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C HAPITRE II 2 R ECENSION DES ECRITS

2.5 F ACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE QUI FACILITENT OU NON LE TRAVAIL DES INTERVENANTS

2.5.2 F ACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE PENDANT L ’ EVENEMENT ( LORS DE L ’ INTERVENTION )

Les facteurs de protection et de risque pendant l’événement comprennent tous les facteurs que les intervenants sont susceptibles de vivre dans leur travail ou dans leur vie personnelle qui est en lien avec leur travail en situation de crise, de tragédie ou de sinistre. Ces facteurs sont contextuels, organisationnels, personnels et professionnels.

Facteurs contextuels

Les facteurs liés aux événements traumatiques se caractérisent par leur niveau de soudaineté, de violence et d’intensité (Raphael, 1986). Par exemple, les événements soudains impliquant la mort de multiples personnes et un degré de destruction élevé de leur environnement peuvent être marquants pour les intervenants (Paton, 1994). Lorsqu’ils vivent et travaillent dans la même communauté que les victimes, ils partagent avec eux les réalités traumatiques de la crise (Dekel & Baum, 2010). Ils peuvent être amenés à vivre des expériences sensorielles marquantes qui augmentent leur possibilité de vivre de la reviviscence12 (Maltais,

Robichaud, & Simard, 2001). Les intervenants ayant perçu ou vécu réellement une menace pour leur vie ou pour celle de leur proche sont plus à risque de vivre des retombées néfastes (Badger, Royse, & Craig, 2008; Fraidlin & Rabin, 2006). De plus, les intervenants qui ont vécu l’expérience du traumatisme à la fois de façon professionnelle et personnelle sont plus susceptibles de vivre des difficultés que s’ils avaient vécu l’événement uniquement de façon personnelle ou professionnelle (Luce et al., 2002).

                                                                                                                         

12 Reviviscence : Crocq (1999) souligne que c’est l’être dans son entier qui se trouve remis en situation traumatique. En ce sens, il ne s’agit pas du retour d’un souvenir, mais bel et bien d’une fixation du sujet à la situation. La fixation consiste en un phénomène plus général touchant le vécu psychique, les images et les sensations apparues lors du traumatisme (Landa & Gimenez, 2009).  

Le degré d’exposition des intervenants psychosociaux aux crises ou aux récits d’événements traumatiques peut être observé selon la durée de l’exposition, l’intensité de l’événement, et peut varier selon le nombre de contacts avec les victimes (Brotheridge & Grandey, 2002). Les intervenants qui travaillent dans les services de première ligne sont plus susceptibles de vivre de la fatigue de compassion que les autres professionnels (Nelson-Gardell & Harris, 2003). Cela s’explique par l’exposition directe et fréquente aux récits traumatiques de clients en crise (Nelson-Gardell & Harris, 2003). Selon Kessler et ses collègues (1985), le fait d’être exposé à un facteur de stress de façon prolongée n'est pas une garantie qu’un intervenant développera des difficultés psychologiques. Toutefois, Wee et Myers (2002) soulignent que l’exposition prolongée à une situation de crise peut avoir tout de même des répercussions négatives chez ces derniers. De plus, le fait de vivre un facteur de risque peut être dommageable, mais le fait d’en vivre plusieurs simultanément augmente considérablement le niveau de risque de vivre des retombées négatives chez ces derniers (Alexander, 2005; Maltais, Robichaud, & Simard, 2001). Ces facteurs de stress vécus simultanément peuvent être la violence conjugale (Shew, 2010), la perte d’un être cher (Bradford & John, 1991), les difficultés économiques (Kassam-Adams, 1999), le divorce ou la maladie. Ces perturbations entraînent généralement un niveau tolérable de détresse, mais lorsque ces changements sont combinés avec les retombées de l’intervention en situation de crise, cela augmente leur risque de vivre de la fatigue de compassion (Figley, 2002a). En résumé, plus le degré d’exposition du professionnel à un événement traumatique est important, plus les retombées sur sa santé et sa performance au travail risquent d’être marquées négativement (Park, Cohen, & Murch, 1996; Tedeschi & Calhoun, 1996).

En fait, le soutien psychosocial offert aux victimes de traumatismes a certaines caractéristiques propres qui peuvent s'avérer difficilement gérables par les intervenants (Serniclaes, 2003). Parmi ces facteurs, on relève la sévérité des problèmes et la chronicité des événements (Hiscott & Connop, 1989; Maslach, 1978; Oberlander, 1990; Pines & Maslach, 1978) ainsi que la durée et la fréquence des contacts directs avec la clientèle (Maslach & Jackson, 1982; Savicki & Cooley, 1987). L’intensité émotive des rencontres avec les clients, les besoins immenses des victimes ainsi que l'absence de progrès et de résultats créent un contexte de travail particulièrement lourd et exigeant pour les professionnels (Vanier & Fortin, 1996). Les

intervenants travaillant exclusivement avec les victimes ayant vécu un traumatisme important sont plus vulnérables à la fatigue de compassion (Arvay, 2001), car ce type de victime demande souvent plus de temps d’intervention et de ressources (Culver, McKinney, & Paradise, 2011). Les clients en détresse peuvent demander à voir plus régulièrement l’intervenant ou peuvent demander de multiplier les contacts téléphoniques avec le professionnel (Saakvitne & Stamm, 2003).

En ce qui concerne les médias, les intervenants psychosociaux travaillant en Amérique du Nord reçoivent souvent une couverture médiatique négative et la population générale a souvent des préjugés négatifs face à leur profession (Alridge, 1990; Lecroy & Stinson, 2004; Tower, 2000; Winchester, 2003). En général, ces intervenants se sentent sous-estimés par les médias et souhaiteraient que la population prenne conscience de l’importance de leur travail en attachant davantage de valeur à leur profession (Gibbons, Murphy, & Joseph, 2011).

Facteurs organisationnels

Plusieurs recherches confirment le rôle important qu'exercent les facteurs organisationnels dans le développement de la satisfaction et/ou de l’insatisfaction au travail chez les professionnels (Radey & Figley, 2007; Vanier & Fortin, 1996). Parmi les facteurs organisationnels qui nuisent aux professionnels pendant leur intervention, il y a le manque d'autonomie et de contrôle dans l’exercice de leurs fonctions (Savicki & Cooley, 1987), l’interruption des activités quotidiennes familiales (Weaver, 1984), une faible participation au processus de décision (Jackson, 1983; O'Driscoll & Schubert, 1988), le temps accordé aux tâches administratives (Pines & Maslach, 1978), le manque de reconnaissance professionnelle (Friesen & Sarros, 1989), une faible rémunération (Weaver, 1984) et l'ambiguïté du rôle (Jackson & Schuler, 1985; Maslach & Jackson, 1982).

De plus, dans plusieurs études, la pression liée à l’horaire, incluant de longues heures de travail pendant plusieurs semaines et le nombre élevé de victimes, a été associée à l’augmentation de la fatigue de compassion chez les professionnels (Boscarino, Figley, & Adams, 2004; Brady, Guy, Poelstra, & Brokaw, 1999; Creamer & Liddle, 2005; Chrestman, 1999; Kassam-Adams, 1999; Meyers & Cornille, 2002; Schauben & Frazier, 1995; Weaver,

1984). Woodard Meyers et Cornille (2002) ajoutent que travailler plus de 40 heures par semaine peut augmenter le risque de vivre de la fatigue de compassion. Toutefois, quelques études n'ont trouvé aucune relation entre l’horaire de travail et la fatigue de compassion que peuvent vivre les intervenants (Cunningham, 2003; Landry, 2001).

En raison de contraintes budgétaires, les intervenants se retrouvent souvent surchargés de travail (Nave, 2008; Vanier & Fortin, 1996). Le roulement de personnel et le fait de travailler avec des professionnels inexpérimentés peuvent devenir une source de stress lors de crises (Armstrong et al., 1991). Aussi, les transformations du monde des communications amènent la plupart du temps des interactions complexes entre les partenaires de différents milieux impliqués dans les interventions en situation de crise (Lagadec, 1993). Les difficultés que rencontrent les intervenants dans leurs relations avec les ressources extérieures découlent souvent de la méconnaissance des mandats respectifs ce qui amène parfois des relations plus distantes avec les partenaires ainsi qu'un manque d’échange d'information ou de soutien (Vanier & Fortin, 1996). Notons aussi que les visions différentes des interventions à effectuer, en lien avec le type de profession exercé, peuvent également entraîner des conflits dans les relations entre, par exemple, les intervenants psychosociaux et le personnel médical (Vanier & Fortin, 1996). Les nouvelles technologies amènent également une réalité différente lors du travail des professionnels en période de crise. En fait, puisqu’ils sont facilement joignables à partir de téléphones cellulaires, ceux-ci peuvent vivre un stress continu avec la crainte de devoir répondre à un autre incident (Talbot et al., 1995). Soulignons que les professionnels vivant des stress au quotidien dans leur travail peuvent réagir avec une plus grande intensité lors de leur exposition à des événements traumatiques (Regehr et al., 2004).

La surcharge de travail, plus spécifiquement le nombre de clients, est un autre facteur potentiel de stress chez les intervenants (Hiscott & Connop, 1989; Pines & Maslach, 1978). L'impact négatif de la surcharge s'accentue lorsque l'intervenant se sent inefficace avec les clients (Koeske & Koeske, 1989). Dans ces conditions défavorables, trois aspects de la charge de travail apparaissent particulièrement néfastes : 1) le nombre de clients rencontrés quotidiennement, 2) le nombre d'heures par jour en contact direct avec la clientèle et 3) le pourcentage d'interventions de crise réalisées dans le cadre de ses fonctions habituelles (Vanier & Fortin, 1996). De plus, les

incidents traumatiques peuvent impliquer des groupes de personnes ce qui rend l’approche classique de l’intervention individuelle inopérante et les intervenants ont à gérer alors plusieurs victimes simultanément (Serniclaes, 2003). Le risque de stress s'accroît lorsque les contacts avec les clients sont très perturbants, difficiles et frustrants (Maslach, 1978). Les attitudes et les comportements négatifs de certains comme la résistance, l’impuissance, l'hostilité et l'agressivité exercent aussi une influence négative significative sur les intervenants (Ackerley et al., 1988; Browner et al., 1987; Farber & Heifetz, 1981; Hiscott & Connop, 1989; Ntetu, Fortin, Bergeron, & Gagnon, 1999; Serniclaes, 2003). Parfois, les professionnels peuvent développer la crainte d’être victime d’une agression et d’en subir les conséquences (Whittington & Wykes, 1992). La violence dans les milieux de travail peut également contribuer à l'apparition de la fatigue de compassion (Shew, 2010). Il en est de même de l'absence de rétroaction ou de rétroactions négatives de la clientèle (Eisenstat & Felner, 1984; Maslach, 1978).

En ce qui concerne les facteurs organisationnels qui peuvent favoriser le travail des professionnels pendant leurs interventions en situation de crise, Paton et Stephens (1996) proposent qu’avant de se déplacer sur le lieu d’une situation de crise les intervenants doivent se rencontrer afin de déterminer les rôles de chacun afin d’éviter les dédoublements de services ainsi que le stress lié aux tâches à accomplir. Il peut également être aidant d’alterner le type de clientèle à rencontrer (Astin, 1997; Radey & Figley, 2007). La diversification des tâches en alternant les interventions auprès des victimes avec d’autres activités plus techniques comme les réunions semble être bénéfique pour les intervenants psychosociaux (Voss Horrell et al., 2011). Cette diversification empêcherait la rotation du personnel (Sprang, Clark, & Whitt-Woosley, 2007) et permettrait aux intervenants de prendre du recul face à leurs interventions (Voss Horrell et al., 2011). Pearlman (1995) ajoute que ceux qui sont volontaires à travailler en situation de crise vont davantage vivre un sentiment profond de satisfaction et de rapprochement envers l’humanité que ceux qui sont obligés de le faire. Legault (2007) énonce de multiples facteurs que les organisations peuvent mettre en place pour aider les intervenants à réaliser leur rôle en temps de crises tels que favoriser l’autonomie au travail, utiliser l’humour dans ses relations interpersonnelles, prévoir des lieux intimes de repos, amener les intervenants à pratiquer des rituels de détente pour refaire le plein d’énergie et favoriser le partage d’expériences dans les équipes de travail. Selon Paton et Stephens (1996), les organismes se doivent de conscientiser

les intervenants aux risques émotionnels et psychologiques du travail en situation de crise. De plus, la promotion des avantages du programme d'aide aux employés (PAE) dans les organismes permettrait d’encourager les intervenants à utiliser ce service afin de les soutenir et d’améliorer leurs conditions de travail (Stone, 2011). Selon Choi (2011), l’augmentation du financement des ressources de soutien pour les intervenants dans les organisations pourrait favoriser l’accessibilité aux services d’aide adaptés pour eux. Un autre moyen pour aider les professionnels à créer un système d’autogestion de leur santé dans leur vie professionnelle est le mentorat (Patrick, 2007). Le mentorat peut être défini comme un soutien d'orientation qui aide le professionnel à devenir et demeurer efficace professionnellement (Patrick, 2007). Pour les nouveaux cliniciens, le mentorat peut être essentiel à la définition de leur identité professionnelle (Patrick, 2007) et peut les aider à diminuer leur anxiété liée à leur travail (Stoltenberg & McNeill, 2010). Le mentorat est une aide importante pour tous les professionnels, surtout en période de crise (Patrick, 2007).

Facteurs personnels et professionnels

Lors de leurs interventions en situation de crise, les professionnels apportant de l’aide aux victimes ont comme philosophie d’être présents pour ceux qu'ils aident en suspendant temporairement leurs propres besoins afin d'être complètement disponibles pour leurs clients (Baum, 2012). Leur travail en situation de crise exige des professionnels de maintenir leur forme physique et psychologique afin de demeurer continuellement à l'écoute, ouverts, présents et accueillants (Vanier & Fortin, 1996). Parfois, en apparence, certains professionnels vont sembler fonctionnels puisqu’ils font abstraction de leur émotion et des réalités auxquelles ils sont confrontés (Legault, 2007). Il arrive parfois que certains puissent se laisser submerger par cet évitement jusqu’à se consumer (Legault, 2007). Puisque les intervenants psychosociaux sont généralement des gens très dévoués, leur passion pour aider les autres peut parfois conduire au surmenage et à la négligence de leur vie personnelle (Gangsei, 2011).

De plus, les intervenants qui ont de grandes attentes envers leurs implications en situation de crise sont plus à risque de vivre de la fatigue de compassion (Shalvi & Shenkman, 2011). Ces facteurs risquent d’atteindre davantage les intervenants débutants qui peuvent avoir des attentes irréalistes envers l’exercice de leurs futures fonctions (Skovholt, 2001). Afin d’exercer leur

travail, ces professionnels ne doivent pas demeurer dans un perpétuel sentiment d'impuissance où ils développent la croyance qu’ils sont incapables de changer la réalité du vécu traumatique de leurs clients (Serniclaes, 2003). C’est pourquoi, Badger, Royse et Craig (2008) ainsi que Collins et Long (2003a) soulignent qu’il est primordial d’apprendre à respecter ses limites lors de son implication en situation de crise. De plus, Munroe et Brunette (2001) considèrent que les professionnels ayant un conjoint et des enfants sont parfois plus stressés, car non seulement ils ont à remplir leur rôle de professionnel, mais ils ont le rôle de partenaire et de parent. De plus, les membres de leur famille et leurs amis peuvent exprimer leur inquiétude et leur frustration face aux horaires de travail qui ne permettent pas aux professionnels de participer pleinement aux activités familiales et amicales (Pasupuleti et al., 2009).

Tout au long de leur implication en situation de crise, les intervenants ont à accueillir et écouter des aveux troublants, des confidences parfois ahurissantes ainsi que des récits tristes empreints de colère, de haine, de détresse, de souffrance et d’impuissance (Legault, 2007). À certains moments ils voient de leurs propres yeux des situations horribles impliquant des cadavres ou des corps de femmes et d’enfants meurtris par la maltraitance et la violence (Legault, 2007). Les professionnels qui ont à travailler auprès de victimes de violence, de maltraitance, de viol, de torture, et surtout lorsque les victimes sont des enfants, des femmes, des personnes ayant des déficiences cognitives ou motrices et/ou des personnes âgées sont davantage à risque de vivre de la fatigue de compassion (Bober & Regehr, 2006; Creamer & Liddle, 2005; Cunningham, 2003; Figley, 1995b). De plus, Paton (1994) ajoute qu’assister les familles à l’identification de personnes décédées constitue un facteur de risque de ce type d’intervention. Soulignons que certains intervenants peuvent s’identifier aux victimes surtout s’ils ont un sentiment d’appartenance fort au lieu de l’événement ou s’ils sont proches de ces derniers (McCarroll et al., 1995). L’identification est un processus cognitif relié au monde émotionnel par lequel les intervenants viennent à voir les autres comme des semblables (Fullerton et al., 1992). Par exemple, travailler auprès d’enfants victimes peut être difficile pour les professionnels qui ont des enfants. Ces derniers peuvent gérer la situation comme si c’était leurs propres enfants (Figley, 1995b) et peuvent penser que ces situations tragiques auraient pu leur arriver (Hodgkinson & Stewart, 1998). Les victimes deviennent alors un rappel permanent et réel pour les intervenants de leur propre vulnérabilité face à une situation traumatique (Serniclaes, 2003).

En ce qui concerne les qualités requises pour intervenir en situation de crise, Bartone et ses collègues (1989) ont démontré que faire preuve d’optimisme est un facteur de protection pour les intervenants. Patrick (2007) ajoute que cette qualité peut leur éviter de vivre de la fatigue de compassion. Les intervenants qui ont confiance en leur capacité à aider les victimes sont également moins à risque de vivre des retombées négatives de l’intervention en situation de crise (Fryer et al., 1989). Précisons que dans le cadre de leurs fonctions, les professionnels ont à prendre certaines décisions qui peuvent être difficiles, car il s’agit d’un exercice autant psychologique qu’émotionnel (Rothschild & Rand, 2006). C'est pourquoi la confiance en leur propre capacité d’intervention peut les aider dans leur prise de décision (Bandura, 1997) et développer leur résilience (Luthans et al., 2006). De plus, la connaissance approfondie de leur propre force et faiblesse leur permet de se perfectionner dans leur pratique (Legault, 2007). Le fait de percevoir le travail auprès de clients traumatisés comme un défi diminue les risques pour les professionnels de vivre de la fatigue de compassion (Patrick, 2007; Pearlman & Saakvitne, 1995a, 1995b; Saakvitne & Pearlman, 1996; Saakvitne et al., 1998).

Concernant le soutien social pendant leur implication en situation de crise, Prati et Pietrantoni (2010) affirment qu’il s’agit d’un facteur de protection incontournable pour favoriser la santé biopsychosociale des intervenants psychosociaux. Le soutien social peut exercer un impact positif direct sur leur santé psychologique (LaRocco et al., 1980; Winnubst et al., 1982) et être un facteur de résilience important (Gentry, Baranowski, & Dunning, 2002; Moran 2002; Pearlman, 1995). Cohen et Wills (1985) considèrent que le fait d’être convaincu que certaines personnes peuvent les aider atténue les retombées d’un événement stressant sur eux. À ce sujet, Prati et Pietrantoni (2010) mentionnent que le soutien social perçu par les intervenants en période de crise est un facteur qui a une influence certaine sur la durée des retombées. Le soutien social a un impact direct sur la diminution de l’épuisement professionnel (Tousignant, 1992) et de la dépréciation professionnelle (Coster & Schwebel, 1997). Il peut aussi agir comme modérateur entre le stress au travail et la santé (Cohen & Wills, 1985; LaRocco et al., 1980; Winnubst et al., 1982) ainsi qu’avoir une influence bénéfique sur le bien-être général des intervenants (Himle et al., 1991; Leiter, 1988, 1991; Ross et al., 1989; Savicki & Cooley, 1987). Plus un professionnel a des ressources sociales, moins il se concentrerait sur les aspects négatifs de son travail et plus il développerait des stratégies d’adaptation face aux événements (Moos & Schaefer, 1993). De

plus, Naturale (2007) a constaté qu’être marié diminuait les risques de vivre de la fatigue de compassion. Le soutien familial lors de leur intervention en situation de crise est nécessaire afin de diminuer leur charge de stress professionnel et personnel (Dekel & Baum, 2010). L'écoute du partenaire peut également permettre aux intervenants de partager leur vécu (Dekel & Baum, 2010). Passer du temps avec sa famille et ses amis (Radey & Figley, 2007) ainsi que la possibilité de confier ses émotions à sa famille, ses amis et ses collègues sont des facteurs de protection pour les professionnels (Lepore, 2004).

D’autres facteurs peuvent favoriser le bien-être des intervenants lors de leurs interventions en situation de crise tels que faire de l’exercice (Radey & Figley, 2007), avoir une alimentation saine (Tehrani, 2010), avoir un sommeil réparateur (Gangsei, 2011), faire de la méditation (Ringenbach, 2009), pratiquer des activités créatives (Gentry, Baranowski, & Dunning, 2002; Moran 2002; Pearlman, 1995), s'engager dans un passe-temps (Tehrani, 2010) et faire partie d’une communauté religieuse (Gentry, Baranowski, & Dunning, 2002; Moran 2002; Pearlman, 1995). Oswald (1991) ajoute d’autres moyens tels que limiter le nombre d'heures de travail, avoir de saines habitudes de consommation, consacrer suffisamment de temps aux relations et aux activités qui sont agréables, prendre des pauses régulières pendant la journée de travail, éviter le surmenage et le surengagement, écrire ses pensées ainsi que limiter les relations insatisfaisantes (Oswald, 1991). De plus, les intervenants qui ont développé un esprit pragmatique en usant de techniques de planification peuvent alléger leurs tâches et diminuer certains impacts néfastes liés aux contextes de crise (Prati & Pietrantoni, 2010). Parfois, les intervenants peuvent aussi avoir besoin d'ignorer ou de négliger les aspects de la profession qui sont plus difficiles ou moins satisfaisants tels que des problèmes liés à la bureaucratie (Patrick, 2007). Toutefois, l’ensemble de ces facteurs d’autosoins est souvent négligé par les intervenants psychosociaux (Boscarino, Figley, & Adams, 2004). C'est pourquoi Radey et Figley (2007) spécifient que les professionnels ont besoin d’être sensibilisés à la nécessité d’appliquer des techniques de soins autoadministrés tout au long de leur carrière. Ils doivent consciemment prendre le temps pour des activités récréatives, sociales et spirituelles (Gangsei, 2011). Ces pratiques d’autosoins peuvent les amener à profiter pleinement de leur implication en situation de crise, sans craindre la portée de tels événements (Warren et al., 2010).

2.5.3FACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE APRES L’EVENEMENT (POST-INTERVENTION)

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