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I.1.5 Vers une physique au-delà du Modèle Standard

I.1.5.2 Les oscillations de neutrinos

En revenant au MS, la relation qui existe entre les saveurs et les masses est donnée par la relation :

  |νei |νµi |ντi  = UMNSP   |ν1i |ν2i |ν3i   (I.1.7)

où UMNSP9 désigne la matrice de mélange reliant les masses et les saveurs : elle permet d’exprimer les saveurs dans la base des états propres des masses. Elle possède a priori les propriétés suivantes : elle est inversible (puisqu’on observe des oscillations) et n’est pas diagonale (sinon les saveurs seraient des valeurs propres des états de masse). Notons que les oscillations mettent en évidence l’existence des masses des neutrinos, mais elles ne permettent pas d’y accéder directement, ni d’accéder à la hiérarchie de masse, pour laquelle deux possibilités subsistent, montrées fig. I.1.4.

FIGUREI.1.4 –Hiérarchies de masse normale et inversée.

Nous connaissons la hiérarchie pour m1, m2grâce aux effets de matière subis par les neutrinos solaires.

UMNSP=   Ue1 Ue2 Ue3 Uµ 1 Uµ 2 Uµ 3 Uτ 1 Uτ 2 Uτ 3  (I.1.8) UMNSP= U23U13U12=   1 0 0 0 c23 s23 0 s23 c23     c13 0 s13e−iδCP 0 1 0 s13eCP 0 c13     c12 s12 0 −s12 c12 0 0 0 1  (I.1.9)

où les ci j≡ cos θi j, les ci j≡ sin θi javec θi j∈ [0;π

2] et les eiδCPsont les phases de brisure de CP. θ12concerne le domaine des neutrinos solaires et θ23, le domaine des neutrinos atmosphériques.

Cette écriture est valable dans le cas où les neutrinos sont des particules de Dirac. Dans le cas où elles seraient des particules de Majorana, l’écriture devient :

UMNSPMajorana= UMNSP   1 0 0 0 e 0 0 0 e   (I.1.10)

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où les eet e sont les phases de Majorana.

Les expériences d’oscillation n’étant pas sensibles aux phases de Majorana [3], nous n’en parlerons pas davantage.

Pour déterminer les angles de mélange, on peut utiliser plusieurs types d’expériences : en particulier celles qui recherchent la disparition de neutrinos d’une saveur donnée et celles qui recherchent leur appa-rition. Ces deux approches sont complémentaires et reposent sur la propagation de la fonction d’onde d’un neutrino pendant un temps t correspondant à un parcours x = ct = t :

Dans le vide, on a :

νs(x,t) =

m

Usmνme(−im2m/2pνt) (I.1.11)

avec s qui désigne la saveur et m la masse. Or chaque composante de masse du neutrino de saveur s possède une énergie valantpp2

ν+ m2

m' pν+ m2

m/2pν, ce qui se traduit par :

νs(x,t) =

s0 

m UsmUs0me(−im2m/2pνt)  νs0. (I.1.12)

Au bilan, la probabilité d’observer un neutrino de saveur s0 à partir de la propagation sur une distance x d’un neutrino de saveur s vaut :

P(νs→ νs0, x) =

m Usm2Us20m+

m0 UsmUsm0Us0mUs0m0cos(2π x Lmm0) (I.1.13)

avec Lmm0, la longueur d’oscillation donnée par :

Lmm0 = 4π pν |m2 m− m2 m0|= 4πE ∆m2 (I.1.14)

Si on simplifie en ne considérant que deux saveurs de neutrinos, ce qui est légitime dans la mesure où θ13et ∆m2sol ∆m2

atm, on obtient les probabilités d’observer un neutrino de saveur s et celle d’observer un neutrino de saveur s0 à partir de la propagation d’un neutrino de saveur s avec les équations suivantes :

P(νs→ νs, x) = 1 − sin2(2θ ) sin2x

LOSC) (I.1.15)

P(νs→ νs0, x) = sin2(2θ ) sin2x

LOSC) (I.1.16)

avec LOSCla longueur d’oscillation par :

LOSC(m) =2.48E(MeV )

∆m2(eV2) (I.1.17)

Il convient ensuite de prendre en compte l’effet de la matière sur la propagation, qui modifie la longueur d’oscillation : Lm=q LOSC 1 − 2(LOSC l0 ) cos(2θ ) + (LOSC l0 )2 (I.1.18)

avec l0= 2π/(2GFNe), la longueur caractéristique de la matière et Ne/(6.1023) est le nombre d’électrons par cm3.

Si on reprend les équations qui vont permettre de réaliser une expérience d’oscillation de neutrinos : I.1.15, I.1.18, I.1.17, on déduit que le phénomène d’oscillation dépend des angles d’oscillation θi j et des différences de masses au carré ∆mi j. De plus, on voit que pour maximiser la probabilité d’oscillation, il faut déterminer la distance optimale entre la source de neutrinos et le détecteur. Cette distance dépend des ∆mi j.

I.1 : Quelques éléments de physique des neutrinos 11

Les neutrinos solaires

L’expérience de KamLAND [5] a apporté une grande contribution pour la connaissance des paramètres sur les neutrinos solaires. À l’origine conçu pour détecter les νe des centrales nucléaires japonaises, Kam-LAND est un détecteur de 1000 tonnes de scintillateur liquide couplé à 1900 photomultiplicateurs (PM) installé dans l’ancienne caverne de Kamioka.

Grâce à cette expérience couplée aux précédentes, KamLAND a permis d’établir que l’angle de mélange dans le secteur solaire était maximal. Les récents fits réalisés après la conférence "neutrino 2012" [11] donnent :

∆m2 = 7.6 ± 0.19 × 10−5eV2à 1σ (I.1.19)

sin2θ12= 0.32 ± 0.016 à 1σ (I.1.20)

Les deux expériences de SuperKamiokande (1998) [6, 7], au Japon et de Sudbury Neutrino Observatory (SNO) ont apporté une grande contribution à la résolution de cette énigme du déficit des neutrinos solaires. L’expérience de SuperKamiokande a prouvé un déficit dans le nombre de neutrinos muoniques attendus et la compatibilité de ce déficit avec une hypothèse d’oscillation.

Finalement, l’expérience de Sudbury Neutrino Observatory (SNO) [8, 9] près de Toronto, est menée avec une physique de détection reposant sur trois réactions différentes dont deux reposant directement sur le liquide choisi : 1 kT d’eau lourde (plus précisément le deutérium) :

νe+ d −→ e+ p + p (I.1.21)

ν + d −→ ν + p + n (I.1.22)

ν + e −→ ν + e (I.1.23)

De ces trois réactions, seule I.1.21 n’est sensible qu’aux neutrinos électroniques. Les autres peuvent avoir lieu avec n’importe quelle saveur de neutrino.

En 2002, les résultats obtenus sont concluants : le nombre de neutrinos attendus par la théorie est bien présent, mais seulement un tiers est effectivement de saveur électronique. En conséquence, les deux tiers restant ont changé de saveur (soit µ, soit τ) durant leur parcours entre le Soleil et la Terre.

L’oscillation des neutrinos est ainsi prouvée de façon incontestable.

Les neutrinos atmosphériques

Les premiers détecteurs dédiés à l’étude de ces neutrinos ont pris leurs mesures vers le milieu des années 80. Il y avait alors deux physiques de détection : soit par lumière Cerenkov, soit par calorimétrie.

Un désaccord entre les résultats de Kamiokande (Cerenkov), qui indiquaient une oscillation des neu-trinos atmosphériques, et de Fréjus (calorimétrie) qui indiquaient le contraire, a conduit, entre autres expé-riences, au développement de SuperKamiokande (qui confirme les données de Kamiokande et interprète les données en termes d’oscillation νµ → ντ) puis de K2K (qui confirme le meilleur ajustement de SuperK). Cette dernière expérience consiste à diriger le faisceau de neutrinos de 12 GeV10de KEK vers le détecteur de Superkamiokande, constitué de 50 kTonnes d’eau (11146 photomultiplicateurs sur la surface interne).

Grâce aux expériences menées sur les neutrinos atmosphériques, on a maintenant les données suivantes [11] :

∆m2atm = (2.6+0.06−0.09) × 10−3eV2à 1σ (I.1.24) sin223) = 0.613(0.427) plages 0.400 − 0.461 0.573-0.635 à 1σ (I.1.25)

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Et θ13?

Au bilan, grâce à l’étude des neutrinos solaires et celle des neutrinos atmosphériques, on connaît main-tenant avec une bonne précision : θ12(I.1.20), θ23(I.1.25), ∆m2 (I.1.19) et ∆m2atm(I.1.24). Par ailleurs, grâce aux expériences mentionnées supra, on a les rapports entre les masses suivants : ∆m2  ∆m2

atm' ∆m2 31' ∆m232.

Il nous reste maintenant à nous intéresser au dernier angle : θ13afin de déterminer le dernier coefficient de la matrice de mélange.

L’expérience de Chooz, dans les Ardennes a permis de contraindre, à la fin des années 1990, la valeur de θ13par sin2(2θ13) < 0.2 avec 90% de certitude, en prenant ∆m2atm= 2.10−3eV2. Cette contrainte est restée la meilleure contrainte sur le plan international jusqu’en 2011. Toutefois, cette contrainte ne permettait pas d’exclure la valeur de 0. L’objectif principal de l’expérience Double Chooz, qui est présentée en I.2, est de déterminer cet angle, dont nous rappellerons l’intérêt particulier dans la prochaine section.