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3. Intégration et modulation des processus visuomoteurs le Cortex Pariétal

3.6 Contribution de l’aire 5 et de MIP à la planification et l’exécution des

3.6.2 Nature du signal pariétal – attention à la cible ou intention de bouger ?

Ainsi donc, le CPP constitue un chaînon important dans la cascade corticale, intégrant les signaux sensoriels afin de pouvoir moduler les paramètres moteurs impliqués dans l’ébauche, l’exécution et le guidage d’un mouvement volontaire. Cette activité n’est donc pas purement sensorielle ou motrice, mais une combinaison des deux. Mais plusieurs laboratoires de recherche tentent d’examiner comment les deux

composantes de cette activité mixte sont balancées dans des situations comportementales plus complexes. Par exemple, lorsqu’une cellule décharge avant l’initiation d’un mouvement, est-ce-que cette activité indique son attention à la cible (signal visuel), ou reflète-t-elle plutôt l’intention du sujet à faire le mouvement (planification motrice)?

3.6.2.1 L’attention

À première vue, il est facile d’immédiatement attribuer un déficit d’attention aux patients ayant subit des lésions pariétales. En effet, ces sujets ne semblent pas capables de facilement changer le focus de leur attention (Mesulam 1981; Posner et al 1984; Halligan et Marshall 2001). Une explication est avancée par les recherches de Steinmetz et Constantinidis (1995). En effet, ils ont révélé que des cellules de l’aire 7a ont la capacité d’augmenter leur sensibilité pour les stimuli qui sont en périphérie de leur champ récepteur et de baisser leur sensibilité envers le centre de celui-ci afin de faciliter le déplacement du focus d’attention vers les stimuli nouveaux avoisinants. Ainsi, l’aire 7a pourrait favoriser le déplacement de l’attention et la poursuite oculaires de différentes cibles.

Mais les recherches de Colby et ses collègues ont examiné le phénomène de l’attention particulièrement dans l’aire LIP. En effet, ils ont réalisé un test à double- saccade où le singe devait fixer un point hors de la périphérie de la cible, puis, après un signal visuel, il devait effectuer une saccade vers un point où la cible serait en périphérie de son champ visuel. Finalement, après un autre signal, le singe devait enfin déplacer son regard vers la cible elle-même (Colby et al 1996; Colby et Goldberg 1999; Gee et al 2008). L’activité de la cellule après la première saccade devrait, d’après eux, indiquer l’attention qui va être porté à la cible finale, mais les résultats obtenus étaient ambigus car, comme l’argumente Andersen, les activités détectées pourraient aussi refléter la planification de la prochaine saccade, soit plutôt l’intention de faire un mouvement (Andersen et Buneo 2002).

Pour remédier à ce problème, Colby a essayé la même expérience, mais le singe devait mémoriser la localisation du stimulus avant d’y faire une saccade (Gottlieb et al 1998). Les résultats démontraient alors que l’activité neuronale baissait, ce qui reflète un manque de stimulus attentionnel. Ces résultats sont renforcés par les recherches de Duhamel (Duhamel et al 1992a; Colby et al 1995) qui démontrent que lorsque un stimulus disparaît de la périphérie du champ récepteur d’un neurone, celui-ci réagit alors à un signal de mémoire de localisation passée de ce stimulus et donc restructure l’information visuelle qu’elle reçoit par rapport aux saccades pour coder le changement de position oculaire à effectuer. Cette restructure est anticipatoire et ne s’effectuerait pas à partir de la modulation de l’activité de LIP et de 7a par le mouvement oculaire (comme suggéré dans Andersen et Buneo 2002), mais plutôt par un calcul dynamique utilisant l’information du mouvement oculaire qui soustrairait le vecteur de ce mouvement de l’endroit où le stimulus avait été perçu. C’est donc une façon de « garder à jour » la représentation spatiale du stimulus et ce, toujours par rapport au point focal de la fovéa. D’ailleurs, les auteurs donnent l’exemple d’une patiente pariéto-lésée qui avait de la difficulté à compenser la direction de son regard après une saccade, mais qui n’avait pas de déficit de représentation spatiale (Duhamel et al 1992b).

3.6.2.2 L’intention

Toutes ces évidences sont toutefois avidement contredites par le groupe d’Andersen (Andersen 1997; Andersen et al 1997; Andersen et Buneo 2002; Quiroga et al 2006; Snyder et al 2000a). En effet, ils ont aussi utilisé le test de la double-saccade et argumentent plutôt que l’activité enregistrée dans les cellules de LIP code l’intention d’effectuer la prochaine saccade (Andersen 1995; Bracewell et al 1996; Mazzoni et al 1996b). Ils ont aussi analysé en détail certaines propriétés mnémoniques des neurones de LIP (Gnadt et Andersen 1988) et ont trouvé que les cellules avaient une activité préférentielle pour une certaine direction, soit celle de la cible que les singes avaient mémorisée. Donc, pour vérifier que les cellules ne présentaient pas une activité attentionnelle lors du signal de mémoire de localisation du stimulus, ils ont analysé l’activité des neurones de LIP lors d’un test où le singe devait mémoriser la localisation

d’un stimulus en périphérie et y faire un geste d’atteinte ou une saccade après un délai. Les résultats étaient clairs : les cellules réagissaient nettement à la planification du mouvement. Elles ne pouvaient pas réagir au stimulus lui-même étant donné qu’il n’était plus présent.

Les chercheurs se retrouvent donc avec deux aires pariétales planificatrices ou « intentionnelles ». En effet, en plus de l’aire LIP, le groupe d’Andersen a aussi beaucoup étudié l’activité des aires MIP, 7a et PO, qu’ils regroupent sous le nom de « parietal reach region » (PRR). Leurs recherches démontrent que LIP est plus associée à l’intention d’effectuer une saccade (Bracewell et al 1996; Mazzoni et al 1996b), alors que PRR planifie plutôt les mouvements d’atteinte (Batista et Andersen 2001; Snyder et al 1997). Mais ces deux régions ont aussi des activités reliées. En effet, il semble que LIP et PRR codent dans un même cadre de référence centré autour des yeux qui peut être modulé par les signaux visuels ainsi que par ceux provenant des membres (Andersen et al 1998; Batista et al 1999). Cette organisation permet alors de favoriser la coordination saccade mouvement d’atteinte et facilite aussi l’intégration des obstacles perçus dans l’espace pour une planification de mouvements efficaces. Une activité reliée aux saccades a même été détectée dans l’aire PRR (Snyder et al 2000b), ce qui ne veut pas dire qu’elle planifie les saccades, car cette activité n’est pas pré-saccadique, mais plutôt renforce l’idée que l’activité de PRR est intimement liée à celle de LIP pendant le mouvement d’atteinte visuellement guidé. Finalement, l’aire PRR semble même posséder deux différents sous-types de neurones : ceux qui codent les informations spatiales et ceux qui ont une activité spécifique déterminant les effecteurs possibles du mouvement à effectuer. Ceci a été déterminé lors d’expériences qui spécifiaient la cible mais pas le mouvement à utiliser, soit un saccade ou un mouvement d’atteinte (Calton et al 2002; Gold et Mazurek 2002). Toutes ces caractéristiques peuvent donc être utilisées pour former une transformation directe des coordonnées spatiales de la cible par rapport à la position de la main (toutes deux centrées autour des yeux) et donc générer un vecteur moteur (centré autour du membre) qui guidera la genèse du mouvement par les régions motrices (Andersen et Buneo 2002; Buneo et al 2002).

Pour résumer, le cortex pariétal postérieur est donc être une structure complexe qui joue un rôle essentiel dans le contrôle du mouvement d’atteinte visuellement guidé. Néanmoins, les résultats obtenus par les laboratoires d’Andersen et de Colby ne sont pas forcément mutuellement exclusifs. Il semble évident que cette région du cerveau n’est pas seulement dédiée à l’intention ou à l’attention ; d’ailleurs, les observations faites chez des patients lésés sont mixtes et il est parfois très difficile de déterminer la localisation exacte de la lésion. Il semble plus logique de considérer que l’attention envers une cible va de pair avec l’intention d’agir envers celle-ci. En effet, Bekkering et Neggers ont suggéré que l’attention visuelle n’est autre qu’un mécanisme de sélection- pour-action (Bekkering et Neggers 2002). L’une entraîne l’autre.

3.6.3 Adaptations et corrections effectuées pendant le mouvement