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1.3 Etat de l'art de la physique du neutrino

1.3.2 Oscillation des neutrinos

Les neutrinos du Modèle Standard sont considérés comme des particules sans masse, avec des états propres de masse dégénérés. Cela signie qu'il n'existe aucun mélange possible entre les dif-férentes saveurs de neutrinos. Cependant, un bouleversement considérable a frappé la communauté

scientique de la physique des particules avec la découverte, en 1998, de l'oscillation des neutrinos à l'observatoire SuperKamiokande. En eet, s'il existe des oscillations entre diérents états de saveurs du neutrino, c'est que le neutrino a une masse et que les états de saveurs (νe, νµ, ντ) de l'interaction faible ne correspondent pas aux états propres de masse (ν1, ν2, ν3).

La suite de cette partie s'attachera à décrire comment représenter le mélange des neutrinos ainsi que le phénomène d'oscillation dans le vide et la matière.

Mélange de saveurs

En considérant des neutrinos massifs, on suppose une possibilité d'avoir un mélange des saveurs du neutrino. Cela signie qu'un neutrino associé à une certaine charge leptonique (e, μ, τ) qui se couple avec un boson W n'est pas un état propre de masse mais une superposition d'états propres de masse. De la même façon que pour les quarks avec la matrice de mélange des quarks CKM [36][37], la relation entre ces deux bases est décrite par une matrice de mélange unitaire U, la matrice de mélange de Pontecorvo-Maki-Nakagawa-Sakata (PMNS) [38][39] de telle sorte que :

αi =X

i

Uαiii avec α = e, µ, τ et i = 1, 2, 3 . (1.3.14) ou bien sous sa forme matricielle :

  νe νµ ντ  = U   ν1 ν2 ν3  =   Ue1 Ue2 Ue3 Uµ1 Uµ2 Uµ3 Uτ 1 Uτ 2 Uτ 3     ν1 ν2 ν3   (1.3.15)

La matrice PMNS étant unitaire, les neufs paramètres peuvent être réduits à trois angles de mélange θ12, θ13, θ23. Elle s'écrit alors :

U =   1 0 0 0 c23 s23 0 −s23 c23     c13 0 s13e−iδ 0 1 0 −s13e 0 c13     c12 s12 0 −s12 c12 0 0 0 1   =   c12c13 s12c13 s13e−iδ −s12c23− c12s23s13e c12c23− s12s23s13e s23c13 s12s23− c12c23s13e −c12s23− s12c23s13e c23c13   (1.3.16)

où cij = cos θij, sij = sin θij (i,j = 1,2,3) et δ un terme de phase de Dirac non nul dans le cas d'une violation de symétrie CP. A noter que dans le cas d'un neutrino de Majorana, il faudrait ajouter deux phases additionnelles α1 et α2 sous la forme d'un produit avec la matrice diagonale (eiα1, eiα2, 1).

A partir de cette décomposition sous la forme d'un produit de trois matrices, on peut assimiler chacune d'entre elles à un type d'étude spécique :

1. La première matrice de rotation décrit la rotation entre la seconde et la troisième génération de neutrinos. L'étude de θ23 est privilégiée par des expériences recherchant la disparition du νµ dans le domaine des neutrinos atmosphériques.

2. La seconde matrice de rotation décrit la rotation entre la première et la troisième génération de neutrinos. L'étude de θ13 est toute récente en raison de la faible valeur de cet angle de mélange et donc des dicultés à le mesurer. Celui-ci peut être obtenu à partir de l'observation de la disparition du ¯νeà partir d'un ux de neutrinos de réacteurs nucléaires ou bien l'ob-servation de l'apparition du ¯νe à partir d'un faisceau de neutrinos issus d'accélérateurs.

3. La troisième matrice de rotation décrit la rotation entre la première et la seconde génération de neutrinos. C'est grâce à l'observation de la disparition du νe provenant des neutrinos solaires qu'on peut obtenir la valeur de θ12.

Une mise en perspectives des plus récentes études sur ces paramètres de mélange sera présentée dans la section 1.3.3.

Oscillation des neutrinos dans le vide

Nous avons vu, au cours des sections précédentes, que le neutrino était créé par le biais de l'interaction faible dans un état de saveur donné (νe, νµ, ντ) qui est en réalité une superposition des trois états de masse du neutrino (ν1, ν2, ν3). Les valeurs propres de masse de chacun de ces états étant diérentes, chaque état νi va se propager avec sa propre vitesse de phase. Cela signie qu'au fur et à mesure de la propagation d'un neutrino, la combinaison linéaire des états de masse (ν1, ν2, ν3) va évoluer progressivement entrainant un possible changement de saveur du neutrino lors de sa détection.

Dans le vide, les oscillations de neutrinos peuvent être interprétées de manière purement ciné-matique par le biais de l'équation de Schrödinger. L'évolution au cours du temps d'un état propre de masse |νi(0)i est donnée par l'expression :

i(t)i = e−i(Eit−piL)i(0)i (1.3.17) avec Ei l'énergie du neutrino, pi son impulsion et L la distance parcourue pendant le temps considéré. La masse des neutrinos étant très faible, leur vitesse avoisine la vitesse de la lumière. Cela signie que le terme dominant dans l'expression de l'énergie va être l'impulsion (en prenant c =1). Il est donc possible de réécrire l'énergie du neutrino sous une autre forme :

Ei = q p2i + m2i ' pi+m 2 i 2pi ' pi+ m2i 2Ei (1.3.18)

Considérant ces approximations, l'équation1.3.17peut se simplier de cette façon : |νi(t)i = e−i

m2i

2EiLi(0)i (1.3.19)

L'équation 1.3.19 indique que l'évolution d'un état propre de masse d'un neutrino en fonction du temps est régie par l'énergie du neutrino et la distance parcourue (la masse étant un paramètre xe).

Considérant les équations1.3.14et 1.3.19, l'évolution d'un neutrino d'un état de saveur donnée β produit initialement dans un des trois états de saveur γ s'écrit de la façon suivante :

β(t)i = X i Uβie−i m2i 2EiLi(0)i =X i Uβie−i m2i 2EiLX γ Uiγ(0)i = X γ X i Uγie−i m2i

2EiLUβiγ(0)i (1.3.20)

où le changement de la matrice des états de masse à la matrice des états de saveurs est réalisé par la matrice inverse U :

ii =X

α

Uαiαi avec α = e, µ, τ et i = 1, 2, 3 . (1.3.21) Utilisant l'équation 1.3.20, la probabilité de détecter un neutrino de saveur β à un instant t sachant que celui-ci a été généré dans un état de saveur α initialement se calcule alors à partir du carré de l'amplitude de probabilité qui s'écrit :

P (να → νβ) = |A(να(0) → νβ(t))|2 = |hνβ(t)| να(0)i|2 = X γ X i Uβiei m2i 2ELUγiγ(0) |νβ(0)i 2 = X i Uαiei m2i 2ELUβi 2 = X i,j UαiUβiUαj Uβje 4m2ij 2E L (1.3.22) où 4m2 ij = m2i − m2

j est la diérence des masses au carré entre deux états propres de masse νi

et νj.

Dans la pratique, les expériences se placent généralement dans des conditions où l'oscillation peut être considérée uniquement entre deux états de masse (νi, νj) et deux états de saveurs (να, νβ). Dans ce cas précis, la matrice unitaire U se simplie en ne faisant appel qu'à un seul angle de mélange.  να νβ  = U  νi νj  =  cos θij sin θij −sin θij cos θij   νi νj  (1.3.23) Ainsi, la probabilité d'oscillation se simplie de cette façon :

P (να→ νβ) = sin2(2θij) sin2 4m2 ij L 4E

!

(1.3.24) En regardant attentivement l'équation 1.3.22 ou 1.3.24, on constate plusieurs caractéristiques importantes concernant l'oscillation des neutrinos :

1. La période des oscillations est déterminée par la diérence des carrés des masses relatives aux deux états considérés pour une valeur de L

E donnée. La présence de ce terme est donc d'une importance capitale car si le neutrino correspondait à la dénition du Modèle Standard, c'est-à-dire une particule sans masse, on constate que les oscillations ne pourraient pas avoir lieu. La découverte expérimentale des oscillations de neutrinos est donc une réelle preuve de la masse non nulle du neutrino. Cependant, il est à noter que les expériences d'oscillations n'ont pas accès à la masse du neutrino mais seulement aux diérences de masse au carré des états propres de masse. Nous verrons ce point plus en détail par la suite.

2. L'amplitude des oscillations est déterminée par l'angle de mélange. Cela signie que plus l'angle de mélange est petit, plus il est dicile d'observer les oscillations. Ces dernières années, beaucoup d'expériences ont lutté pour enn déterminer une valeur de l'angle θ13qui est l'angle de mélange le plus petit (. 10°).

3. La probabilité de détection d'un neutrino dans un état de saveur diérent de celui d'origine est maximale pour une distance n × 2πE

4m2 (avec n entier).

Comme nous allons le voir dans la section1.3.3, les oscillations de neutrinos sont mises en évidence soit par l'apparition d'une saveur diérente de neutrinos par rapport aux neutrinos incidents, soit pas le constat d'un décit dans le ux initial.

Oscillation des neutrinos dans la matière (eet MSW)

Contrairement au vide, la propagation du neutrino dans la matière est aectée par diverses inter-actions par courant faible chargé ou neutre avec les électrons ou les quarks des atomes. Cependant, nous allons pouvoir négliger toutes les interactions incohérentes, qui modient la direction et/ou l'énergie des neutrinos. En eet, la section ecace de ce type d'interaction est de l'ordre de 10−38

- 10−39 cm2. Nous allons donc nous placer dans le cas où le neutrino n'interagit que par diusions cohérentes dites vers l'avant car elles n'ont aucun impact sur la cinématique de la particule. Ces diusions cohérentes vont alors produire des interférences entre les fonctions d'ondes initiales et nales. On nomme cet eet, l'eet MSW (Mikheev-Smirnov-Wolfenstein) [40][41].

Dans la matière ordinaire, un neutrino ne peut interagir que par l'intermédiaire de la diusion par courant chargé. Or, la matière ordinaire n'est composée que d'électrons et non pas de muons ou de tau. Cela signie que seuls les neutrinos électroniques vont être capables d'interagir par courant chargé avec des électrons. Le phénomène étant asymétrique, on peut montrer que lors de leur passage dans la matière, seuls les neutrinos et antineutrinos électroniques sont soumis à un potentiel eectif V dépendant de la densité volumique électronique du milieu Ne :

V = ± √

2 GF Ne (1.3.25)

où GF représente la constante de Fermi et où le signe dépend de la particule considérée (+1 pour le neutrino et -1 pour l'antineutrino).

En considérant la densité de matière électronique comme constante, les oscillations dans la ma-tière peuvent être représentées de la même manière que celles dans le vide à condition de remplacer θ par θM ainsi que 4m2 par 4m2

M qui sont fonctions de la densité électronique. On peut montrer que, pour chaque énergie E du neutrino, la probabilité d'observer un changement de saveur va devenir maximale pour une valeur critique de la densité électronique NC

e : NeC = cos(2θ) 4m

2

22 GF E (1.3.26)

avec θ et 4m2 les paramètres d'oscillations dans le vide. Il faut ajouter que la résonance MSW n'est possible qu'à la condition où cos(2θ) 4m2 > 0dans le cas des neutrinos ou cos(2θ) 4m2 < 0 dans le cas des antineutrinos à cause de la diérence de signe présente dans l'équation1.3.25. L'eet de la matière sur l'oscillation des neutrinos peut donc se résumer ainsi :

1. Pour des densités électroniques faibles, on peut considérer les oscillations de neutrinos sem-blables à celles se produisant dans le vide.

2. Pour la densité critique, on a un phénomène de résonance impliquant un changement de saveur maximale.

3. Pour des densités supérieures à la densité critique, les oscillations vont être supprimées par les eets de matière.

L'eet MSW a permis de résoudre un des problèmes posés par la physique des neutrinos. Pendant près de 40 ans, les modèles du Soleil ont été en conit avec les expériences basées sur l'observation du neutrino notamment l'expérience Homestake dirigée par Raymond Davis [42] en premier lieu, qui a été conrmée ensuite par les expériences GALLEX [43] et SAGE [44]. Celui-ci a montré que le ux de neutrinos enregistré par son détecteur ne représentait que 30% des prédictions des modèles solaires. Deux pistes ont alors été suggérées. Soit remettre en cause toutes nos idées sur le fonctionnement des étoiles, soit envisager de nouveaux phénomènes dans la physique des neutrinos. L'eet MSW a alors permis de résoudre ce conit en prenant en compte les oscillations présentes à l'intérieur du Soleil.

1.3.3 Etats des lieux des expériences d'oscillations et des mesures de paramètres