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Chapitre 1. Territoires d’aviculture et territoires d’IAHP : littérature, données et choix des zones

2. Territoires d’IAHP

2.2 Impacts politiques et économiques de l’IAHP

Dans les deux pays tous les secteurs de production, villageois et commercial, ont été affectés par l’IAHP. Les éleveurs ont subit des pertes de production directes, liées à la maladie ou aux abattages de masse pratiqués par l’Etat, ainsi que des coûts indirects , liés à la perte de débouchés commerciaux ou aux investissements consentis pour renforcer le niveau de biosécurité [130].

La Thaïlande et le Viet Nam ont inscrit l’IAHP sur leurs listes des maladies aviaires à déclaration obligatoire, aux côtés de la maladie de Newcastle, une autre maladie infectieuse provoquant de fortes mortalités chez les volailles [131,132]. Les suspicions d’IAHP font l’objet de définitions légales précise dans les deux états, très similaires et principalement basées sur l’observation d’une forte mortalité des bandes de volailles dans un temps court ainsi que quelques signes cliniques non spécifiques (encadré 3). L’observation de cas cliniques correspondant à ces définitions légales doit obligatoirement être référée aux autorités vétérinaires par les éleveurs ou les autorités locales.

Encadré 3. Définitions légales d'une suspicion d'IAHP dans un élevage avicole au Viet Nam

et en Thaïlande

Sources: département de la santé animale du Viet Nam, 2011 [117]; et gouvernement thaïlandais, 2007 [132]

Au Vietnam [117] : mortalité > 5% en 2 jours ou morts de volailles avec observation des

symtômes suivants : cyanose, pâleur et gonflement de la tête (notammment la crête), hémorragies au niveau de la peau des pattes arrière, salivation, essoufflement, difficulté à se déplacer, station debout en bandes sérrées, décubitus en prostration, troubles neurologiques (surtout chez les canards), diarrhée, plumes ébouriffées.

En Thaïlande [132]: pour les volailles en bâtiments : mortalité de 1% en 2 jours et chute de la

consommation d'eau ou d'aliment de 10% en un jour. Pour les volailles de basse-cour: mortalité > 5% en 2 jours.

57 - Au Viet Nam la politique de contrôle de l’IAHP a été dictée par les instances politiques de Hà Nội sans qu’aucun dialogue ne soit entreprit avec les acteurs privés. Contrairement à la Thaïlande [29], le secteur privé n’a pas joué un rôle important dans la définition des politiques de lutte contre l’IAHP. Les raisons politiques en sont évidentes, le système socialiste privant officiellement les acteurs privés de tout pouvoir politique. Par ailleurs le secteur avicole commercial n’a pas, au Viet Nam, le poids économique qu’il représente en Thaïlande [101,133]. En revanche, les donneurs internationaux, les Etats-Unis en tête, ont joué un rôle de premier plan dans la gouvernance de la crise de l’IAHP. L’assentiment du gouvernement vietnamien à cette ingérence étrangère, qui plus est de son ancien ennemi, fut motivée, selon certaines études, par les financements massifs qui l’accompagnèrent [133] mais aussi par la perspective d’une entrée du Viet Nam dans l’Organisation Mondiale du Commerce [21].

La gestion unilatérale de l’Etat Vietnamien de la crise de l’IAHP ainsi que sa coordination inédite avec les instances internationales (OIE et FAO) ont permis la mise en place de mesures relativement coûteuses [100,101]. Le gouvernement a ainsi ordonné la destruction de tous les cheptels de volailles dans un rayon de 5 km autour de chaque foyer déclaré, entrainant l’abattage de 45 millions d’oiseaux en 2003-2004. L’abattage a ensuite été réduit aux seuls élevages reconnus infectés. A cette mesure s’est ajoutée la fermeture des marchés de volailles vivantes dans les 15 principales villes, et l’interdiction de toute activité de couvaison d’œufs de canards. Cette dernière mesure a été abandonnée en 2007 face à la prolifération de couvoirs clandestins [134]. Par ailleurs, de 2005 à 2011 l’Etat a mis en place une vaccination de masse obligatoire des volailles contre le virus H5N1 dans les provinces du pays les plus à risque.

L’élevage avicole commercial de petite ou moyenne taille est la principale victime de la crise de l’IAHP [101]. Les acteurs de ce secteur, pour qui la production avicole représente une part substantielle du revenu, ont vu se fermer de nombreux débouchés commerciaux. La métropole de T.P.Hồ Chí Minh a ainsi ordonné la fermeture de la plupart des marchés et abattoirs qui commercialisaient leur production [101]. L’élevage villageois a été moins touché, du fait de la plus faible proportion d’animaux commercialisés dans ce secteur. L’impact a été d’autant plus limité dans les plateaux et régions montagneuses, faiblement intégrés aux circuits commerciaux et peu touchés par l’IAHP [100].

L’élevage avicole commercial de grande taille a souffert dans un premier temps. Ce secteur a néanmoins bénéficié d’un appui du gouvernement, sous forme de subventions et de prêts à taux privilégiés. Ce même secteur s’est révélé plus apte à satisfaire les exigences nouvelles de maitrise des risques sanitaires, qui nécessitent des investissements financiers importants. Cette situation avantageuse lui a permis d’élargir ses débouchés commerciaux [93]. Le gouvernement vietnamien a

58 - saisi l’opportunité créée par la crise de l’IAHP pour stigmatiser la production de petite échelle, et promouvoir une production commerciale intégrée, liée à une grande distribution en plein développement [135]. Cette prise de position s’inscrit dans une évolution vers un poids politique grandissant des investisseurs privés, et dans une volonté du gouvernement de promouvoir l’exportation de ses produits animaux [133]. La crise de l’IAHP a ainsi permis aux entreprises agro-alimentaires étrangères, à l’image de Charoen Pokphand Foods (CPF), de renforcer leur emprise sur le marché avicole vietnamien [136].

Le constat est néanmoins à nuancer. La crise de l’IAHP n’a pas causé de défiance durable des consommateurs vietnamiens envers l’élevage de petite et moyenne échelle et ses circuits de distribution informels [137]. L’achat en supermarché, dans le nord et le centre du pays, y compris la métropole de Hà Nội, reste limité. La préférence des consommateurs va toujours aux produits des élevages utilisant en grande partie l’apport génétique des races indigènes. Le goût des consommateurs garantit ainsi la pérennité des productions de petite échelle [96,136].

En Thaïlande, l’IAHP a également affecté de manière différente les secteurs de production. Le secteur avicole commercial s’est vu fermer ses principaux débouchés à l’exportation, le Japon et l’Union Européenne [138]. L’enjeu principal pour ce secteur a donc été le recouvrement rapide du statut indemne du pays. Cet impératif a été défendu par les groupes d’influence du secteur industriel auprès des décideurs politique. En réponse le gouvernement thaïlandais à pris des mesures de contrôle particulièrement draconiennes. Une politique de surveillance active systématique (baptisée « X-Ray ») a été mise en place et 63 millions d’animaux ont été abattus durant la seule année 2004 [138]. Ces mesures ont été particulièrement coûteuses pour l’Etat mais elles ont également profondément affecté l’élevage villageois, principale cible des abattages massifs. La vaccination, qui aurait permis aux éleveurs villageois d’assurer la protection de leurs animaux de grande valeur, a été interdite par le gouvernement afin de ne pas retarder le recouvrement du statut indemne du pays. Cette approche est contraire à celle du Viet Nam, qui, de 2005 à 2011, a fondé sa politique de contrôle sur la vaccination de masse des volailles dans les zones à risque. Le mécontentement engendré par la politique de contrôle thaïlandaise a été relayé par les défenseurs de la pratique du coq de combat, qui bénéficient de relais politiques importants en Thaïlande (encadré 7, p 156) [29]. La crise a, par ailleurs, accéléré l’industrialisation de l’élevage avicole thaïlandais. Une exigence renforcée des pays importateurs et des consommateurs thaïlandais pour une meilleure maitrise des risques sanitaires a contribué à l’intégration des élevages commerciaux. Cette intégration s’est faite au sein des deux principales firmes agro-alimentaires C.P et Betagro [106]. Cette restructuration a engendré la disparition progressive des élevages commerciaux indépendants. Néanmoins, l’élevage

59 - de canard en divagation est encore pratiqué dans la plaine centrale du pays et l’élevage de poulets de race indigène est encore le plus répandu parmi les ménages ruraux.