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L’engagement diffus

Dans le document Les évolutions du militantisme à la CSF (Page 58-60)

2. Le profil des répondants

3.4. L’engagement diffus

Le troisième type peut être caractérisé comme diffus parce qu’il tend à s’inscrire de manière éparse dans les interstices de l’emploi du temps, non selon une planification stable mais en fonction des disponibilités et des opportunités. On relève dans ce cas une moindre influence des temps sociaux : les divers temps de la journée ou de la semaine et le dimanche accueillent les activités de la CSF de manière relativement indifférenciée. Cumulé, le volume horaire consacré au syndicat peut être important mais il n’est pas distribué selon une logique stable ou équilibrée. Certaines journées peuvent être intégralement consacrées à la CSF et être suivies par d’autres d’où le syndicat est totalement absent. L’activité est souvent ponctuelle et prend de manière privilégiée la forme de tâches de coordination ou de gestion interne, au détriment de celles qui supposent la rencontre avec un public. À la différence de l’engagement borné, elle peine (sans pour autant l’interdire) à s’inscrire dans une organisation du temps planifiée et régulière. Ce type d’organisation procède d’une gestion négociée de l’emploi du temps, qui implique d’intégrer et d’articuler le temps dévolu à la CSF avec d’autres activités, notamment professionnelles.

65 En écho, une répondante indique en fin de carnet que « ce fut une période calme pour la CSF d’autant

Typique de ce point de vue est le carnet de ce militant de 43 ans, secrétaire administratif dans la fonction publique et qui occupe plusieurs responsabilités (secrétaire de l’UD, président de l’UL, coordinateur de section, membre du conseil régional). Très détaillé, le contenu du carnet ne fait pas tant apparaître de larges plages de temps consacrées à la CSF qu’une multiplicité d’activités en lien avec elle, étalées au fil de la journée, du matin jusqu’au soir. Apparaît notamment l’importance des échanges de mails, diffus au cours de la journée et rendus possibles par la nature de l’emploi exercé. Apparaît également la place prépondérante des tâches de coordination, accomplies par mails mais aussi par des passages au local, qui permettent de « faire le point » avec les salariés ou d’autres militants sur la préparation des initiatives. L’occupation d’un emploi à temps plein entrave sans doute des activités à destination du public, généralement proposées en journée, et induit ici une action plutôt « en interne », où les réunions de fin d’après-midi occupent une place importante. S’ils signalent une baisse de l’activité consacrée à la CSF, les week-ends n’en sont pas pour autant exempts, a minima sous forme d’échange de mails. En témoigne a contrario la mention en majuscules, sans doute destinée à insister sur son caractère exceptionnel, « journée sans CSF » sur la page du samedi 1er février.

L’engagement diffus ne caractérise cependant pas que les seuls militants occupant un emploi. En témoigne le carnet d’une militante retraitée de 63 ans, trésorière à la fois de la ludothèque, de l’UL et de l’UD. Le temps consacré à la CSF n’est pas organisé selon un modèle récurrent et prévisible. À l’inverse, on trouve des journées sans aucune mention de la CSF suivies par d’autres intégralement dédiées au syndicat. Le rythme hebdomadaire n’est pas davantage structurant puisque certains samedis ou dimanches après-midi sont tout entiers consacrés au classement de documents de la CSF ou à de la documentation en droit du travail. Même constat s’agissant du rythme quotidien puisque le temps consacré à la CSF peut prendre place le matin, à midi, l’après-midi, être interrompu pendant plusieurs heures… Des soirées sont dévolues à la comptabilité, à la préparation de réunions de bureau ou à celle d’une prochaine bourse, à des discussions avec d’autres militants… Ici, la militante organise le temps dédié à la CSF en fonction de ses disponibilités, en arbitrant sans doute avec d’autres activités (que le carnet ne permet pas d’identifier), en tirant profit des plages temporelles disponibles mais pas en reproduisant de semaine en semaine un planning prédéfini. Cette souplesse est sans doute autorisée par le statut de retraitée. À la différence du cas précédent qui, voyant son temps contraint par son emploi, en mobilise les interstices disponibles, cette militante tire profit de la liberté de son temps pour l’organiser et l’employer à sa guise. Elle est également rendue possible par le type de tâches — de gestion et à mener le plus souvent seule — dans laquelle elle s’est spécialisée : ne dépendant pas des autres, et notamment d’un public, elle peut plus librement décider du moment d’accomplissement de ses tâches.

Insistons une nouvelle fois sur le fait que l’identification de ces trois types visait uniquement à rendre compte de tendances apparentes dans la gestion du temps des militants telle qu’elle est révélée dans des carnets dont — cela a son importance — le degré de précision du remplissage n’est pas homogène. Dans la réalité, les emplois du temps sont beaucoup plus composites, et même les militants les mieux organisés ne sont pas à l’abri des contretemps et des imprévus de dernière minute. La représentation que livrent les carnets doit en outre être contextualisée. On l’a dit, et certains commentaires y insistent, la période choisie était relativement « creuse » pour la CSF. Cela correspondait à l’objectif d’une saisie de l’activité ordinaire et routinière mais ne permet

pas de cerner la manière dont les militants gèrent leur temps pendant les phases de mobilisation, par exemple à l’approche des élections HLM ou lors du lancement de campagnes particulières. Celles-ci exigent davantage de temps et supposent l’exercice d’activités distinctes de celles qui ont pu être ici identifiées.

Dans le document Les évolutions du militantisme à la CSF (Page 58-60)