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Options politiques et religieuses

Dans le document Les évolutions du militantisme à la CSF (Page 73-75)

1. Stabilité et évolutions des profils

1.3. Options politiques et religieuses

Les enquêté-e-s témoignent donc de rapports variés à l’action collective et à la chose publique. Les questions portant sur les préférences et la pratique politiques ont permis d’approfondir cet aspect.

Une première chose à relever est que tou-te-s les enquêté-e-s affirment voter à toutes les élections, en considérant le vote comme un acquis politique majeur et comme une modalité importante d’expression citoyenne : « Comme je dis il faut pas rouspéter quand vous votez pas » ; « Y’a des pays où les gens peuvent pas donner leur avis. » Cet attachement à la démocratie électorale apparaît cependant récent dans le cas de deux personnes déclarant ne s’être inscrites que tardivement sur les listes électorales, sur un registre relevant d’un certain prosélytisme : « Je me suis dit c’est une responsabilité quelque part et c’est à moi de montrer l’exemple, de passer le flambeau. Mon mari ne s’est pas inscrit. Je suis derrière lui mais il y a pas moyen. J’ai fait faire, du coup j’ai obligé mon fils à faire sa carte, à s’inscrire aussi et puis il a voté la dernière fois, il est venu voter avec moi. » Dans les deux cas, la conversion à la pratique du vote est explicitement rapportée au ralliement à la CSF, comme si l’adhésion associative induisait l’endossement d’un rapport plus positif et actif à la citoyenneté.

L’expression des préférences partisanes est toujours délicate et, lorsqu’interrogé- e-s sur leurs choix électoraux, certain-e-s enquêté-e-s ont souhaité maintenir un certain flou en privilégiant l’expression de valeurs et de principes généraux ou en affichant leur neutralité : « On est tous des êtres humains. Qu’on soit de droite, blancs ou noirs, qu’est- ce que ça ?… On est tous frères » ; « Tout ce qui est proche de l’humain, l’humanité… L’égalité, je suis très sensible à tout ce qui est égalité » ; « Pourvu que y’en a un qui me parle de social, je me dirigerai vers lui. » Celles et ceux qui ont accepté de livrer leurs préférences ont toutes et tous indiqué des votes de gauche — mais pas d’extrême gauche — en attestant ce faisant que la CSF restait profondément ancrée dans cette zone du champ politique. Reflet d’une conjoncture politique marquée par une certaine confusion, plusieurs ont cependant exprimé leur désarroi, s’interrogeant sur leurs perspectives de vote aux prochaines élections. S’y expriment à la fois un désaveu du Parti Socialiste, qui recueillait autrefois leurs préférences, et le sentiment d’une absence

d’alternative crédible (sentiment qui vise notamment les écologistes) : « Jusqu’à présent c’était socialiste, hein, plutôt. Je le suis pas, je me suis pas engagée non plus. Mais je votais socialiste. (…) J’ai pas voté écologiste. Parce que je leur faisais pas confiance » ; « Je sais pas si je voterai dans deux ans, je suis encore indécis, vu ce qui se passe aujourd’hui. (…) Moi je suis pas un partisan de droite, c’est très clair. Moi je serais plus pour la gauche mais pas pour celle qui est là aujourd’hui » ; « J’étais mieux PSU que PS mais bon, puisque y’a plus le PSU je suis PS. Je reste PS parce que même si ils me déçoivent, ben j’ai bien voté pour Chirac mais parce que je voulais pas voter pour le Front national ». Les plus jeunes sont sur ce point les plus hésitantes, refusant d’exprimer leurs préférences et disant envisager leurs votes avant tout en regard de l’enjeu de l’élection.

Une autre variable importante, spécialement en regard de l’histoire de la CSF, est celle relative aux options religieuses. On ne constate pas sur ce plan d’évolution majeure en regard de la « tradition » catholique sociale de l’association. La majorité des enquêté- e-s ont été élevé-e-s dans la tradition chrétienne et — à l’exception d’une protestante — plus précisément catholique. Seule une militante issue de l’immigration algérienne a été élevée dans la tradition musulmane. Mais ce qui apparaît surtout est la distance affichée par les militant-e-s à l’égard des identifications religieuses. La même militante d’ascendance algérienne est mariée à un homme aux origines familiales italiennes et insiste sur le respect mutuel qui règne dans son couple, tandis qu’un militant qui se présente comme fervent croyant et pratiquant catholique est marié à une musulmane et affirme respecter ses préceptes religieux. Lorsqu’interrogé sur la pratique religieuse dans sa famille, un militant résume ainsi : « Croyants mais pas fort ».

Surtout, la majorité des militant-e-s rencontré-e-s affirme que, quand elle est présente, la religion est une dimension secondaire de leur identité. La pratique est faible ou irrégulière (limitée aux cérémonies comme les baptêmes familiaux ou les enterrements, par exemple) et n’apparaît pas comme un principe structurant des conduites. Cette distance à la religion d’origine peut résulter d’une faible inculcation familiale (comme dans le cas de cette militante, dernier enfant d’une fratrie de trois, qui a été baptisée mais n’a pas fait sa communion à la différence de ses frères plus âgés). Elle peut également émaner d’un processus plus ou moins progressif ou brutal d’éloignement qui a conduit à rompre avec la religion et/ou avec l’institution ecclésiale : « Un jour je me suis sentie, à l’église, je me suis sentie euh… spectatrice. Alors qu’avant j’étais actrice. (…) Je me sens plus croyante, quoi. Même si bon… Moi je trouve que la croyance c’est quand, aimer son prochain comme soi-même, le reste c’est accessoire » ; « J’ai vécu dans le catho parce que j’ai été à l’école privée avec les bonnes sœurs mais j’ai tout rejeté. J’ai fait un rejet de tout ça à mon adolescence et j’ai un gros gros rejet. »

De ce point de vue, l’évolution des affiliations religieuses des militant-e-s de la CSF semble s’inscrire dans une double continuité75. Continuité tout d’abord avec l’histoire d’une association issue du catholicisme social mais déconfessionnalisée de longue date et se définissant désormais comme laïque. Continuité ensuite avec les évolutions des identifications religieuses au sein des couches catholiques — qui restent le vivier de recrutement privilégié de la CSF — où la pratique rituelle comme l’attachement aux dogmes ont décliné au cours des dernières décennies.

75 Margaux Vidal avait signalé une dualité de carrières, laïques et d’action catholique, parmi les membres

de la section de la CSF qu’elle a étudiée. L’opposition entre les deux types de carrière apparaît moins marquée au sein de notre propre population ; cf. M. Vidal, « L’Action militante au sein d’une section locale de la CSF », mémoire de M1 cité.

Une question relative aux pratiques d’information apportait également des éléments sur le rapport à la chose publique. S’ils se déclarent tous curieux de l’actualité (peut-être en signe de bonne volonté devant l’enquêteur), les militant-e-s de la CSF ne témoignent pas d’une consommation médiatique particulièrement originale ou poussée. La plupart s’informent principalement par la télévision ou par la radio, et privilégient les médias dominants (France 2, France 3 — notamment pour les informations régionales —, France Info, RMC, Europe 1…). Lorsqu’elle est évoquée, la lecture de la presse écrite est intermittente, et surtout locale (Le Progrès, Le Dauphiné libéré…) ou gratuite (20

minutes) ; elle est parfois supplée par l’information sur internet mais sans privilégier de

site d’information spécialement dédié (« L’info sur ma page d’accueil SFR »). Deux enquêtées seulement indiquent ne pas avoir de télévision, l’une d’elles faisant de ce choix l’expression d’un rapport critique aux médias : « J’essaie de me tenir au courant mais les médias je ne les supporte pas. Parce que pour moi on est formatés. (…) J’ai toujours l’impression de me faire avoir au niveau information. Donc j’ai beaucoup de mal, beaucoup de mal à trouver l’information qui me satisfait. » Cette militante est la seule à exprimer une telle méfiance à l’égard des médias, indice d’un rapport critique à la chose publique moindre chez les militants de la CSF que dans d’autres secteurs militants76.

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