• Aucun résultat trouvé

3. Intégration et modulation des processus visuomoteurs le Cortex Pariétal

3.7 Contribution pariétale pendant la locomotion visuellement guidée chez le chat

Très peu d’information est disponible dans la littérature à propos de l’activité du cortex pariétal postérieur pendant la locomotion. En particulier, les modifications

précises de la démarche, requises pour enjamber un obstacle, nécessitent une intégration de l’information provenant de nombreuses modalités sensorielles, ainsi que l’ébauche de plans moteurs spécifiques. Le cortex pariétal postérieur est donc un bon candidat pour cette contribution. Comme le propose Georgopoulos et Grillner (1989), il serait peut- être possible que les mécanismes sous-jacents à l’élaboration des mouvements volontaires libres des membres antérieurs aient évolué à partir des mécanismes spinaux et supra-spinaux impliquées dans le positionnement précis des pattes pendant la marche. Dans les deux cas, le positionnement de la patte pour enjamber un obstacle et celui pour atteindre une cible pourraient être comparables. D’un point de vue phylogénique, ce phénomène pourrait avoir pris essor particulièrement chez les espèces qui ont évolué d’une posture quadrupède vers la marche bipède, libérant ainsi les membres antérieurs pour l’ascension des arbres et la manipulation fine (Georgopoulos et Grillner 1989).

Considérant le contexte de cette thèse, il serait donc intéressant de vérifier la validité de cette proposition en comparant l’anatomie pariétale du chat avec celle du primate. De plus, la comparaison du petit nombre d’enregistrements pariétaux effectués pendant la locomotion avec la vaste littérature basée sur les mouvements d’atteinte, pourraient nous aider à déterminer si des similarités fonctionnelles sont toujours présentes.

3.7.1 Anatomie du CPP chez le chat

Les quelques expériences examinant le rôle du cortex pariétal postérieur pendant la locomotion, effectués chez le chat, semblent être fidèles à l’abondance d’information disponible chez le primate. En effet, le cortex pariétal du chat, divisé dans les aires 5a, 5b et 7, est positionné autour du sillon ansate et reçoit aussi, tout comme chez le primate, de nombreuses projections des aires somatosensorielles et visuelles (Avendaño et al 1988). Il communique également avec de nombreuses régions impliquées dans le mouvement, notamment les aires motrices et prémotrices (Avendaño et al 1988; Babb et al 1984; Ghosh 1997a,b; Ipekchyan 2006; Ipekchyan et Baklavadzhyan 1988; Scannell et al 1995; Waters et al 1982a,b; Waters et Asanuma 1983; Yumiya et Ghez 1984). Il

projette aussi vers les ganglions de la base et vers le cervelet latéral par l’entremise du pédoncule cérébelleux (Jones et Powell 1970; Kakei et al 1995, 1997), une région importante pour le contrôle visuomoteur de la locomotion. La participation du cortex pariétal à ce réseau de connexions cortico-corticales a aussi été illustré par les expériences de Roelfsema et al (1997), lorsqu’ils ont observé une forte activité synchronisée entre les régions occipitales, pariétales et motrices quand des chats appuyaient sur un levier suite à un changement de patron visuel.

Notons toutefois que la majorité des articles anatomiques cités dans le paragraphe ci-dessus indiquent que les projections pariétales vers les aires motrices frontales sont dirigées vers le cortex prémoteur, et très peu vers le côté rostral du cortex moteur. Considérant l’importance considérable de la partie rostrale du cortex moteur pendant la locomotion et l’enjambement d’obstacle (voir Le cortex moteur - Drew 1991b, 1993, 2000), nous porterons une attention particulière à cette lacune pendant notre étude anatomique.

En effet, une abondance et une spécificité de projections pariétales vers les différentes régions du cortex moteur seraient particulièrement intéressantes, car elles pourraient faire partie du substrat neural responsable de transmettre les transformations visuomotrices pariétales aux neurones moteurs et ainsi, de moduler leur activité. Il serait intéressant de tester si le cortex pariétal postérieur contribue au contrôle visuomoteur du membre antérieur, et à la modulation de transformations sensorimotrices au travers de ses projections vers les différentes régions du cortex moteur.

3.7.2 Activité du CPP félin lors des mouvements volontaires et contribution au contrôle de la locomotion

L’importance du CPP pour les mouvements volontaires chez le chat a été démontrée grâce à des études de lésions du cortex pariétal. Deux études ont été publiées. Tout d’abord, Fabre et Buser ont démontré que des lésions de la partie médiale du gyrus suprasylvien, correspondant aux aires 5b et 7, entraîne une difficulté à atteindre un objet en mouvement, tandis qu’un objet immobile ne pose aucun problème (Fabre et Buser

1981). Cette observation indique donc que le cortex pariétal félin est aussi impliqué dans la planification et la correction de mouvements d’atteinte visuellement guidés. Des travaux effectués dans notre laboratoire ont aussi démontré que des lésions des aires 5a et 5b entraînent un déficit prolongé au niveau de la négociation d’obstacle pendant la locomotion sur un tapis roulant, particulièrement lorsque la vitesse des obstacles diffère de celle du tapis (Lajoie et Drew 2007). L’utilisation de cette tâche difficile force le chat à positionner ses pattes de façon délibérée lorsque qu’il approche l’obstacle, et les déficits encourus suite à l’ablation du CPP suggèrent fortement que les aires 5a et 5b sont très importantes pour la préparation et même l’initiation de modifications de la marche.

Finalement, une seule étude de l’activité des cellules de l’aire 5 pendant la locomotion a été réalisée (Beloozerova et Sirota 2003). Les auteurs ont déterminé que certaines cellules de l’aire 5 sont modulées rythmiquement pendant la locomotion et que leur activité augmente lorsque le chat doit positionner ses pattes sur les barreaux d’une échelle ou quand il enjambe des obstacles. Ils attribuent cette activité à l’hétérogénéité de la surface (comme les barres successives de l’échelle) et que le CPP intègre cette information rythmique dans le signal enregistré. De plus, l’augmentation relative de l’activité pariétale dans des circonstances plus ardues semble suggérer que cette région peut contribuer à l’élaboration et l’exécution de chacun des mouvements précis requis par la tâche.

Ensembles, ces quelques expériences suggèrent que le cortex pariétal postérieur participe dans des processus visuomoteurs qui intègrent l’information visuelle et l’utilise pour guider ou modifier les mouvements volontaires de la marche. Étant donné que la littérature scientifique chez le primate suggère que l’aire 5, particulièrement sa composante MIP, serait impliquée dans les mécanismes sous-jacents à ces transformations visuomotrices, il serait donc intéressant de déterminer si un équivalent est présent chez le chat.

En plus des articles soumis dans cette thèse, certains résultats de ces études ont aussi été présentés dans Andujar et Drew (2005, 2006) et Drew et al (2008b).