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3. Intégration et modulation des processus visuomoteurs le Cortex Pariétal

3.5 Division du cortex pariétal en régions fonctionnelles

3.5.2 Lobule pariétal supérieur

Les activités observées dans le lobule pariétal supérieur sont aussi très comparables aux observations pionnières de l’aire 5 par Mountcastle et al. Comme nous allons voir, ces régions démontrent des activités fonctionnelles beaucoup plus associées avec le déplacement du bras pendant le mouvement d’atteinte visuellement guidé.

L’aire 5 du lobule pariétal supérieur est divisée en deux régions fonctionnelles principales, délimitées relativement à leur position dans sillon intra-pariétal. La portion de l’aire 5 située partiellement dans la bordure supérieure du côté rostral du sillon pariétal, et qui s’étend partiellement sur la surface corticale du gyrus rostral, est communément dénommée aire 5 dorsale (aire 5d). La partie plus profonde du côté rostral du sillon est l’aire pariétale médiale-dorsale (MIP). Cette dernière région fonctionnelle a été délimitée et désignée grâce aux études anatomiques du laboratoire de Colby et collègues (Colby et al 1988). De plus, cette région pariétale a été étudiée en

grand détail par le groupe de Caminiti, qui a aussi déterminé qu’elle est fortement associée avec des composantes antécédentes de la voie visuelle dorsale, situées sur la surface médiale du lobule pariétal supérieur, notamment les aires pariétales médiale- dorsale (MDP), 7m, et pariéto-occipitale (PO) (Caminiti et al 1996; Ferraina et al 1997a,b; Johnson et al 1993, 1996; Lacquaniti et al 1995). Utilisant l’information visuelle transmise par l’aire 7 et le reste de la voie visuelle dorsale, toutes ces régions du lobule pariétal supérieur interagissent de façon très spécifique afin de faciliter la planification et l’exécution des mouvements volontaires. Comme nous allons voir plus loin, l’aire MIP en particulier est très intéressante dans le contexte de cette thèse, étant donné qu’elle est fortement impliquée dans les processus de mouvements d’atteinte volontaires visuellement guidées chez le primate, et que son équivalent félin pourrait aussi possiblement participer dans les processus visuomoteurs de la locomotion.

3.5.2.1 Aires pariétales médiale-dorsale (MDP), 7m, et pariéto-occipitale (PO)

Les analyses anatomiques extensives de Caminiti et ses associés, utilisant des injections de traceurs rétrogrades, démontrent que le lobule pariétal supérieur est fortement connecté avec les régions prémotrices et motrices primaires impliquées dans le mouvement du bras antérieur (Johnson et al 1993, 1996). L’aire visuelle PO transmet aussi de l’information visuelle directement aux aires MDP/7m et MIP, qui traitent alors cette information et la projettent vers l’aire prémotrice et l’aire motrice (Caminiti et al 1996; Colby et al 1988). Fait intéressant, l’aire 7m est aussi fortement connectée de façon réciproque avec les aires 7a et LIP du lobule pariétal inférieur, permettant ainsi une interconnexion diversifiée entre les deux lobules (Pandya et Seltzer 1982).

Les aires MDP et 7m démontrent des caractéristiques plutôt reliées à l’activité oculomotrice du sujet, représentée par la modulation des décharges neuronales lorsque les yeux sont déplacés vers une cible. Mais leur activité cellulaire est aussi affectée par la proprioception du mouvement d’atteinte et par la vue de la main se dirigeant vers la cible (Ferraina et al 1997a). Finalement, ces cellules démontrent aussi des

caractéristiques préparatoires ainsi que directionnelles au mouvement (Ferraina et al 1997b). Ces résultats avancés par les recherches de Ferraina, attribuent donc à ces régions un rôle d’intégration précoce des signaux visuels destinés à planifier le mouvement à effectuer vers la cible. Ensembles, toutes ces observations suggèrent que les aires médiales du lobule pariétal supérieur intègrent les informations visuelles et proprioceptives nécessaires à l’exécution correcte du mouvement d’atteinte.

3.5.2.2 Aires 5d et intra-pariétale médiale (MIP)

Les travaux de Mountcastle et al (1975), présentés plus haut, avaient déjà suggéré l’existence de deux populations neurales au sein de la représentation somatotopique du bras dans l’aire 5. Une population, localisée dans la partie dorsale de l’aire 5, qui était activée par la rotation des jointures et la stimulation cutanée, et l’autre plus profonde dans le sillon pariétal, qui répondait plutôt lorsque le primate projetait son bras vers une cible et la manipulait. Les expériences qui suivent ont confirmé cette hypothèse et sont parvenues à caractériser fonctionnellement les différences entre ces populations.

Mackay et al (1978), dans une expérience similaire à celle de Mountcastle impliquant la rotation passive et active chez le poignet du primate, ont confirmé que l’activité pendant le mouvement de certains neurones de l’aire 5, situés à l’intérieur du sillon pariétal, ne pouvait pas être simplement attribuée aux inputs sensoriels périphériques, car elles ne répondaient que lorsque le bras était placé dans une position spécifique. Ainsi, il semblait qu’une composante centrale associée au mouvement du bras avait une influence sur cette activité neurale (Mackay et al 1978).

Les travaux de Chapman et al (1984) ont aussi examiné ces deux populations neurales de l’aire 5. Ils ont déterminé que les cellules au bord supérieur du sillon pariétal réagissaient fortement à la vitesse maximale du mouvement du bras pendant la tâche, tandis qu’un groupe de neurones, situé plutôt dans la partie plus profonde du sillon intra- pariétal, démontraient une activité beaucoup moins corrélée avec cette variable

(Chapman et al 1984). Les auteurs ont suggéré que cette distinction renforce l’hypothèse de Mountcastle (1975), soit que les cellules rostrales démontrent une activité plus reliée aux qualités somesthésiques de la position du membre, alors que les neurones situés dans le sillon possèdent plutôt des caractéristiques associées à une direction préférentielle du mouvement de bras. Ces observations étaient aussi concrétisées d’un point de vue anatomique, étant donné que les neurones de la partie dorsale du sillon pariétal possèdent des riches connexions réciproques avec l’aire somatosensorielle 2 et projettent vers la corne dorsale de la moelle épinière (Coulter et Jones 1977), tandis que les cellules de la partie plus profonde du sillon reçoivent plutôt des connexions de régions visuelles (Colby et al 1988) et envoient des projections cortico-corticales vers le cortex prémoteur (Johnson et al 1993).

Enfin, les recherches du laboratoire de Kalaska ont poursuivit l’analyse de l’activité de cellules de l’aire 5, situées sur la surface du gyrus pariétal antérieur et dans son flanc, grâce à un appareillage permettant de contrôler précisément la direction de mouvement d’atteinte du singe. Ils ont démontré que certains neurones réagissaient préférentiellement, tout comme certaines cellules du cortex moteur, à une certaine direction de mouvement du membre antérieur vers la cible (Kalaska et al 1983; Kalaska et Crammond 1992; Scott et al 1997). Ceci suggèrerait donc une implication de cette aire dans le contrôle de la direction du mouvement, au travers des projections vers les régions motrices frontales. De plus, l’activité de ces cellules de l’aire 5 était très peu affectée par l’ajout d’une charge externe influençant la direction de la motion d’atteinte (Kalaska et al 1990). Cette spécificité à la forme et à la direction du mouvement (cinématique), et non pas à la force musculaire requise pour l’effectuer (cinétique), renforce l’hypothèse que certains neurones de l’aire 5 jouent un rôle dans l’ébauche de mouvement volontaires (Hamel-Pâquet et al 2006; Kalaska 1996). Des études subséquentes ont vérifié cette hypothèse, mais il est important de noter que les auteurs spécifient que l’aire 5 n’est pas forcément impliquée dans la sélection du type de mouvement à effectuer, cette dernière étant plutôt la responsabilité du cortex prémoteur (Kalaska 1996; Kalaska et al 1997). D’après eux, le cortex pariétal postérieur calculerait plutôt les mouvements potentiels à effectuer, autrement dit, il pourrait essentiellement

planifier le geste requis, comme nous expliquerons plus loin (voir : Nature du signal pariétal – attention à la cible ou intention de bouger ?).

Les travaux initiaux de Mackay, Chapman et Kalaska ont donc confirmé les observations pionnières de Mountcastle. Il est évident que les deux populations neurales au sein de l’aire 5 possèdent des activités distinctes, mais complémentaires pour moduler les mouvements d’atteinte. Plusieurs études additionnelles ont suivi afin de mieux analyser les caractéristiques des neurones de MIP, ainsi que ses contributions aux mouvements volontaires, particulièrement lors de tâches d’atteinte visuellement guidées.

3.6 Contribution de l’aire 5 et de MIP à la planification et