• Aucun résultat trouvé

1. Contrôle neural de la locomotion : une organisation hiérarchique

1.3 Régulateurs de la locomotion – les voies descendantes supraspinales

1.3.1 Organisation du système médial

Le système médial est composé principalement des voies réticulo- et vestibulospinales. Ces structures envoient des connexions vers les interneurones et motoneurones situés dans la partie médiale de la matière grise en passant par le fascicule ventromédial et ventrolatéral de la moelle épinière. Ces motoneurones innervent surtout

les muscles du tronc et les muscles plus proximaux des membres. Par conséquent, une lésion totale des projections du système médial engendre surtout des déficits nets du maintien de la posture, du support du poids et de la coordination inter-membre, mais n’affecte pas la fonctionnalité des extrémités distales (Brustein et Rossignol 1998; Gorska et al 1990; Rossignol et al 1999; Vilensky et al 1992).

1.3.1.1 La formation réticulée

La voie réticulospinale émerge principalement des régions pontique et médullaire de la formation réticulée (PMRF). Cette structure reçoit de nombreuses afférences en provenance de plusieurs structures bien reconnues pour être impliquées dans l’initiation de la locomotion. En particulier, elle reçoit des projections de la région locomotrice mésencéphalique (MLR), un noyau pontique ayant la capacité d’initier la locomotion lorsque stimulé (Mori et al 1989; Shik et al 1966). En effet, l’augmentation de la fréquence de stimulation de la MLR entraîne progressivement une augmentation du rythme de la locomotion, soit de la marche, au trot, et jusqu’au galop (Shik et al 1966; Dubuc et al 2008). La PMRF reçoit également plusieurs connexions provenant du noyau pédonculopontique, de la substance péri-aqueuse, des ganglions de la base, de l’hypothalamus et du noyau fastigial du cervelet – toutes des régions aussi impliquées dans l’initiation de la locomotion dans certaines situations comportementales particulières, telle que l’exploration, la défense et l’alimentation (Jordan 1998). De plus, les projections cérébelleuses dirigées vers la PMRF participent aux ajustements locomoteurs et à la compensation de la posture (Mori et al 1998). Enfin, un grand nombre de projections issues du cortex moteur et prémoteur sont aussi dirigées vers la PMRF (Matsuyama et Drew 1997; Rho et al 1997) (voir Organisation du système latéral). Ces connexions suggèrent que le cortex pourrait fournir l’information appropriée afin d’ajuster de façon anticipatoire ou de maintenir la posture dynamique d’un individu pendant l’exécution d’un mouvement volontaire (Kably et Drew 1998a,b; Matsuyama et al 1999).

La PMRF projette bilatéralement, aux niveaux cervicaux et lombaires de la moelle épinière, principalement sur les interneurones et les neurones propriospinaux de la zone intermédiaire ventromédiale (Matsuyama et al 1988, 1999, 2004). Une lésion totale de la voie réticulospinale ou de la PMRF provoque des déficits visibles de la posture pendant la locomotion, ainsi que des problèmes de coordination entre les membres antérieurs et postérieurs (Bem et al 1995; Brustein et Rossignol 1998; Eidelberg 1981; Luccarini et al 1990; Mori 1987). Chez le chat debout et en locomotion libre, la stimulation de différentes régions pontiques de la PMRF mène à une diminution ou à une augmentation posturale, respectivement, du tonus musculaire des quatre membres (Mori 1989; Mori et al 1989). De plus, la stimulation de la région médullaire de la PMRF élicite une combinaison réciproque de réponses musculaires entre les quatre membres, qui est ensuite intégrée dans le rythme locomoteur (Degtyarenko et al 1993; Drew 1991a; Drew et Rossignol 1984; Orlovsky 1972a). Enfin, de nombreuses études d’enregistrements cellulaires chez le chat intact ont aussi révélé que les neurones de ces régions réticulaires semblent décharger en phase avec l’activité de plusieurs muscles fléchisseurs et extenseurs pendant la locomotion libre (Drew et al 1986; Drew et Rossignol 1986; Orlovsky 1970; Shimamura et Kogure 1983). Cette modulation en phase de l’activité réticulospinale a aussi été observée lors de la marche sur des surfaces inclinées (Matsuyama et Drew 2000a,b), pendant l’enjambement d’obstacles (Prentice et Drew 2001) et même lors de mouvements d’atteinte visuellement guidés (Schepens et Drew 2003, 2004, 2006 – voir aussi la revue : Drew et al 2004). Toutes ces observations suggèrent donc que la voie réticulospinale, avec l’influence des nombreuses projections dirigées vers celle-ci, participerait à la coordination des membres et à l’ajustement précis de la posture pendant le déplacement de l’animal dans un environnement non- uniforme.

1.3.1.2 Les noyaux vestibulaires

La voie vestibulospinale origine des noyaux vestibulaires latéraux et médiaux du tronc cérébral et innerve, tout comme la voie réticulospinale, la zone intermédiaire ventromédiale de la moelle épinière. Les noyaux vestibulaires reçoivent aussi des

projections directes des canaux semi-circulaires des labyrinthes vestibulaires de l’oreille interne. Ces structures sont fortement impliquées dans la stabilisation posturale des yeux et de la tête lorsque le corps est en mouvement (Goldberg et Fernandez 1975). La lésion des labyrinthes vestibulaires (Marchand et Amblard 1990; Thomson et al 1991), des noyaux vestibulaires (Yu et Eidelberg 1981) ou des projections ventromédiales de la moelle épinière (Bem et al 1995; Brustein et Rossignol 1998; Gorska et al 1990) mènent toutes à une diminution nette du tonus musculaire extenseur, ainsi que l’inhabilité de maintenir une bonne posture, surtout lorsque la tête est en mouvement (Macpherson et al 2007; Stapley et al 2006). Ces observations sont aussi renforcées par les résultats obtenus suite à la stimulation du noyau vestibulaire latéral. En effet, les travaux d’Orlovsky (1972a,b) ont démontré que cette stimulation provoque une augmentation de l’activité des muscles extenseurs pendant la phase d’appui. Ces résultats indiquent donc que la voie vestibulospinale semble définitivement impliquée dans le contrôle de la posture, grâce à la modulation active du tonus des muscles extenseurs. D’ailleurs, les études d’enregistrements cellulaires pendant la locomotion renforcent cette théorie. Effectivement, les travaux plus récents de Matsuyama et Drew (2000a,b), ont démontré que la majorité des neurones vestibulospinaux affichaient une décharge rythmique maximale en phase avec l’activité des muscles extenseurs de plusieurs membres, et que la modulation de cette activité pourrait être influencée par le patron de coordination entre les différents membres. Enfin, cette activité était aussi renforcée lorsque le degré de pente de la surface de locomotion était augmenté, mais conservait le même rythme (Matsuyama et Drew 2000b).

Pour résumer, le système médial joue un rôle critique dans la modulation de la posture et pour la coordination des membres pendant la locomotion. Il semble que la voie vestibulospinale joue un rôle plus général dans la régulation de l’activité électromyographique des membres, tandis que la voie réticulospinale produit des signaux plus spécifiques avec la capacité de moduler l’activité simultanée de muscles extenseurs et fléchisseurs dans plusieurs membres.