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2. Hydroalcoxylation d’haloalcynes gem difluorés

2.2 Résultats et discussion

2.2.2 Optimisation

Le départ pour l’optimisation de la réaction d’hydroalcoxylation (Tableau 2.1) est un système en tout point similaire effectué par le laboratoire Paquin, soit la réaction d’hydroalcoxylation de gem-difluorures propargyliques.173 L’optimisation s’est effectuée en

employant le chloroalcyne 2.15 comme substrat modèle pour obtenir le β,β-difluoroester 2.52 (Tableau 2.1). Les conditions de départ sont le (Ph3P)AuOTf (synthétiser in situ à partir du

(Ph3P)AuCl et AgOTf) à 5 % molaire comme catalyseur dans le THF avec le méthanol

comme nucléophile et co-solvant (ratio de 9:1) à température ambiante pendant 18 heures (entrée 1). N’ayant eu aucune conversion du produit 2.15, la température a été augmentée à 40 °C (entrée 2), mais sans plus grand succès. Un maigre rendement de 20 % du produit 2.52 a été déterminé par RMN 19F la réaction a été effectuée à 70 °C, avec conversion incomplète du produit 2.15 (entrée 3). Ayant eu de meilleurs résultats en remplaçant le ligand du catalyseur (Ph3P) par (JohnPhos) dans la réaction d’hydratation d’alcynes-CF3, une charge

catalytique de 1 % mol de (JohnPhos)AuOTf a été testée (entrée 4), mais aucune conversion du produit de départ n’a été détectée. Un rendement par RMN 19F de 43 % a été obtenu en

augmentant la charge catalytique du catalyseur d’or jusqu’à 5 % molaire (entrée 5). L’utilisation de 10 % molaire du catalyseur d’or (entrée 6) ou l’augmentation du temps de la réaction jusqu’à 72 heures (entrée 7) n’a eu aucun impact significatif sur le rendement. Il n’y a eu aucune formation du produit 2.52 en utilisant le 1,4-dioxane comme co-solvant

(entrée 8), même lorsque la température a été augmentée jusqu’à 100 °C (entrée 9). La diminution (entrée 10) ou l’augmentation (entrée 11) de la quantité de nucléophile donne une chute de rendement, ce pourquoi le ratio 9:1 entre le THF et le méthanol a été conservé. L’optimisation de la charge catalytique du triflate d’argent a été la clé du succès pour la conversion complète du chloroalcyne 2.15 : une augmentation significative du rendement a été observée (entrées 12 à 15) jusqu’à l’obtention le β,β-difluoroester 2.52 comme seul régioisomère avec un rendement isolé de 74 %. Pour ce faire, il a fallu utiliser 1,05 équivalent de AgOTf pour permettre d’avoir ce résultat ; un 5 % molaire pour synthétiser le catalyseur (JohnPhos)AuOTf in situ et l’équivalent restant va permettre de trapper l’halogène, soit le chlorure dans le cas précis du chloroalcyne 2.15, présent dans le milieu réactionnel pour former de l’halogénure d’argent (AgX). Le catalyseur d’or est essentiel à la formation du produit puisque 2.52 n’a nullement été formé lorsqu’il a été omis (seulement la présence du AgOTf) (entrée 16). De même, la présence du triflate est essentielle à la transformation, puisqu’il y a aucune conversion avec seulement le (JohnPhos)AuCl présent dans le milieu réactionnel (entrée 17). Également, la présence d’acide triflique ne permet pas d’activer suffisamment l’alcyne pour permettre la réaction d’hydratation (entrées 18 et 19). Ces derniers tests étaient nécessaires pour déterminer si le catalyseur d’or était réellement nécessaire à la transformation : aucun β,β-difuoroester 2.52 n’a été détectée sous conditions acides (à l’aide de l’acide triflique), soit en l’absence d’un catalyseur d’or dans le milieu réactionnel.

Tableau 2.1. Optimisation de la réaction d’hydroalcoxylation catalysée à l’or

Entrée Ligand [Au]

(% mol)

[Ag]

(% mol) Temp. (°C) Solvant

Rend. (%)a 1 Ph3P 5 5 21 THF (9:1) 0 2 Ph3P 5 5 40 THF (9:1) 0 3 Ph3P 5 5 70 THF (9:1) 20 4 JohnPhos 1 1 70 THF (9:1) 0 5 JohnPhos 5 5 70 THF (9:1) 43 6 JohnPhos 10 10 70 THF (9:1) 38 7 JohnPhos 5 5 70 THF (9:1) 39b 8 JohnPhos 5 5 70 Dioxane (9:1) 0 9 JohnPhos 5 5 70 Dioxane (9:1) 0 10 JohnPhos 5 5 70 THF (19:1) 20 11 JohnPhos 5 5 70 THF (1:1) 13 12 JohnPhos 5 10 70 THF (9:1) 65 (41)c 13 JohnPhos 5 25 70 THF (9:1) 69 (47)c 14 JohnPhos 5 50 70 THF (9:1) 85 (63)c 15 JohnPhos 5 105 70 THF (9:1) 90 (78)c 16 JohnPhos 5 0 70 THF (9:1) 0 17 JohnPhos 0 105 70 THF (9:1) 5 18 JohnPhos 0 5d 70 THF (9:1) 0 19 JohnPhos 0 105d 70 THF (9:1) 0

a Rendement estimé par RMN 19F avec le 2-fluoro-4-nitrotoluène comme étalon interne. b

Réaction effectuée pendant 72 heures. c Rendement isolé après purification par chromatographie sur gel de silice entre parenthèses. d Réaction effectuée avec du (JohnPhos)AuCl et TfOH.

Avec le résultat encourageant de l’entrée 15 du Tableau 2.1, la poursuite de l’optimisation se poursuit au Tableau 2.2. Aucun impact positif n’a pas été observé de l’utilisation du cuivre ou du lithium comme contre-ion (pour trapper l’halogène dans le milieu réactionnel), obtenant un faible rendement par RMN de 29 % au maximum (entrées 1 à 4). Le chlorure

de sodium ne semble pas se former au cours de la réaction, puisqu’il n’y a aucune conversion en utilisant le NaBF4 comme additif (entrée 5). Même en ayant 100 % de conversion de 2.15,

les rendements obtenus sont plus faibles en utilisant divers contre-ions d’argent (entrées 6 à

8) que celui obtenu avec le AgOTf. De plus, au cours de la réaction, il y a formation de

produits secondaires difficilement séparables par chromatographie sur gel de silice, produits secondaires non présents lors de l’utilisation du triflate d’argent seulement.

Tableau 2.2. Effet d’additifs sur la réaction d’hydroalcoxylation catalysée à l’or

Entrée Additif [Ag] (% mol) [Additif]

(équiv.) Rend. (%) 1 Cu(OTf)2 5 1 29a 2 Cu(OTf)2 0 1,05 9a 3 LiOTf 5 1 29a 4 LiOTf 0 1,05 -b 5 NaBF4 5 1 -b 6 AgBF4 5 1 62c 7 AgNO3 5 1 69c 8 AgOAc 5 1 38c

a Rendement estimé par RMN 19F avec le 2-fluoro-4-nitrotoluène comme étalon interne. b

Aucune conversion du chloroalcyne 2.15. c Rendement isolé après purification par chromatographie sur gel de silice.

Divers alcools ont été testés pour la réaction d’hydroalcoxylation catalysée à l’or (Tableau

2.3). Une conversion complète du chloroalcyne 2.15 a été observée en utilisant l’eau comme

nucléophile, mais aucun signal du produit 2.52 n’a été détecté par RMN 19F (entrée 1). Cette

transformation aurait été intéressante pour la synthèse d’acides carboxyliques ; aucun produit n’a toutefois pu être purifier ni caractériser suite à la réaction d’hydratation. La transformation fonctionne avec l’éthanol comme nucléophile avec un rendement acceptable de 73 % avec conversion complète du chloroalcyne 2.15 (entrée 2). Il y a moins de succès

pour les autres alcools testés, n’ayant eu aucune conversion complète et avec des rendements faibles allant de 22 à 33 % (entrées 4 à 7). L’encombrement stérique est un aspect important pour la réaction d’hydroalcoxylation. En effet, plus l’alcool est encombré, moins importante est la conversion et plus faible est le rendement.

Tableau 2.3. Réaction d’hydroalcoxylation catalysée à l’or avec divers alcools

Entrée R1OH Rend. (%)a, b 1 H2O -c 2 Éthanol (73) 3 1-Butanol 82 (27) 4 Isopropanol 55 (26) 5 2-Butanol 78 (22) 6 tert-butanol -c 7 TFE 85 (33)

a Rendement estimé par RMN 19F avec le 2-fluoro-4-nitrotoluène comme étalon interne. b

Rendement isolé après purification par chromatographie sur gel de silice entre parenthèses. c

Conversion complète du chloroalcyne 2.15. Aucun β,β-difluoroester correspondant détecté par RMN 19F.

Le fragment difluorométhylène joue deux rôles importants et simultanés : la direction de l’attaque du nucléophile sur le carbone C1 et l’augmentation de la réactivité globale de

l’alcyne envers l’addition d’un nucléophile présent dans le milieu réactionnel. Une étude computationnelle par DFT de l’étape d’hydrométhoxylation a été calculée par Paul A. Johnson, professeur à l’Université Laval dans le domaine de la chimie théorique, pour comprendre l’origine de la régiosélectivité observée (BD86/def2-TZVP).261 Des résultats

préliminaires ont été obtenus en effectuant la modélisation de deux complexes π : (1) celui entre le complexe d’or et le chloroalcyne de l’alcane et (2) celui entre le complexe d’or et le

261 Ciancaleoni, G.; Rampino, S.; Zuccaccia, D.; Tarantelli, F.; Belanzoni, P.; Belpassi, L. J. Chem. Theory Comput. 2014, 10, 1021-1034.

chloroalcyne du gem-difluorure propargylique. Les calculs ont été allégés en remplaçant le ligand triphénylphosphine par la triméthylphosphine89 et le substituant propylbenzène par un groupement méthyle (Figure 2.1). La longueur du lien Au-C d’un complexe H3Au(alcyne) a

été calculée à 2,25 Å261, tandis qu’une modélisation du complexe Cl3Au(propyne) a plutôt

révélé des distances de 2,162 Å et de 2,197 Å.72b Le premier complexe π modélisé montre peu de différence en ce qui concerne la longueur des liens Au-C1 er AuC-2, avec des valeurs

de 2.26 Å et 2.25 Å, respectivement. La préférence de l’attaque nucléophile pour former une α-chloro cétone s’explique donc par les charges de Mulliken calculées pour l’atome d’or, lesquelles sont de -0,13 pour le C1 et +0,06 pour le C2. La charge de Mulliken positive

explique donc l’attaque préférentielle du nucléophile sur le carbone électrophile C2.

En ce qui concerne le second complexe, l’atome d’or est nettement plus proche de C2 à (2.20

Å) que de C1 à (2.32 Å). Dans la réaction d’hydroalcoxylation étudiée, la liaison C1-Au est

donc plus longue de ce qui est habituellement observée. Cette différence marquée de longueur entre les liens entre l’or et les deux carbones peut partiellement s’expliquer par les charges de Mulliken calculée pour l’atome d’or, étant de +0,02 pour le C1 et -0,12 pour le C2.

Une interaction favorable entre l’or et le C2, étant de charges opposées, engendre une distance

Au-C2 plus courte due à l’attraction électrostatique des atomes, tandis que la répulsion entre

les atomes de même charge de Au et C1 provoque plutôt un allongement de la liaison. De

plus, la préférence de l’attaque nucléophile pour former le β,β-difluoroester s’explique également par la charge positive de Mulliken, expliquant l’attaque préférentielle du méthanol sur le carbone électrophile C1.

Figure 2.1. Modélisation par DFT (BD96/def2-RZVP) des complexes π entre le catalyseur

d’or et des substrats propargyliques.