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I.5 L’avenir du nucléaire - enjeux énergétiques pour le futur 37

I.5.2 Le nucléaire, une énergie durable ?

L’énergie récupérée par la fission des noyaux fissiles permet aujourd’hui de produire de l’énergie élec-trique, mais elle pourrait permettre, à moyen terme, d’atteindre des températures élevées nécessaires à des processus industriels utilisant jusqu’à présent le pétrole ou le charbon. Elle pourrait également servir de

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FIGUREI.5.2 –Objectif de réduction des gaz à effets de serre par poste de consommation d’énergie.

moyen alternatif à des processus chimiques à "froid" hautement polluants (par ex : la production d’hydro-gène).

Toutefois, si l’on met en évidence le caractère fini des énergies fossiles, il convient dans un premier temps de remarquer que les ressources en Uranium sont également comptées [3], et il faut en conséquence réfléchir à une façon de fermer le cycle du combustible, et/ou en tout cas, d’accroître les ressources : cela passe par l’exploration du cycle de combustible Thorium et par la mise en place de réacteurs surgénérateurs. D’après la publication [3], la demande en uranium devrait continuer à croître dans le futur prévisible dans la mesure où le nucléaire demeure un élément clé du bouquet énergétique mondial. Plusieurs États planifient la construction de nouvelles centrales électronucléaires, la plus forte croissance étant attendue en Chine, en Fédération de Russie, en Inde et en République de Corée. Il reste toutefois à déterminer le rythme et l’importance de la croissance de la puissance installée ailleurs. D’ici 2035 et d’après le Secrétariat commun AEN-AIEA, la capacité de production d’électricité d’origine nucléaire mondiale devrait passer de 375 GWe net (fin 2010) à 540 GWe net, dans l’hypothèse basse, et 746 GWe, dans l’hypothèse haute, soit une augmentation comprise entre 44 % et 99 %. Par conséquent, les besoins annuels mondiaux en uranium des centrales nucléaires devraient progresser de 63 875 tonnes d’uranium métal (tU) à la fin de 2010 à un chiffre situé entre 98 000 tU et 136 000 tU en 2035 ([3]). La base de ressources actuellement identifiée est donc plus que suffisante pour répondre à la demande dans l’hypothèse haute jusqu’en 2035 et dans le futur prévisible. Malgré cette abondance de ressources, il faudra, pour satisfaire la demande projetée, investir en temps opportun dans des installations de production, étant donné les longs délais (de l’ordre d’une dizaine d’années, voire plus, dans la majorité des pays producteurs) nécessaires pour développer les installations.

En définitive, pour constituer une source d’énergie durable permettant de réduire drastiquement les émis-sions de gaz à effet de serre, le nucléaire doit avoir une sûreté renforcée, proposer une gestion des déchets optimisée et responsable, fermer le cycle du combustible (ou a minima l’étendre au cycle 232Th/233U) et dans la mesure du possible étendre son utilité au delà de la production d’énergie. Ces défis sont résumés dans la figure I.5.3.

40 I.5.2 Le nucléaire, une énergie durable ? F IG U R E I.5.3 – Principaux critères de choix de réacteur du futur .

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Pour relever le défi du nucléaire durable, le DOE (Department Of Energy) américain a créé le forum "Génération IV" en 2000. Le premier objectif a été de fixer les priorités en termes de R& D des réacteurs du futur I.5.5. Ces priorités ont été décidées lors du meeting de Tokyo en 2002, et ont abouti à la liste des six filières estimées les plus prometteuses :

1. les réacteurs à neutrons rapides et caloporteur gaz (GFR) ; 2. les réacteurs à neutrons rapides et caloporteur plomb (LFR) ; 3. les réacteurs à neutrons rapides et caloporteur sodium (SFR) ; 4. les réacteurs à caloporteur gaz et à très haute température (VHTR) ; 5. les réacteurs à eau supercritiques (SCWR) ;

6. les réacteurs à sels fondus (MSR).

Ces filières sont présentées fig. I.5.4, à partir des schémas disponibles sur le site web du forum [4]

FIGUREI.5.4 –Les différents types de réacteurs retenus par le projet gen. IV.

Tous ces types de réacteurs ne nécessitent pas le même effort de R&D et ne seront pas développés en même temps. L’échelle de temps du projet est fournie fig. I.5.5, également à partir du site [4].

Dans le cadre de ce forum, l’Europe a vocation à jouer un rôle important et s’investit préférentiellement pour les projets qui ferment le cycle du combustible [5] :

42 I.5.2 Le nucléaire, une énergie durable ?

FIGUREI.5.5 –Échelle de temps du projet gen. IV.

Gen. I : Shippingport : réacteur à eau pressurisée, Dresden : réacteur à eau bouillante, MAGNOX : réacteur gra-phite/gaz. (Les types de réacteurs sont présentés dans la section I.6

Gen II : PWR est l’acronyme anglais pour réacteur à eau (légère) pressurisée (REP), BWR, réacteur à eau bouillante, CANDU, réacteur à eau lourde pressurisée de conception canadienne.

Les réacteurs de Gen. III correspondent à des améliorations de réacteurs de Gen II : CANDU 6 pour CANDU, System 80+ pour un type de REP, AP600 et AP1000 sont des REP avec des systèmes de sécurité passifs, de même que l’EPR, l’ESBWR, APWR, et ABWR, désignent des réacteurs avancés de concepts existants (REP, eau bouillante).

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– Réacteur à neutrons rapides et caloporteur sodium : projet ASTRID – Réacteur à neutrons rapides et caloporteur gaz : projet ALLEGRO – Réacteur à neutrons rapides et caloporteur plomb : projet ALFRED – Réacteur à très haute température : projet RAPHAEL

Nous avons tout de même mentionné le projet RAPHAEL, qui n’est pas un réacteur fermant le cycle du combustible, mais un réacteur à très haute température. Parmi les critères de choix industriels, outre la capa-cité de rechargement en ligne (intéressante du point de vue des coûts industriels mais pénalisante en termes de lutte contre la prolifération), l’enrichissement initial et le burnup maximal accessible sont des grandeurs prises en compte (cf tab.I.5.1) : plus le burnup accessible est élevé, mieux le réacteur est rentabilisé. La valeur de l’enrichissement souhaitée dépend essentiellement de la technologie d’enrichissement utilisée. A contrario, plus le burnup est élevé, plus le retraitement du combustible est malaisé.

A ce jour, deux procédés d’enrichissement sont mis en œuvre : l’enrichissement par diffusion et l’enrichis-sement par centrifugation. Il existe un rapport de 24 en termes de consommation d’énergie pour un même enrichissement[6], en défaveur de la diffusion. De ce fait, les pays utilisant l’enrichissement par diffusion préfèreront des combustibles faiblement enrichis (3-5%), tandis qu’avec un procédé par centrifugation, on peut envisager des enrichissements plus élevés (8-10%).

Filière CANDU REP RNR VHTR

Enrichissement (%) 0.7 4 15 8.5

Burnup accessible (GWj/t) 10 40 100 80 à 150

TABLEI.5.1 –Enrichissement initial et burnup maximal accessible pour des filières d’intérêt