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C HAPITRE V 5 R ESULTATS

6.1 V ECU DES INTERVENANTS PSYCHOSOCIAUX DES CSSS DU S AGUENAY L AC S AINT J EAN EN SITUATION DE CRISE

Tout comme le démontre de plus en plus la littérature actuelle concernant l’implication des professionnels lors d’événements traumatiques, cette étude nous a permis de constater que les intervenants psychosociaux des CSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean oeuvrant en situation de crise sont également susceptibles de vivre diverses sources de satisfaction, d’insatisfaction et difficultés (Maltais, Robichaud, & Simard, 2001), de retombées positives et négatives (Figley, 1995b) et certains facteurs peuvent faciliter ou non leurs fonctions liées à ce type d’intervention

(Radey & Figley, 2007).

6.1.1SOURCES DE SATISFACTION, D’INSATISFACTION ET DIFFICULTES VECUES

Les intervenants rencontrés dans les CSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean apprécient généralement de travailler en situation de crise. Ces derniers s’intéressent à ce type de fonction principalement parce qu’ils ont moins de contraintes administratives à respecter au sein des services d’urgence (ex. : pourcentage de clients à rencontrer et rapports fastidieux). Comme le mentionnent Pines et Maslach (1978), le temps passé aux charges administratives constitue un des plus grands stresseurs au travail. La reconnaissance des victimes et le développement de leur créativité en intervention de crise sont également des aspects grandement appréciés de ces professionnels (Maltais, Robichaud, & Simard, 2001). De plus, les intervenants qui ont choisi de travailler au sein du service de la garde sociale le font également pour être à jour dans leur

pratique et être prêts à intervenir lors du déploiement des mesures d’urgence. À ce sujet, Maltais, Robichaud et Simard (2001) ont relevé que les intervenants appréciaient travailler en contexte d’événements traumatiques, car ce type de situation leur permettait d’acquérir de l’expérience et une certaine expertise en intervention psychosociale de crise.

En ce qui concerne la reconnaissance de l’organisation envers le travail des intervenants, lorsque l’institution utilise des stratégies de récompense comme une reconnaissance monétaire ou souligne leur implication de façon significative (ex. : lors d’une cérémonie), cela favorise la satisfaction au travail. Ortlepp et Friedman (2002) ont aussi observé que les intervenants qui ont vécu une grande reconnaissance de la part de leur organisation étaient davantage satisfaits de leur travail et enclins à s’impliquer dans les services d’urgence.

Les sources d’insatisfaction et les difficultés rencontrées par les intervenants ayant à travailler en situation de crise reflètent pourquoi les services d’urgence ont parfois de la difficulté à recruter du personnel pour intervenir lors d’événements traumatiques. À ce sujet, les répondants ont d’abord mentionné que le roulement fréquent du personnel était insatisfaisant lorsqu’ils ont à travailler en collaboration avec leurs collègues. Gellis (2002) spécifie que le roulement de personnel dans les institutions est souvent source d’insatisfaction et de complications pour les professionnels. Ensuite, le manque d’informations concernant leurs rôles ainsi que la planification inadéquate de leur horaire sont aussi des sources d’insatisfactions et des difficultés vécues par les répondants, et plusieurs études abondent en ce sens (Badger, Royse, & Craig, 2008; Collins & Long, 2003a). Enfin, le manque d’informations concernant une situation de crise peut complexifier leur implication lors d’un événement et être très insatisfaisant pour les répondants sachant que d’autres personnes (supérieurs ou partenaires externes) pourraient leur fournir davantage de renseignements. Collins et Long (2003a) spécifient que ce manque d’encadrement et d’informations peuvent être des sources potentielles d’insatisfaction, puisque cette situation peut nuire grandement à la planification de leur implication.

6.1.2RETOMBEES POSITIVES ET NEGATIVES DE L’INTERVENTION EN SITUATION DE CRISE

En ce qui concerne les retombées de l’intervention en situation de crise chez les intervenants, les résultats de la présente étude ont démontré davantage de retombées positives de ce type d’intervention que de retombées négatives. La principale retombée positive de ce type d’intervention semble être la satisfaction par la compassion. Même si cette retombée n’a pas été nommée comme telle par les répondants, les résultats démontrent que la majorité des intervenants rencontrés dans les rencontres de groupe vivent ce type de satisfaction. Ainsi, comme l’ont mentionné les répondants de la présente étude, ce type d’intervention leur procure le sentiment de satisfaction de venir en aide aux victimes et de faire une différence dans leur vie. De plus, ils ont souligné que leur relation de travail significative avec leurs collègues est un aspect très important de leur travail. À ce sujet, Stamm (2002) décrit la satisfaction par la compassion comme la satisfaction envers les relations interpersonnelles positives avec ses collègues et leur contribution à un monde meilleur. La majorité des répondants de la présente étude voient leur travail comme une vocation en dépit des difficultés rencontrées, tout comme les professionnels rencontrés dans l’étude de Friedman (2002).

De plus, d’autres retombées positives ont été mentionnées par les répondants, qui sont également présents dans la recension des écrits telles qu’une vision positive du monde et d’eux- mêmes (Gibbons, Murphy, & Joseph, 2011), un fort sentiment d’accomplissement professionnel (Shamai & Ron, 2009), le renforcement de leur relation interpersonnelle avec leurs collègues de travail (Hodgkinson & Shepherd, 1994) et leurs proches (Linley & Joseph, 2004) ainsi que l’augmentation de leur performance au travail (Ferris Lian, Brown, Pang, & Keeping, 2010).

Si les intervenants retirent de nombreuses retombées positives de ce type d’intervention, il n’en reste pas moins qu’ils sont également sujets à vivre certaines retombées négatives. Par exemple, dans un des CSSS rencontrés, les intervenants ont à assumer certaines périodes de garde sociale en dépit de leur volonté. Il est intéressant de constater que spécifiquement dans ce CSSS, les répondants ont relevé davantage de retombées négatives de ce type d’intervention, dont principalement la fatigue de compassion. Comme le souligne Figley (2002a), la principale retombée négative présente chez les professionnels suite à leurs interventions en situation de crise est la fatigue de compassion. Toute comme le mentionne Figley (2002a), ces intervenants

ont démontré des symptômes cognitifs comme la diminution de la concentration, des symptômes émotionnels comme l’anxiété et la culpabilité, des symptômes comportementaux comme des modifications des habitudes du sommeil et des symptômes liés à leur performance au travail comme une faible motivation à travailler et l’absentéisme avec la prise de congés de maladie.

En général, il peut être difficile pour les intervenants de faire face au stress inhérent de l’intervention en situation de crise. En effet, le stress est une retombée négative qui a été plusieurs fois citée dans les rencontres de groupe et également souvent mentionnée dans la littérature actuelle (Colarossi, Heyman, & Phillips, 2005; Cronin, Ryan, & Brier, 2007; Eidt, 2006; Fullerton, Ursano, & Wang, 2004; Kanno, 2010; Paton, 2003; Scott, 2007). De plus, d’autres retombées négatives ont été mentionnées par les répondants qui sont aussi présents dans la recension des écrits telles que le fait d’être consterné par le malheur des autres (Maltais, Robichaud, Moffat, & Simard, 2001), de vivre de l’épuisement professionnel (Munroe & Brunette, 2001) et éviter certaines émissions télévisuelles (Sommer, 2011).

6.1.3FACTEURS DE PROTECTION ET DE RISQUE LIES A LEUR TRAVAIL EN SITUATION DE CRISE Tout comme dans la littérature actuelle, les résultats de la présente recherche ont démontré que de multiples facteurs de protection peuvent faciliter grandement le travail des intervenants avant, pendant et après les situations de crise. D’une part, l’uniformisation des pratiques entre les intervenants des différents services des CSSS avec leurs partenaires est un facteur pouvant faciliter grandement leur travail lorsqu’un événement tragique se produit (Collins & Long, 2003a). La formation autant théorique que pratique est également un élément souvent mentionné à la fois par les répondants de l’étude et dans les écrits scientifiques actuels (Violet, 2010). Les résultats de la présente étude suggèrent également la nécessité de préserver et de renforcer les ressources de soutien social à la suite de leur implication en situation de crise, tout comme l’ont mentionné Prati et Pietrantoni (2010). L’expérience de travail est aussi un facteur de protection important pour les professionnels, car il leur permet d’acquérir et d’utiliser un cadre de références lors de leur implication. À ce sujet, Pearlman et MacIan (1995) précisent qu’une expérience significative en intervention de crise peut diminuer les retombées négatives de ce type d’intervention. De plus, selon les répondants, posséder et maintenir une forme physique et psychologique est essentiel pour effectuer ce type d’intervention. Vanier et Fortin (1996) précisent que la forme physique et psychologique peut leur permettre de demeurer constamment

à l’écoute, ouvert, présent et accueillant lorsqu’un événement se produit. Afin de conserver cette forme, diverses saines habitudes de vie ont été mentionnées à la fois par les répondants et certains auteurs telles que faire de l’exercice (Radey & Figley, 2007), avoir un sommeil réparateur (Gangsei, 2011) et pratiquer des activités récréatives (Gentry, Baranowski, & Dunning, 2002).

Malgré la présence des facteurs de protection qui permettent d’influencer favorablement le travail des intervenants en situation de crise, il existe néanmoins des facteurs de risque auxquels il faut prêter également attention afin que ces derniers soient reconnus, et dans la limite du possible, maitrisés ou éradiqués. Par exemple, le non-volontariat, et donc l’obligation d’intervenir en situation de crise, peut être très insatisfaisant pour les répondants et peut engendrer davantage de retombées négatives (Pearlman, 1995). Un faible niveau de distance émotionnelle a été également cité par les répondants et est un facteur de risque présent dans l’étude de McCann et Pearlman (1990). Les changements générationnels sont aussi des facteurs de risque très marqués dans les CSSS de la région, car les jeunes intervenants vont davantage revendiquer un meilleur équilibre entre leur travail et leur vie personnelle (Brissette, 2008). Malheureusement, cette situation engendre souvent des charges de travail plus grandes aux intervenants plus âgés. La gestion par programmes et la restructuration fréquente des CSSS sont également des facteurs de risque autant présents dans cette étude que dans la littérature scientifique (Baker, 2003; Neuman, 2002). Ce type de gestion nuit au travail des intervenants et entrave les communications au sein des établissements entre les différents services. En ce qui concerne leur relation avec leurs partenaires externes, le manque de connaissances de leurs mandats mutuels peut grandement nuire au partenariat interétablissement, comme le soulignent également Vanier et Fortin (1996). Enfin, le manque de rencontres pour soutenir les intervenants dans les organisations est un élément qui affecte le bien-être et la performance au travail des répondants tout comme les professionnels interrogés dans l’étude de Radey et Figley (2007).

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