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4.3 Facteurs d’influence de la crédibilité

4.3.3 Opérationnalisation du processus

Dans plusieurs milieux, des comités spécifiques d’évaluation sont créés afin de faciliter l’opérationnalisation du processus évaluatif. Ces comités portent différentes appellations : comité d’évaluation, sous-comité d’évaluation, comité de suivi, comité

de gestion ou équipe d’évaluation, par exemple. La formation de ce type de comités

permet d’attribuer des porteurs de dossier au projet d’évaluation, qui agiront un peu comme des chiens de garde de l’évaluation, favorisant sa planification, sa coordination et facilitant l’engagement ainsi que la motivation des acteurs impliqués. Les rencontres de ces comités visent essentiellement à faire état de l’avancement des travaux relativement à l’évaluation et permettent aux acteurs concernés d’échanger. Ils peuvent y discuter des difficultés et problèmes rencontrés relativement aux tâches

évaluatives ou des rôles et responsabilités de chacun pour les étapes à venir. Dans certains cas, des mécanismes complémentaires d’échanges entre les acteurs sont proposés (création d’un blogue ou d’une plate-forme de dépôt de documents, par exemple).

J’aurais l’impression, dans notre cas, s’il n’y a pas de comité d’évaluation, ou de comité de suivi, [que] l’évaluation ne se fera[it] pas vraiment. En fait, ça assure la qualité parce que ça poursuit la réflexion collective et la mobilisation des personnes qui sont

impliquées dans l’évaluation ou dans la mise en œuvre du plan au fur et à mesure. Ça permet un processus itératif, dans le sens où on se questionne toujours sur notre plan, à un échéancier, à une fréquence précise, qui nous permet d’avoir une évaluation plus régulière. Les rencontres du comité de gestion à chaque mois, c’était pas mal à ça que ça servait. Ils nous parlaient de vers où ça s’en allait, les nouveautés, ce qu’il y avait de nouveau dans les données qu’on récoltait, le pouls du terrain, les problématiques qu’on pouvait rencontrer.

[…] on avait des rencontres mensuelles qui étaient focalisées sur le fonctionnement, sur le quotidien au jour le jour. Donc, quand il y avait des problèmes qui se présentaient, des situations particulières, on en discutait lors de ces rencontres-là.

Pour faciliter le bon déroulement d’une évaluation crédible, les témoignages des participants interrogés pointent vers l’importance de prendre en considération leur réalité dans l’opérationnalisation du processus évaluatif, c’est-à-dire en optant pour une démarche empreinte d’une certaine sensibilité. Pour faire preuve de sensibilité, le processus doit demeurer pratique, pragmatique et adapté à la réalité professionnelle de l’ensemble des acteurs impliqués. En réponse aux impondérables inévitables de plusieurs milieux, la flexibilité, la simplicité et la souplesse du processus apparaissent être des qualités recherchées chez les participants interrogés. Selon les participants,

celles-ci demeurent essentielles pour les parties prenantes pour qui le champ de spécialisation n’est pas l’évaluation, car la réflexion et le travail qu’exige la mise en place du processus (bâtir le modèle logique, déterminer les indicateurs et critères, planifier l’évaluation, etc.) ainsi que l’appropriation de certains concepts évaluatifs peuvent s’avérer énergivores pour plusieurs d’entre elles.

C’était évidemment laborieux. […] J’ai un peu de connaissances par rapport à l’évaluation […], mais mes collègues non, et toute la démarche, de pouvoir se remettre en question, à chaque petits pas, de pouvoir débattre de beaucoup de choses que la méthode nous

obligeait à faire, ce n’était pas évident. C’était long et épuisant un peu, mais le résultat est très satisfaisant et c’est une démarche à répliquer et à répéter pour d’autres projets. Parce que c’est comme une pierre angulaire, un fil conducteur.

De façon volontaire on embarquait dans ce processus-là. Mais après […] on s’est dit « ouf, c’est lourd […]. On ne veut pas à l’interne toujours vivre des processus aussi lourds ». Donc on a cherché à avoir un processus d’évaluation vraiment aidant, donc en diminuant le temps d’implication d’un ensemble de ressources à l’interne. L’idée était intéressante et je ne veux pas lâcher le morceau, mais je pense que c’était quelque chose de trop long et de trop compliqué pour nous […]. Donc pour moi, ce n’était pas adapté.

Oui, ils comprennent que c’est important d’évaluer pour que ça réponde aux besoins, mais ils trouvaient que c’était assez complexe comme démarche. C’était très méthodologique. Ça peut être très complexe, mais quand on est rendu dans l’évaluation concrète, là, ça devient pertinent. Mais c’est l’avant, c’est toute la préparation qui est un peu lourde comme démarche.

Il faut quand même que rapidement on arrive à des résultats tangibles pour garder la motivation là-dedans. […] Et puis, d’être quand même dans quelque chose d’assez simple aussi, parce que j’ai l’impression que le milieu communautaire, […] ça reste quelque chose de nouveau pour nous l’évaluation. […] Donc ça reste quelque chose d’un peu compliqué dont on n’est pas expert. Donc, si on se lance tout de suite

dans quelque chose de grosses envergures ou de compliquée, on va lâcher, on va décrocher, parce qu’on est des gens de terrain et plus axés sur les valeurs souvent et le côté pratico-pratique, concret, que sur des grands concepts ou des choses abstraites.

L’insatisfaction, ou plutôt l’apprentissage qu’on en a tiré, c’est que ça avait quand même été une démarche justement peut-être un peu trop scientifique et très lourde. Je dirais que l’aspect scientifique est vraiment très important, la rigueur scientifique prend énormément de temps […]. Il y avait un aspect démobilisant, je dirais. …]. C’était bien, mais parfois, c’était peut-être excessif.

Peut-être que ça a pris trop de temps dans la tâche régulière. […] L’année a été teintée d’une surcharge de travail. Et vraiment, juste de passer à travers tout le processus d’évaluation, ajouté à notre tâche, ça prenait du temps, […] ça a pris beaucoup d’heures de débat, de réflexion et surtout de rédaction.

La fréquence de rencontre des comités d’évaluation diffère d’un milieu à un autre :

une fois par mois, une fois aux deux semaines, six à huit fois par année, etc. Cette

fréquence est déterminée en fonction de différentes exigences contextuelles propres à l’évaluation et propres au milieu où elle se déroule. Pour certains participants, une évaluation crédible comporte un processus transparent et clair, qui respecte des échéanciers fréquents et fixes, de façon à poursuivre le travail en cours, demeurer

dans le bain et ne pas laisser trainer les choses. Un processus qui exige des

rencontres et des suivis fréquents peut ainsi être associé à un facteur clé pour conserver la motivation des acteurs.

C’est que souvent, la démarche est floue pour les acteurs impliqués. Souvent, on navigue à vue […]. Un plan, un genre de plan, du genre : « l’évaluation va être faite sur deux ans. Voici, il va y avoir des focus groups dans le dernier trimestre, il va y avoir ci, il va y avoir ça, etc. ». […]C’est le fun de pouvoir parler à l’équipe : « on va avoir besoin de mobiliser à tel moment ». Donc, pour moi, ça, c’est

qui s’en vient.

[…] ce qui a fait que ça a bien marché, c’est qu’on se voyait

régulièrement, fréquemment. On ne laissait pas le temps passer, parce que ça reste quelque chose d’abstrait. On pouvait vite le perdre de vue et oublier l’intérêt qu’il y a à le faire ou ne plus le ressentir. Décrocher et ne plus bien comprendre ce qu’on est en train de faire. On se voyait aux deux semaines. Donc là, je n’avais pas le temps de ne pas travailler. Il fallait que ça avance. […] il y avait une semaine où on se voyait et une semaine où je voyais mon sous-comité, […] c’est vrai que ça garde la motivation. Au bout de deux mois, on se regarde et on dit « on a déjà fait tout ça! » C’est de garder la motivation […] parce qu’on la perd vite et ça devient compliqué. C’est souvent ça que j’ai exprimé, entre les processus, il y avait comme un espace, un trop grand temps, qui faisait en sorte qu’il fallait se retremper là-dedans, et c’est ça qui était difficile à suivre aussi.

Lorsque l’évaluation s’opérationnalise dans le respect de la réalité professionnelle des parties prenantes, cela contribue à préserver leur engagement et leur motivation. De la sorte, elles parviennent à développer un meilleur sentiment d’appartenance envers la démarche d’évaluation, ce qui obtient une incidence favorable sur leur implication et leur collaboration dans le processus ainsi que sur la crédibilité qu’elles accordent à l’ensemble de l’exercice évaluatif.