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A. Que disent les programmes ?

1 Organisation ternaire du raisonnement déductif

L’analyse du raisonnement déductif par Duval (1993) explicite le rôle des propositions dans un tel raisonnement. Une proposition peut être une conjecture, une définition ou un axiome, c'est-à-dire qu’elle possède un statut théorique, une fonction dans le raisonnement. Une fois le contexte établi c'est-à-dire que l’état des connaissances est connu, dans la structure même de la démonstration, Duval distingue trois statuts opératoires possibles pour une proposition : le statut de prémisses, le statut d’énoncé-tiers et le statut de conclusion. Ces trois statuts sont internes à l’organisation du raisonnement et ils structurent (indépendamment du contexte et contenu) ce que Duval appelle un pas de raisonnement.

Figure 1

La Figure 1 représente l’organisation d’un pas de raisonnement où la déduction entre les prémisses et la conclusion passe par l’explicitation d’un énoncé-tiers, appelée aussi règle d’inférence. Les prémisses correspondent aux données du problème, ce que l’on sait. La conclusion est ce que l’on cherche à prouver. L’énoncé-tiers est un énoncé validé par la classe, ce que nous appelons une propriété, qui permet de valider théoriquement la conclusion. Les contraintes de l’énoncé-tiers doivent coïncider avec les prémisses, la conclusion de l’énoncé-tiers doit correspondre avec l’énoncé qui a le statut de conclusion. Les couleurs pour les prémisses et la conclusion ont été rajoutées afin d’illustrer le mapping.

« (…) une partie de l’énoncé-tiers (celle qui est parfois introduite par

« alors… ») est « détachée » comme conclusion du pas de déduction, après vérification que les prémisses correspondent bien à l’autre partie de l’énoncé-tiers (celle qui est parfois introduite pas « si… ») »

(Duval 1993) Ce découpage de la propriété énoncé-tiers exige une distinction des contraintes et conclusion dans l’énoncé. Nous illustrons ce raisonnement par deux exemples :

Exemple 1 :

Dans la figure ci-dessous (d1) est la perpendiculaire à (AC) passant par A et (d2) est la perpendiculaire à (AC) passant par C.

DEDUCTION Prémisses

Enoncé-tiers

Conclusion

tel-00110052, version 2 - 28 Nov 2006

D est un point de (d2), la droite (d3) est la parallèle à (AD) passant par C, elle coupe (d1) en B.

1. Pourquoi les droites (d1) et (d2) sont-elles parallèles ? 2. Pourquoi ABCD est-il un parallélogramme ?

Solution :

1. La droite (d1) est perpendiculaire à la droite (AC), la droite (d2) est perpendiculaire à la droite (AC) ainsi la propriété

« si deux droites sont perpendiculaires à une même droite, alors elles sont parallèles entre elles »

nous permet de conclure que les droites (d1) et (d2) sont parallèles.

2. Dans le quadrilatère ABCD, les côtés [AB] et [CD] sont parallèles car portés par les droites (d1) et (d2), nous venons de démontrer qu’elles sont parallèles.

Les côtés [AD] et [CB] sont parallèles car portés par les droites (AD) et (d3) parallèles par construction.

Le quadrilatère ABCD possède tous ses côtés opposés parallèles, ainsi la propriété :

« si un quadrilatère possède tous ses côtés opposés parallèles, alors c’est un parallélogramme »

nous permet de conclure que le quadrilatère ABCD est un parallélogramme.

Voici la représentation des pas de déduction mis en œuvre au cours de cette démonstration :

tel-00110052, version 2 - 28 Nov 2006

Dans l’exercice, les deux pas de déductions sont séparés en deux questions. Au niveau de la classe de 5° les raisonnements à deux pas ne sont pas exigibles. Ce premier pas permet de répondre à la première question. La conclusion de cette question devient une nouvelle donnée du problème, elle peut être réinvestie comme prémisse dans un autre pas de déduction.

Deuxième pas d déduction correspondant à la question 2 :

Ce deuxième pas de déduction reprend les données du problème, avec la conclusion du pas précédent, ces données forment les nouvelles prémisses. Ces prémisses s’accordent avec les contraintes de la règle d’inférence. La conclusion de l’énoncé-tiers devient la conclusion du pas de déduction.

Le deuxième exemple présente un raisonnement moins classique dans le sens où la réponse à la question n’est pas la conclusion d’un pas de raisonnement. Le problème repose sur une

Où peut être placé K pour que ATBC soit un parallélogramme ? A

B C

K T

Solution :

Le problème est de trouver une condition suffisante pour obtenir un parallélogramme.

T est le symétrique de C par rapport à K donc K est le milieu de [CT].

Pour que ATBC soit un parallélogramme, il suffit que les diagonales se coupent en leur milieu. Ici une condition nécessaire ne convient pas, on cherche une condition suffisante K est le milieu de [CT], s’il est aussi le milieu de [AB], ACBT sera un parallélogramme. Si K est milieu de [AB] et de [CT], les diagonales de ATBC se coupent en leur milieu, donc ATBC est un parallélogramme.

Voici la représentation des pas de déduction mis en œuvre au cours de cette démonstration :

Ce premier pas de déduction permet de transformer une des contraintes (donnée) de l’exercice. La conclusion obtenue est recyclée en une nouvelle contrainte qui permet d’élaborer le pas de déduction suivant :

Si on construit l’image d’un point par rapport à un centre, alors les trois points sont alignés, et le centre de symétrie est le milieu du segment construit.

T est l’image de C

par rapport à K K milieu de [TC]

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Dans ce deuxième pas de déduction, nous connaissons la conclusion (donnée dans l’énoncé de l’exercice) ainsi que certaines contraintes. Ces informations nous permettent d’identifier la propriété énoncé-tiers. A partir des contraintes de la propriété énoncé-tiers, nous pouvons déduire quelle contrainte doit être ajoutée dans l’ensemble de nos prémisses. Ainsi nous pouvons conclure que le point K doit être le milieu de [AB] pour que le pas de déduction soit complet.

Les travaux de Richard (2004b) complètent cette vision du raisonnement ternaire avec l’utilisation de l’inférence figurale. Ce travail met en évidence l’utilisation, par des élèves, d’un type d’inférence à partir du registre sémiotique d’un dessin à caractère géométrique.

C'est-à-dire que les élèves formulent un raisonnement déductif et utilisent des dessins comme énoncé-tiers. Cela montre que bien que si le raisonnement déductif est exprimé dans un registre discursif, les représentations des objets géométriques et le registre graphique ne disparaissent pas pour autant.

Cette utilisation de dessins comme énoncé-tiers s’appuie sur l’appréhension des dessins dans le raisonnement déductif.

« Permettant ainsi de saisir d’un coup une situation dans son ensemble, les figures sont le moyen le plus direct d’en explorer les différents aspects, d’anticiper les résultats d’une démarche, de sélectionner une solution. »

(Duval 1994 p.121) Le terme dessin correspondrait mieux que celui de figure pour exprimer que la représentation associée à l’énoncé d’un problème devient un outil d’anticipation de la solution.

Duval (1994) explique que pour que le dessin devienne un registre d’exploitation dans la recherche de la solution, il faut que l’élève puisse considérer le dessin avec ses différentes modifications possibles (décomposition en sous figures, agrandissement, …) c'est-à-dire qu’il ait une appréhension que Duval définit d’opératoire. Cette appréhension ne nécessite pas de connaissances mathématiques, de contraintes théoriques ou techniques. La maîtrise de l’appréhension opératoire peut aider l’élève à une appréhension discursive qui elle s’appuie

ATBC quadrilatère

sur une prise en compte des dénominations (légendes ou hypothèses, …). Une appréhension discursive permet d’expliciter de nouvelles propriétés mathématiques associées au dessin.

Cette explicitation de nouvelles propriétés repose sur un raisonnement de nature déductive.

Dans la production d’un raisonnement, l’élève utilise l’énoncé mais aussi la traduction graphique de l’énoncé. Si on reprend le premier exemple, les élèves peuvent identifier les droites perpendiculaires, les côtés parallèles et le parallélogramme. Cette perception des parallèles peut guider l’élève dans sa phase de recherche.

Sur le deuxième exemple, une première appréhension opératoire permet de transformer le quadrilatère pour qu’il devienne un parallélogramme. A partir de la configuration du parallélogramme l’élève peut identifier la position de K comme milieu de la diagonale. Ce premier résultat correspond à une condition nécessaire sur la position du point K, reste à étudier si cette condition est aussi suffisante, c'est-à-dire si K est le milieu des deux diagonales alors le quadrilatère est bien un parallélogramme.