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Chapitre 3. Les enjeux perçus de la surveillance publique de l’IAHP

1 Matériel et méthode

2.3 La déclaration d’une suspicion : un choix contraint par l’incertitude

2.3.1 Les options des éleveurs face à une suspicion d’IAHP

Du point de vue des éleveurs quatre types de réponses sont envisageables face à une maladie correspondant aux critères d’une suspicion d’IAHP (Figure 9, tableau 5 du chapitre 2):

Le traitement. Cette option vise à mettre fin à l’infection de la bande affectée et sauver un

maximum d’animaux de la maladie.

 La vente en urgence des animaux.

 La destruction des animaux. L’élimination des volailles mortes est réalisée par enterrement. C’est l’option la plus courante dans la zone d’étude de Sukhothai. Elle peut aussi être faite par crémation, une option fréquemment mentionnée dans la zone d’étude de Hải Dương ou

140 - en nourrissant d’autres animaux d’élevage, comme des crocodiles ou des pythons avec les volailles mortes, une option observée dans la zone d’étude de Đồng Nai. Enfin l’abandon pur et simple des cadavres dans l’environnement voisin de l’élevage a été mentionné à Hải Dương et Long An.

La déclaration de la suspicion aux autorités vétérinaires.

Figure 9. Les différentes options dans la gestion d’un foyer de maladie correspondant à

une suspicion d’IAHP

Les producteurs et les collecteurs de volailles des trois zones d’étude du Viet Nam ont mentionné l’existence d’un commerce de volailles mortes ou vivantes en provenance des élevages infectés. Dans la province de Hải Dương, cette vente est possible à partir d’un certain poids du poulet, en général 1kg, pour un prix variant de 33,3 à 83,3% du prix du marché. A Đồng Nai, les poulets morts ou malades peuvent être vendus aux élevages de pythons ou de crocodiles à environ 10-20% du prix du marché pour nourrir ces animaux. Dans chacune de ces zones d’étude, les participants ont mentionné que les volailles malades ou mortes peuvent être abattues, préparées et vendues pour la consommation humaine. Les contrôles sanitaires sur les transports de volailles sont jugés faibles dans les trois zones d’étude par les éleveurs et les collecteurs. Selon les collecteurs interrogés à Long An, en revanche, des contrôles sanitaires stricts sont appliqués dans la municipalité de T.P.Hồ Chí Minh. Les transports de petites quantités de volailles sur de petits véhicules, comme les

141 - motocyclettes rendent les contrôles difficiles (Photos 20-25). Les volailles malades peuvent aussi être transportées de nuit, par des routes secondaires, ou moyennant un pot-de-vin versé aux agents des autorités en charge du contrôle. Un vocabulaire spécifique est utilisé pour qualifier ce type de commerce. La vente en urgence est ainsi appelée bán chạy (« vendre en courant ») ou bán tháo (« vendre en jetant ») car pratiquée face à l’urgence de la maladie. Dans la zone d’étude de Đồng Nai, les porcs, poulets ou canards provenant des fermes infectées reçoivent le qualificatif quay (« laqué »). A Long An les poulets provenant des fermes infectées sont, dans certains entretiens, appelés Gà sida (« poulets sida »). Quelques sources, collecteurs ou éleveurs, ont mentionné que la destination des volailles vendues en urgence sont les cantines des zones industrielles ou les restaurants bon marché (quan cơm, cơm bin dân), qui sont peu regardants sur la qualité des produits animaux utilisés. Ces volailles ne sont donc pas destinées à la vente directe aux consommateurs, sous forme vivante ou fraîchement tuées. Dans ce type de vente, les symptômes de la maladie, visibles par les consommateurs, diminuent la valeur commerciale du produit ou en dissuadent totalement l’achat.

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Photo 20, Photo 21, Photo 22, Photo 23, Photo 24 et Photo 25. Scènes de commerce de

volailles vivantes dans le Nord du Viet Nam

Crédits : N. Antoine-Moussiaux, A. Delabouglise

Le transport de petits nombres de volailles sur motocyclette jusque dans les abattoirs, étales ou marchés en gros (en bas à droite) est encore très répandu, ce qui rend les contrôles sanitaires difficiles. Les volailles vendues vivantes sur les étals de marché (en bas à gauche) doivent cependant avoir une bonne apparence pour être vendues. D’après les éleveurs et collecteurs interrogés la vente de volailles malades est peu probable dans ce type de distribution, et plutôt cantonnée aux cantines ou restaurants bon marché.

143 - Dans la zone d’étude de Sukhothai en Thaïlande, ni les éleveurs (villageois ou commerciaux), ni les collecteurs de volailles interrogés n’ont mentionné de vente en urgence en cas d’infection des élevages. Selon les éleveurs de poulets villageois, éleveurs de canes pondeuses et collecteurs interrogés, la vente d’animaux morts ou malades est difficile. L’élevage de poulets villageois est intégralement constitué de poulets de race indigène. La viande de poulet de telles races est considérée comme ayant des propriétés gustatives prisées des consommateurs. Les poulets villageois sont donc destinés à des restaurants ou des consommateurs achetant les produits à des prix élevés et dont l’exigence sur la qualité gustative des produits s’accompagne d’une exigence vis-à-vis de la qualité sanitaire des volailles. Les éleveurs, quand ils sont confrontés à la maladie, ne peuvent donc vendre leurs animaux rapidement.

Pour les éleveurs interrogés au Viet Nam, l’option du traitement n’implique pas les autorités vétérinaires. Les éleveurs font appel aux acteurs privés du secteur « amont » de la filière avicole : vendeurs d’aliments, magasins vétérinaires, entreprises agro-alimentaires, entreprises pharmaceutiques. Cependant, ces acteurs sont plus ou moins accessibles selon l’échelle de production de l’élevage en question. Seuls les éleveurs possédant des élevages de grande échelle (>1000 oiseaux/bande) peuvent contacter les vétérinaires des entreprises directement car ils représentent un intérêt économique suffisant pour ces derniers. Comme mentionné en chapitre 2, les éleveurs de caille de la zone d’étude de Đồng Nai préfèrent se référer à leur propre expérience pour diagnostiquer et traiter leurs animaux, car les compétences des acteurs amont dans le traitement des cailles sont perçues comme médiocres comparé au traitement des poulets, canards et porcs. Dans la zone d’étude de Sukhothai, des sources de services vétérinaires privées sont également mentionnées : magasins vendant des produits vétérinaires, pharmacies vétérinaires, et un vétérinaire privé retraité des services d’Etat. En revanche, dans cette même zone d’étude, les autorités vétérinaires peuvent également être associées au traitement. Les éleveurs ont ainsi mentionné des distributions gratuites de produits vétérinaires (vaccins, désinfectants et antibiotiques) opérées par les autorités vétérinaires en cas de besoin des éleveurs. Ces distributions sont directes ou se font par l’intermédiaire des volontaires de santé animale ou chefs de villages. Ces distributions gratuites peuvent avoir lieu suite à la déclaration par un éleveur aux autorités vétérinaires d’une maladie dans son élevage.