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f) Le point de départ du contre-transfert comme réponse de l'analyste au transfert du patient :

Le contre-transfert est définit, communément, comme étant les réactions inconscientes de l’analyste au transfert du patient, qui a pour corollaire sa personnalité. Ceci semble particulièrement vrai dans les cas de névroses (où les symptômes sont l’expression symbolique des conflits infantiles), et, notamment dans les névroses dites justement de transfert. En effet, dans les névroses de transfert (schématiquement névrose hystérique et névrose obsessionnelle) une névrose artificielle (réédition de la névrose clinique) se constitue, organise, et configure spécifiquement les manifestations de transfert dans la relation avec l’analyste. Cette névrose artificielle se développe, de manière déplacée, au lieu de l'analyste.

En réponse, le contre-transfert de l'analyste se développe alors, sous forme de réactions inconscientes, en partie dues à la réédition de ses propres éléments infantiles dans le

“ creuset ” qu’offre la relation de transfert (dont la configuration a été instaurée par le patient, du fait de sa personnalité) (voir théorie classique du contre-transfert). Dans les pathologies narcissiques, la configuration de la relation de transfert est différente. En effet, ces patients, notamment les plus sévèrement atteints (psychotiques ou borderlines) réagissent à la formation du couple analytique par un clivage entre une partie d’eux-mêmes qui cherche à s’engager pleinement (développant une relation de transfert au lieu de l'analyste) et une autre qui s’extrait du processus. Cette dernière s’en prend avec haine au lien noué et combat le transfert (par son déni et par le refus d’implication émotionnelle). L’attaque est surtout dirigée contre l’appareil à penser de l’analyste mais aussi du patient lui-même (transfert du patient au lieu de la situation analytique). Cette attaque ou annulation du lien est responsable de fortes turbulences contre-transférentielles (car l’analyste, étant a priori plutôt névrosé, n’a pas de modèles identificatoires de réponses à des situations de passage à l’acte ou de non-respect du cadre). Dans ce cas, les réactions contre-transférentielles ne sont pas que causées, pour grande part, par la réédition des éléments infantiles du thérapeute dans le "creuset"

qu'offre la relation de transfert. Elles le sont aussi par les parties clivées de l'inconscient du patient projetées, par lui, dans le psychisme de l'analyste. En cela, ces dernières constituent une part du contre-transfert de l'analyste qu'il doit contenir, transformer et élaborer pour son patient (apport de la théorie moderne du contre-transfert). Autrement dit, dans les pathologies narcissiques, on doit, dans le contre-transfert prendre en compte, en plus des éléments qui se développent classiquement dans les névroses de transfert, la manière dont chez le patient l'infantile s’étaye sur ses relations précoces.

Cela dit, cette assertion comme quoi le point de départ du contre-transfert se situe dans le transfert et donc la personnalité de l’analysant est à discuter dans les autres cas. En premier lieu, on peut évoquer, par exemple, les névroses dites “ actuelles ”, dont la dépression fait

partie. Dans ce cas, l’origine de la névrose (où les symptômes ne sont pas une expression symbolique et surdéterminée) n’est pas à chercher dans les conflits infantiles, mais dans le présent. Les manifestations transférentielles ne sont, donc, pas aussi clairement corrélées à la personnalité de l’analysant. De même, les états post-traumatiques représentent un deuxième cas de figure pour lequel le lien entre transfert et personnalité n’est pas immédiat, même s’il se pose à un moment ou à un autre de la thérapie. Il est vrai que tout traumatisme survient chez un sujet dont la personnalité est constituée ou en voie de développement et présente des forces et des faiblesses qui seront déterminantes dans le vécu de l’expérience traumatique, mais tout ramener à la personnalité antérieure est un abus (Lachal, 2006 p.26). En effet, dans les cas de névroses traumatiques, par exemple, il peut y avoir des modifications et des réaménagements de la personnalité suite à l’expérience traumatique. Winnicott apporte des éléments très pertinents sur ces questions dans son article Le contre-transfert (1960). En effet, il souligne l’importance qu’il faut accorder dans le contre-transfert, ni au transfert du patient, ni aux attitudes inappropriées de l’analyste d’ailleurs, mais à l’état du patient. Dans cet article il dit : “ Mon intention est maintenant de décrire les différents diagnostics qui, selon moi, modifient le problème… ”, et s’appuie sur deux types de situations particulières : d’une part les patients qui présentent une tendance “ anti-sociale ”, d’autres part les patients qui ont besoin au cours de leur traitement, d’une “ régression importante ”. Dans ces cas-là dit-il : “ le patient, à la limite de la psychose, brise graduellement ce que j’ai appelé la technique de l’analyste et son attitude professionnelle ; il impose une relation directe, de nature primitive, qui va même jusqu’à la fusion ”. Winnicott propose donc une analyse du transfert selon différentes composantes, dont l’une relève du diagnostic, et en particulier de la prise en compte dans ce diagnostic, d’événements réels qui se sont produits dans la vie. Il s’agit donc de ramener le contre-transfert à ses corrélations cliniques et de tenir compte de ce qui est arrivé de singulier au patient, à côté des éléments plus liés à la répétition d’attitudes affectives liées à l’organisation fantasmatique.

g) Le point de départ du contre-transfert comme réponse de l'analyste, indépendamment du transfert du patient : les éléments "stables" du contre-transfert :

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Nous l'avons vu, et nous ne le répéterons jamais assez, chaque situation analytique est

unique, chaque analyste aura, donc, un contre-transfert spécifique avec chacun de ses patients et avec des nuances diverses à chaque séance. Cependant certains traits propres au fonctionnement psychique de l’analyste se retrouveront, dans son contre-transfert, de façon constante. Ils en constitueront les éléments "stables", indépendants du transfert du patient, puisque présents avant que la rencontre clinique n'ait lieu. C’est à M. Neyrault que l’on doit cette idée : il y a, dans le processus analytique, précession du contre-transfert sur le transfert . En effet, dans Le transfert (1974), il soutient que le contre-transfert de l’analyste est déjà là lorsqu’il reçoit le patient, prêt à accueillir les transferts à venir, ou prêt aussi, de façon résistancielle, à ne pas les analyser, tout en insistant sur la manifestation après-coup du contre-transfert dans le déroulement de la cure, en réponse au transfert du patient.

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Le contre-transfert "d'accueil", prédisposition à l'accueil du patient (ou autrement dit "pré-contre-transfert") existe chez chaque analyste. Il est, pour chacun, marqué du sceau propre de la singularité de son histoire analytique, de son fonctionnement et de sa structure psychique.

En cela, il peut être grévé de troubles.

→ existe chez tout thérapeute :

Dès ses tous premiers écrits, Freud a attiré l’attention sur les facteurs communs concernant les motivations profondes qui “ poussent ” un sujet à la formation puis la pratique analytique. En effet, il écrit, en 1895, que les rejetons de l’Eros, pulsion de vie, du psychanalyste, sont saisis

“ par les merveilles de l’inconscient, d’une part, et brûlent du souhait de déchiffrer de l’autre (Freud, 1895, cité par Uturbey, 2006, p.380). A sa suite, de nombreux auteurs (Neyrault, Laplanche, Denis etc.) ont élaboré cet aspect pulsionnel du transfert. Le contre-transfert semble, du point de vue pulsionnel, être tissé de deux fils. Le premier, émanation de la pulsion de vie, se situe sur l’axe du désir d’analyser-découvrir, de séduire-être séduit, ainsi que dominant chez certains, de panser-guérir, et, comporte un apport important de désirs inconscients issus des pulsions prégénitales de curiosité sexuelle, de maîtrise, de domination.

On peut également le nommer contre-transfert positif, qui amenant à la formation puis à la pratique analytique, permet le travail d’amour et de lutte contre la pulsion de mort. Le deuxième fil est la résistance au savoir, le désir de maintenir l’attachement au déjà connu, et, équivaut à une défense narcissique dressée face à l’inconscient étranger et dérangeant, non

loin du narcissisme de mort décrit par Green (1967, cité par Uturbey, 2006). Ce contre-transfert négatif, en ce qu’il est le résultat des désirs de déliaison et de mise à distance, pousse à l’incompréhension dans la pratique analytique.

→ est propre au fonctionnement et à la structure psychique du thérapeute :

Ce contre-transfert d'"accueil" est, donc, là de manière permanente, et est pour chaque analyste une manière constante de se mettre en relation avec chaque patient. Il est un élément stable au milieu des contre-transferts et situations en mouvement. La structure psychique et le fonctionnement mental de l'analyste le façonne. Ainsi, il dépend de ses motions pulsionnelles, de ses identifications, de ses fantasmes "préférés", de ses objets internes, de ses points aveugles, de ses refoulements ou défenses habituels, de son amour de lui-même etc. Aussi, son expérience de vie, et son histoire d'être humain et d'analyste sont présentes dans ce contre-transfert "d'accueil".

→ peut donc être grévé de troubles: les troubles contre-transférentiels

Le fonctionnement psychique de l’analyste est, bien sûr, déterminant concernant sa pratique analytique qui peut, par là, souffrir de troubles contre-transférentiels plus ou moins graves.

Nous citerons, d’abord, la diminution ou l’absence de flottement de l’attention. Si, l’attention peut, de manière passagère au cours de certaines séances, flotter trop ou pas assez, elle peut ne pas flotter du tout de façon permanente. La conséquence est une saisie préférentielle du manifeste ou du latent du discours du patient, leur attribuant une valeur déterminante. Dans ce cas, elle révèle des défenses narcissiques, liées à un intérêt limité pour l’autre ou une insuffisance à la capacité de penser (Urtubey, 2006). Ensuite, même si cela peut paraître un lieu commun, insistons sur le fait qu’un contre-transfert grevé de fantasmes refoulés ou d’affects troublants insuffisamment analysés, peut entraîner des troubles contre-transférentiels importants, notamment de l’attention flottante. L’analyste aura, là, tendance à une élection inconsciente beaucoup plus malheureuse qu’heureuse parmi les associations du patient. Aussi, l’existence d’un pare-excitation faible ou diminué dans certaines zones, peut expliquer que l’analyste puisse être, par exemple, sujet au simple amour de transfert d’un névrosé voire au contre-transfert érotique intense (Urtubey, 2006). D’un point de vue dynamique, pour que le contre-transfert du thérapeute puisse permettre un travail de liaison et de représentation, cela nécessite un préconscient bien structuré et fonctionnant de façon correcte. Par ailleurs, notons que les identifications projectives du patient auront un impact d’autant plus violent chez l’analyste que son fonctionnement mental favorise les identifications introjectives. Si ces

identifications projectives peuvent être particulièrement violentes pour tout analyste avec les patients de structures narcissiques, elles peuvent là, on le comprend, devenir insoutenables (Uturbey, 1994).

→ et, est lié à l'histoire analytique de l'analyste:

A la suite de Guillaumin, De Uturbey soutient que le contre-transfert se forge dans la propre histoire analytique de l’analyste. En effet, elle avance qu’une part des origines du contre-transfert se trouve dans le contre-transfert de l’analyste au cours de sa propre cure et dans les intuitions inconscientes que celui-ci a concernant le contre-transfert de son propre analyste.

Or, comme le contre-transfert de ce dernier provient de son ancien transfert à son analyste, une chaîne se forme et se transmet de génération en génération (De Urturbey, 2006). Pour De Urtubey, le contre-transfert repose donc sur un soubassement historique fait de filiations successives. Elle soutient également que une autre origine du contre-transfert provient de l’identification de l’analyste, “ à la fonction analysante, à Freud, identifications superposées et parfois inséparables, se développant face au transfert du patient ” (De Urturbey, 1994 p.1327-1333). La transmission de la psychanalyse est alors interrogée au regard du contre-transfert.

Serait-il à saisir à l’interface de l’individuel et du collectif du fait de des identifications aliénantes ou structurantes de l’analyste à son analyste, à ses formateurs, à l’institution