées auprès d’intervenants psychosociaux travaillant dans le secteur de la santé ont également observé que le roulement fréquent du personnel était aussi une source d’insatisfaction (Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, 2006; Freund, 2005; Gellis, 2002; Gleason-Wynn & Mindel, 1999; Gregorian, 2005). La définition ambiguë de leur rôle11, la planification inadéquate des horaires ainsi que le manque de ressources humaines sont également des éléments qui                                                                                                                          

peuvent être sources de difficultés pour les intervenants (Badger, Royse, & Craig, 2008). Une rémunération insuffisante ainsi que la détérioration de leurs conditions de travail sont des aspects très contraignants pour eux (Qin & Jiang, 2011). Des locaux exigus et inadéquats constituent également des aspects insatisfaisants de leur travail (Maltais, Robichaud, Moffat, & Simard, 2001; Vanier & Fortin, 1996). En ce qui concerne la structure de l’organisation, l’absence de plan de démarrage, l’absence de soutien constant de la part d’un supérieur et le manque d’informations concernant les risques du travail en période de crise sur leur santé biopsychosociale ainsi que sur leur performance au travail sont tous des sources potentielles d’insatisfaction chez les intervenants (Collins & Long, 2003a; Tam et al., 2004). Selon Pines et Maslach (1978), le temps consacré aux tâches administratives figure parmi les stresseurs les plus importants que rencontrent les intervenants psychosociaux.

En outre, le faible niveau de satisfaction au travail peut engendrer des retombées indésirables telles qu’une attitude pessimiste et la faible estime de soi chez les professionnels (Zastrow & Kirst-Ashman, 2004). Les principales causes de stress et d’épuisement émotionnel chez les intervenants psychosociaux seraient liées aux manques de satisfaction et aux hautes demandes reliées au travail (Evans et al., 2006). De plus, le stress et l’insatisfaction en lien avec l’environnement de travail augmentent l’intensité de la fatigue de compassion (Badger, Royse, & Craig, 2008). À ce sujet, Harrington et ses collègues (2001) ont démontré que les professionnels émotionnellement épuisés sont moins satisfaits de leur travail et sont plus susceptibles de démissionner.

À ce jour, les sources de satisfaction des professionnels en situation de crise sont encore peu explorées dans la littérature (Harrison & Westwood, 2009). Pourtant, ces sources sont importantes, car elles incitent les professionnels à poursuivre leurs rôles malgré le risque de vivre des retombées négatives lors de leur implication en situation de crise (Harrison & Westwood, 2009). Donovan et Halpern (2002) soulignent que les gens heureux sont plus ouverts d'esprit et créatifs dans leur façon de penser. En revanche, les personnes qui sont malheureuses, stressées ou insatisfaites ont davantage une pensée statique. Un niveau élevé de satisfaction est donc souhaitable pour les professionnels des organismes de services sociaux (Donovan & Halpern, 2002).

2.4 RETOMBEES DE L’INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE SUR LA SANTE

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