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B. Interaction entre les registres

Les trois types de situations (définies dans le chapitre Concept de propriété) font intervenir les trois registres. Les problèmes de la classe Illustration utilisent le registre graphique-dynamique. Les exercices de la classe validation utilisent plusieurs registres, dynamique, graphique et discursif. Enfin, les exercices d’énoncé-tiers utilisent les registres graphique et discursif. Ensuite l’expression des propriétés se fait dans le registre discursif, un dessin peut

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éventuellement être intégré pour représenter graphiquement les informations discursives. Par exemple en reprenant la propriété exemple, nous avons représenté une propriété dans deux registres : graphique et discursif. Ces deux registres sont souvent associés, comme nous l’avons montré, pour exprimer une propriété.

Le registre graphique-dynamique et le registre graphique sont utilisés dans des environnements différents. Le registre graphique dynamique intervient dans les environnements de géométrie dynamique (Cabri) alors que le registre graphique intervient dans un environnement papier-crayon. Ces deux environnements sont différents par les traitements et la réflexion associée, et surtout parce que l’un est statique et non l’autre. Le registre discursif, est utilisé dans les deux environnements. Ainsi dans un même environnement, deux registres peuvent être utilisés, conjointement ou non.

Environnements

Lorsque les élèves manipulent des objets géométriques dans un environnement de géométrie dynamique ils doivent interpréter les signes de cet environnement, c'est-à-dire les signes du registre graphique-dynamique. Cependant les échanges avec autrui utilisent le langage, c'est-à-dire des signes du registre discursif. La coordination des deux registres semble centrale dans ces activités. Pourtant la pratique de ces registres est différente :

« Une figure6 peut être produite pour illustrer un énoncé, mais inversement un énoncé peut être produit pour décrire ou pour illustrer une figure. Ces deux situations sont cognitivement totalement différentes et ne conduisent pas nécessairement aux mêmes productions. »

(Duval 2005) Lorsque nous associons un dessin à un énoncé pour exprimer une propriété, nous utiliserons simultanément deux représentations dans deux registres différents d’un même objet. Or chaque représentation introduit des éléments propres :

« On peut ainsi vérifier qu’une figure et un énoncé (linguistique ou symbolique) ne remplissent pas l’un par rapport à l’autre les mêmes fonctions et n’ont donc pas le même statut. C’est pourquoi, lorsque deux représentations

6 Duval utilise le terme figure qui pourrait être remplacé par le terme dessin étant donné qu’il considère une représentation graphique d’un objet géométrique.

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de représentation auxiliaire pour l’autre. »

(Duval 2005 p.34) Pour l’expression des propriétés, le dessin doit devenir auxiliaire par rapport à l’énoncé qui lui doit acquérir une position autosuffisante. Les propriétés géométriques sont enseignées dans le but d’être utilisées comme énoncé-tiers dans les raisonnements de preuve. La formulation de ces raisonnements utilise principalement le registre discursif, c’est donc l’énoncé et non le dessin qui sera utilisé. Cela nous amène à penser que l’énoncé tend à devenir une représentation autosuffisante et que le dessin devient alors auxiliaire. Cependant n’oublions pas que les élèves sortent d’une institution où le registre graphique, par les dessins, est le registre autosuffisant. Si les élèves s’approprient les propriétés en utilisant les dessins comme registre autosuffisant, alors ces propriétés seront des propriétés pragmatiques, or notre but est que les élèves s’approprient des propriétés mathématiques. Duval (2005) nous présente deux exigences pour que les définitions soient des définitions mathématiques : « la prise en compte des cas possibles » et « la recherche d’une économie maximale ». La première exigence est reliée à la distinction dessin figure. C'est-à-dire que les élèves ne peuvent associer une propriété à un cas particulier, un dessin, travaillé en classe, une propriété doit être associée à un ensemble de cas, définit par la propriété elle-même. Si on reprend notre propriété exemple : si un quadrilatère a ses diagonales qui se coupent en leur milieu, alors c’est un parallélogramme ; cette propriété considère l’ensemble des quadrilatères sur lesquels on impose une contrainte, et pas uniquement les quadrilatères représentés dans le cours. La deuxième exigence est un peu plus subtile et certainement moins évidente à mettre en place.

Une définition est un énoncé construit par un ensemble minimal de caractéristiques de l’objet.

A partir d’une définition on peut déduire un ensemble de propriétés. L’accès à ces nouvelles propriétés passe par l’élaboration de preuves. Or la démonstration ne peut intervenir qu’après un apprentissage d’une axiomatique minimale. Des activités de la classe Illustration permettent une introduction des propriétés, cependant les preuves relient les propriétés entre elles et permettent d’accéder à cette exigence de l’économie maximale de la définition. Ce qui nous montre bien que les propriétés ne peuvent être acquises par les élèves simplement par des illustrations mais aussi par des exercices d’énoncé-tiers et que le temps d’apprentissage des propriétés dépasse le temps didactique.

L’articulation entre le registre graphique et le registre discursif paraît centrale dans la construction d’une propriété, en particulier pour la prise en compte des cas possibles.

Cependant, l’utilisation des différents registres sémiotiques ne sera intéressante pour l’apprentissage que lorsque la coordination entre ces registres sera opérationnelle. Duval, conscient de ce fait, a étudié l’articulation entre le registre visuel et le registre du discours.

Pour traduire l’expression d’un objet géométrique du registre du discours vers le registre de la visualisation, l’appréhension de la figure n’est pas tout à fait la même. En effet, dans le

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registre visuel, les objets géométriques sont vus dans leur globalité. Par exemple, dans le plan considérons des points et des segments qui les relient, alors cet ensemble est considéré comme un polygone. C’est ce que Duval appelle :

« le mouvement spontané de la visualisation qui tend à fusionner les unités figurales de rangs inférieur EN UNE SEULE UNITE FIGURALE DE RANG SUPERIEUR. »

(Duval 2005 p.46) L’activité de « déconstruction dimensionnelle » qui permet de revenir aux unités figurales inférieures, pour ce qui concerne la visualisation, n’est pas prise en charge par l’institution.

Pourtant elle est essentielle dans l’articulation visuel-discours. En effet, dans le discours géométrique, l’appréhension des objets suit le chemin inverse, c'est-à-dire que l’on part d’une unité figurale supérieure pour aller vers des unités figurales inférieures : on partira des polygones pour arriver aux sommets reliés par des segments. Duval a mis en valeur que le passage du visuel au discours passe par la déconstruction dimensionnelle :

« on peut y voir aussi que cette articulation [articulation entre visuel et discours] présuppose la capacité à effectuer la déconstruction dimensionnelle des formes pour ce qui concerne la visualisation. »

(Duval 2005 p.45) Supposons que les activités de la classe Illustration permettent d’introduire une nouvelle propriété. Cette première représentation de la propriété s’effectue dans le registre graphique-dynamique. Nous avons expliqué l’intérêt d’une expression discursive des propriétés par l’autosuffisance du registre discursif. Il faut donc articuler les deux registres, appartenant chacun à un environnement, le registre graphique-dynamique s’exprime dans un environnement de géométrie dynamique, alors que l’énoncé d’une propriété s’exprime dans un environnement papier-crayon. Même si l’on considère que l’énoncé peut être réalisé dans l’environnement de géométrie dynamique, il est évident que la finalité est de l’exprimer sur une feuille transportable et non sur un écran d’ordinateur. Ainsi nous n’avons pas qu’une articulation de registres mais aussi un changement d’environnement (de Cabri à papier-crayon). L’articulation entre l’environnement Cabri et l’environnement papier-crayon apparaît dans les travaux d’Assude (2005). Alors que les élèves manipulent sur Cabri des formes géométriques, en utilisant le déplacement, ils expriment leurs actions dans un environnement papier-crayon. Le registre utilisé dans ce dernier environnement est le registre graphique, et le dynamisme est exprimé grâce à la succession de deux dessins. Le premier dessin représente l’état initial, la forme avant le déplacement, le deuxième dessin représente l’état final, la forme après le déplacement.

Afin d’assouplir la conversion de l’expression de la propriété, nous introduisons le registre discursivo-graphique, c'est-à-dire un registre hybride conçu à partir de représentations

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grand nombre de signes et de règles communs, les signes graphiques. Les deux registres diffèrent principalement par leurs traitements découlant de l’environnement dans lesquels ils interviennent. Ainsi, une conversion du registre graphique-dynamique au registre discursivo-graphique permet de changer d’environnement, nous passons d’un environnement discursivo-graphique dynamique de Cabri à un environnement statique du papier-crayon. Cette conversion intermédiaire permet de changer de registre mais surtout de changer d’environnement. Une fois que la propriété est exprimée dans le registre discursivo-graphique, il faut la convertir dans le registre du discours. La conversion intermédiaire par le registre discursivo-graphique permet une articulation entre le registre graphique-dynamique et le registre discursif tout en assumant le changement d’environnement. Cette articulation exige un travail sur la déconstruction dimensionnelle dans le registre visuel, ici le registre graphique-dynamique.

Cela nous amène notre troisième hypothèse de travail :

HT3 : Le registre discursivo-graphique participe à l’articulation entre l’environnement Cabri et l’environnement papier-crayon.

C. Synthèse

Les trois types de situations mis en évidence dans le chapitre précédent (I Le concept de propriété) nous permettent d’introduire quatre registres sémiotiques : le registre graphique-dynamique (exercé dans un environnement de géométrie graphique-dynamique), le registre graphique (dans un environnement papier-crayon), le registre discursivo-graphique et le registre du discours.

Cette interaction entre les registres contribue à la construction chez l’élève des liaisons entre les imageries matérielles représentées et les imageries mentales représentées.

Pour que l’utilisation de ces quatre registres soit bénéfique à l’élève, il faut prendre en compte leur articulation. D’une façon générale, le lien entre le visuel et le discours passe par la déconstruction dimensionnelle des formes. Ce qui nous amène à une question : Comment introduire la déconstruction dimensionnelle dans l’environnement de géométrie dynamique ? L’articulation entre le registre graphique-dynamique et le registre discursif peut s’appuyer sur une conversion intermédiaire : le passage par le registre discursivo-graphique. Ce qui nous amène à une deuxième question : comment convertir les expressions du registre graphique-dynamique au registre discursivo-graphique ? Les différentes représentations mises en valeur dans le chapitre I (le concept de propriété) fournissent quelques éléments de départ pour répondre à cette deuxième question, c'est-à-dire qu’il faut s’interroger sur la représentation statique du dynamisme.

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Puis pour la représentation du lien contraintes-conclusion, nous attendons des élèves qu’ils s’approprient des propriétés mathématiques et non des propriétés pragmatiques. Pour cela il faut que le registre discursif devienne autosuffisant, c'est-à-dire que les élèves prennent en compte les cas possibles. Cela nous amène à une dernière question : comment introduire cette prise en compte des cas possibles ?

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Le chapitre précédent nous montre que le passage d’un registre visuel à un registre discursif passe par la déconstruction dimensionnelle. Ce qui nous amène à la question : Comment introduire la déconstruction dimensionnelle dans l’environnement de géométrie dynamique ? Pour répondre à cette question, considérons le logiciel de géométrie dynamique comme un outil. Les travaux de Vygotsky nous éclairent sur les effets de l’utilisation d’outils et de signes pour l’apprentissage et le développement. Nous complétons ces résultats avec les travaux de Rabardel (1995) sur l’utilisation des outils techniques dans une perceptive didactique.